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Le rêve En Société

Analyse sectorielle : Le rêve En Société. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  9 Novembre 2014  •  Analyse sectorielle  •  2 157 Mots (9 Pages)  •  629 Vues

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J'avais une amie, il y a sept ou huit ans. On se racontait nos rêves. Et puis, au fur et à mesure, on s'est moins raconté. Maintenant, elle voit un psychiatre et moi un analyste, alors c'est terminé. " C'est par ce genre de récit que dans nos sociétés l'ethnologue appréhende le rêve. Pour avoir recueilli de nombreux témoignages semblables, le plus souvent féminins, il en déduira que raconter ses rêves est une activité qui s'inscrit dans un type particulier de relation sociale (le lien d'amitié) souvent associé à un âge de la vie. Mais ces récits suggèrent aussi autre chose: se soumettre à une cure psychique psychanalyse ou psychothérapie - modifie l'usage social que nous faisons du rêve. Celui-ci quitte la sphère sociale de l'intimité pour devenir un instrument d'exploration de sa propre subjectivité.

Qu'il se tourne vers l'Europe ou choisisse de décrire et comprendre des sociétés lointaines, l'ethnologue définit l'expérience onirique non comme une activité physiologique ou psychique - ce qu'elle est aussi bien sûr -, mais comme un domaine de la vie en société. Son analyse porte sur l'intégration des récits de rêve dans l'espace social, les différentes catégories d'expérience onirique admises dans une culture, le statut accordé aux perceptions du rêve, les modalités de leur interprétation et les usages sociaux propres à chaque culture. C'est dire que rêver ne renvoie pas seulement à l'intimité du rêveur, libéré des contraintes de la conscience éveillée; il s'agit aussi d'une activité collective, soumise à des modelages culturels qui définissent, pour chaque société, ce que sont l'expérience et l'imagerie oniriques.

Les premiers ethnologues qui, sous l'influence de la psychanalyse, se sont intéressés à l'expérience du rêve dans les sociétés dites primitives entendaient démontrer l'universalité de son symbolisme à travers l'existence de " rêves-types ", dépositaires dans toutes les cultures d'une même signification et manifestation de l'universalité de l'esprit humain.

Des enquêtes de terrain ont été conduites dans des " sociétés à rêve ", c'est-à-dire des sociétés qui codifient de manière précise les diverses catégories d'expériences visionnaires et oniriques et leurs emplois légitimes. Ces études ont révélé la pluralité des conceptions indigènes du rêve en relation avec les conceptions de la personne et du monde, ainsi que la diversité de ses usages intellectuels et sociaux. Parmi ceux qui sont le plus souvent évoqués, on peut mentionner l'initiation juvénile, l'accès aux pouvoirs politique, religieux ou magique, la transmission du savoir mythique, l'invention de nouveaux rites, la création d'objets rituels ou esthétiques.

Ces usages ne sont pas absents des sociétés occidentales : si le christianisme a disqualifié les devins et les rêves des individus ordinaires, il a longtemps admis l'existence de rêveurs prestigieux, les saints et les rois, dont les songes ont une valeur prophétique. Malgré la condamnation de l'Eglise, la tradition gréco-latine d'oniromancie, élaborée entre les IIe et le Ve siècles par Artémidore, Valère Maxime et Macrobe, est reprise à la Renaissance à travers des ouvrages qui s'adressent à des publics plus ou moins savants. Sa transmission sera ensuite assurée par la littérature de colportage puis par les éditions spécialisées dans les traités de magie ou les manuels de santé à usage féminin.

En Italie, certains de ces textes, tel Le Livre des songes, diffusé tout au long des XIXe et XXe siècles, se présentent comme des manuels de techniques pour jouer au loto. Il s'agit de procédures pour traduire en nombres à jouer des événements étranges parmi lesquels figurent en bonne place les images du rêve. Une origine mythique est attribuée à ces manuels de magie qui se présentent comme écrits de la main de Paracelse, Pie de La Mirandole, Agrippa ou Salomon.

Nous admettons spontanément que le rêve est une activité de la conscience endormie, renvoyant exclusivement au dormeur. Pourtant, cette représentation n'a pas effacé d'autres conceptions qui appréhendent l'activité onirique comme une expérience de dissociation temporaire de la personne, favorisant l'évasion de l'âme ou de l'esprit hors du corps. A côté de la tradition médiévale du " voyage de l'âme dans l'au-delà ", reprise sous une forme littéraire par Le Roman de la rose et La Divine comédie de Dante, une tradition orale active explicite, sous forme de récits d'expérience, le statut du rêveur et les procédures d'interprétation permettant de déchiffrer le sens des rêves.

En Europe la tradition narrative recueillie par les folkloristes à la fin du siècle dernier définit ainsi le rêve comme une sortie de l'âme hors du corps. Voici le récit recueilli dans les Landes par Félix Arnaudin, en 1881 : " Un jour, deux hommes voyageaient ensemble. Comme ils s'étaient arrêtés en chemin pour laisser tomber la chaleur, l'un d'eux s'endormit à l'ombre. Tandis que l'homme dormait , l'autre vit une mouche sortir de la bouche de son compagnon et entrer dans le squelette d'une tête de cheval qui se trouvait par là. Et cette mouche tourna dans cette tête de cheval dont elle visita tous les recoins. Puis elle revint dans la bouche du dormeur. Celui-ci dit à son réveil : "Si tu savais le beau rêve que je viens de faire ! J'ai rêvé que j'étais dans un château où il y avait une infinité de chambres, toutes plus belles les unes que les autres : jamais tu ne voudrais le croire. Et sous ce château était enterré un grand trésor. "

L'autre lui dit alors: "Veux-tu que je te dise où tu es allé ? Tu es allé dans cette tête de cheval... J'ai vu ton âme sortir de ta bouche sous la forme d'une mouche et se promener dans tous les recoins de ces ossements, puis elle est entrée dans ta bouche. " Alors, ces deux hommes soulevèrent cette tête et creusèrent dessous, et ils découvrirent le trésor. "

Ce récit met en place un dispositif expérimental - un dormeur et un observateur - pour définir, à partir d'un double point de vue, subjectif et objectif, le rêve comme sortie de l'âme sous forme animale et la réalité onirique comme une réalité métaphorique.

D'autres récits, regroupés sous le titre du Rêve de trésor sur le pont, mettent en scène un déplacement

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