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Le Malade imaginaire est-il un spectacle de pure fantaisie ?

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Par   •  25 Avril 2022  •  Cours  •  1 631 Mots (7 Pages)  •  8 864 Vues

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Sujet n°1 : La comédie Le Malade imaginaire est-elle un spectacle de pure fantaisie ?

        Quand Molière, de concert avec Lully, invente le genre de la comédie-ballet pour plaire à Louis XIV, les pièces semblent n’être créées que comme des divertissements royaux. Mais la comédie Le Malade imaginaire est-elle un spectacle de pure fantaisie ? La fantaisie évoque une capacité à réinventer le monde de manière joyeuse sans se prendre au sérieux, ou bien une excentricité. La pièce, jