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L’instinct animal s’oppose-t-il à toute forme de raisonnement ?

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Par   •  23 Janvier 2021  •  Résumé  •  1 649 Mots (7 Pages)  •  592 Vues

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Sujet : L’instinct animal s’oppose-t-il à toute forme de raisonnement ?

L’homme se définit souvent en se différenciant de l’animal : il est un animal qui pense, parle et vit dans une société soumise à des lois. Dans de nombreuses religions , il est perçu comme plus proche du divin , dans la Genèse Dieu donne à l’homme la domination sur les espèces animales : «  dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, et sur tout animal qui se meut sur la terre. » Il serait aussi dans la nature, un être plus « parfait  »  que l’animal. Mais la frontière entre l’homme et les animaux est-elle si étanche ? Sur le plan biologique par exemple , il est une espèce comme les autres. L’animal est souvent défini comme un être mu par son seul instinct. L'instinct comprend les phases de la vie active qui présentent une définition héréditaire qui convient aux divers membres d'une espèce pour répondre à certains besoins souvent récurrents ou d'une importance vitale. L’animal  partage du reste  cet instinct avec l’homme. Est-ce une raison pour lui dénier toute intelligence ? L’instinct de l’animal fait-il vraiment obstacle à toute forme de raisonnement ? C’est ce que pensent un certain nombre d’écrivains et de penseurs mais comme le déclare Voltaire dans l’article « Bêtes » de son Dictionnaire philosophique  : «  Quelle pitié, quelle pauvreté , d’avoir dit que les bêtes sont des machines privées de connaissance et de sentiment … ! » Il semble donc qu’une réflexion plus humaniste, comme celle de Voltaire ou de Montaigne puisse conclure à l’existence de capacités de raisonnement chez l’animal.

         Il est possible de voir en l’animal une simple machine, dépourvue d’intelligence et d’âme . C’est la théorie de l’animal-machine développée par Descartes notamment , pour qui  seul l’homme possède le langage, le logos, qui est à la fois langage et raison (Aristote) .  Même si l’animal communique,    aucune forme de pensée ne se dissimule sous cette « communication », les animaux  sont de simples automates. C’est une idée qu’il développe dans
 Le discours de la méthode, où il explique que ce n’est pas le manque d’organes qui ôte à l’animal le langage puisque les humains  sourds et muets  « ont coutume d’inventer […] quelques signes, par lesquels ils se font entendre... »
        De même, beaucoup de penseurs comme le naturaliste et philosophe  Buffon dénient à l’animal toute forme de pensée. Buffon reconnaît qu’il dispose de la phonê : la voix , le son, mais il ne voit dans ces sons qu’une forme de psittacisme sans pensée sous-jacente. En ce sens il est très proche de Descartes reprenant  d’ailleurs le même raisonnement par analogie à propose des organes  dont les animaux disposent mais « c’est la puissance intellectuelle, c’est la pensée qui leur manque. » précise-t-il dans son œuvre.
        Parfois la conception de l’animal est un peu plus élaborée , c’est le cas chez Rousseau  qui,  au XVIIIeme siècle rapproche l’homme et l’animal , tout en dévalorisant l’homme du reste,  à qui il reproche de s’être écarté de la Nature en faisant usage de son libre-arbitre, dont l’animal lui, est dépourvu. Le « philosophe des Lumières »  déclare  dans son
Discours sur l’inégalité « Je ne vois dans l’animal qu’une machine ingénieuse . Toutefois l’homme lui-même est également qualifié de machine, et la supériorité de l’homme n’est qu’une question de degré. «  Tout animal a des idées puisqu'il a des sens, il combine même ces idées  jusqu'à un certain point, et l'homme ne diffère de la bête que du plus au moins. » poursuit-il.

        Toutefois Condillac dans son
Traité des animaux explique qu’il est peu pertinent à ses yeux de se demander ce que sont les bêtes, l’intérêt de les connaître et de les étudier est qu’elle permettent à l’homme de mieux se connaître, tout en reconnaissant qu’il peut s’agir d’un prétexte pour les observer. Cela a du moins le mérite de rapprocher homme et animal.

        Déjà il s’agit de lutter contre l’anthropocentrisme : au XVIeme siècle Montaigne  s’en charge dans l’apologie de Raimond Sebond , au livre II des Essais,  il attaque cet anthropomorphisme   qui pousse l’homme à se croire infiniment supérieur à l’animal et à le maltraiter. Ce sera pour lui du reste , une occasion d’ inciter l’homme à plus de tolérance et d’humanité (philanthropia)  envers ce qui lui paraît si différent. Il s’appuie sur les philosophes grecs qui  ne remettent  pas en question l’âme des bêtes et s’attache à montrer les ressemblances entre l’homme et l’animal, recourant à un certain anthropomorphisme. Il insiste sur le fait que cette parenté nous dérange. Toutefois il n’idéalise pas les animaux chez qui il perçoit la coexistence de vice et de vertu , comme chez l’être humain.
        Il est également possible de penser que les animaux aussi ont un discours mais que l’homme ne le comprend pas, Montaigne évoque leur discours intérieur « logos  endiathétos »  qui ne nous est pas intelligible. Il emploie une question rhétorique « Ce défaut qui empêche la communication d’entre elles et nous, pourquoi n’est-il bien aussi à nous qu’à elle ? » et une comparaison  pour expliquer cela «  Ce n’est pas grande merveille, si nous ne les entendons pas , aussi ne faisons nous les Basques et les Troglodytes. » de même La Fontaine dans sa fable 20 du livre IX « Discours à Madame de La Sablière » prend l’exemple des castors qui coopèrent dans une entreprise commune  où ceux qui sont plus expérimentés dirigent les novices, cela suppose qu’ils puissent réfléchir mais aussi communiquer et s’instruire mutuellement .  Il conclut ainsi sa démonstration « Que ces castors ne soient qu’un corps vide d’esprit,/ Jamais on ne pourra m’obliger à le croire ; »
        Si l’on passe sur le plan de la morale on peut également envisager que les animaux soient capables de distinguer le bien du mal . Le contraire est généralement admis parce que l’homme ne peut savoir ce qu’il se passe à l’intérieur de l’animal. , La Mettrie , penseur matérialiste favorable à la thèse de Descartes, donnera deux exemples , certes peu convaincants, mais qui peuvent faire réfléchir . A travers l’exemple du Lion cité dans
 L’Homme machine , il insiste sur les capacités de reconnaissance de l’animal. Plus près de nous, des études récentes montrent que les espèces animales sont gouvernées par des codes de conduite et sont capables d’empathie et d’entraide. Toutefois cette thèse de l’animal moral ne fait pas l’unanimité chez les experts.
         En revanche , en contradiction avec la thèse d’Aristote, qui évoque la présence de mains chez l’homme mais inverse la théorie selon laquelle ces mains rendraient l’homme supérieur , en disant  que pour lui c’est l’intelligence humaine qui s’empare de leur structure articulée  et non les mains qui seraient « intelligentes » ,et  à la suite de Pierre Boulle dans
La Planète des singes, on s’est aperçu que de nombreux animaux et tout particulièrement les primates avaient des capacités de raisonnement indéniable ; Alors est-ce parce qu’ils seraient intelligents qu’ils sont quadrumanes ou est-ce l’inverse ? Le raisonnement de Zita repose sur le présupposé selon lequel les capacités physiques déterminent les qualités spirituelles.
        Plus près de nous, et même si nous sortons temporairement du domaine de l’écrit littéraire , des chercheurs zoologues ont montré par une série d'expériences sur des oiseaux et sur des singes que certains animaux étaient capables de traiter l’information , de former des catégories ou même d’interpréter les conceptions mentales d’autrui comme le montre la vidéo d’Arte avec les deux chimpanzés Alex et Annette. Bien sûr, un doute pourra toujours subsister puisque le chimpanzé ne fera pas part de son raisonnement. C’est déjà ce qu’évoque Jack London dans l’épilogue de
L’appel de la forêt quand il évoque les observations  faites sur le comportement de son chien Rollo  et en déduit des capacités  de raisonnement chez son chien. En particulier, Rollo conclut à la présence d’un visiteur parce qu’il vient d’entendre son maître s’adresser à ce dernier  (qui est fictif) : « Du fait que son maître se tournait brusquement vers la porte, du fait que la voix de son maître, l’expression de son visage et toute son attitude exprimaient la surprise et le plaisir, Rollo conclut à la présence d’un ami. » explique-t-il.  

        Ainsi il sans doute vrai que l
es actes instinctifs constituent la majorité des comportements de la plupart des animaux , mais pourquoi cet instinct exclurait-il le raisonnement ? Ne serait-ce pas une forme de mépris ou de paresse de penser que l’homme soit le seul animal capable de raisonner ? Bien souvent, et la littérature  et le cinéma en donnent de multiples exemples, l’homme « monstrueux »  est défini par des références à l’animal  En 1978 l’animal entre dans la sphère du droit  avec une déclaration universelle des droits des animaux de l’Unesco , or une machine ne peut avoir de droits, en janvier 2015 l’animal est désormais reconnu comme un « être vivant doué de sensibilité ».Sans tomber dans un antispécisme purement idéologique,  n’est-il pas temps de voir en l’animal autre chose qu’ une simple matière à notre disposition ?
        

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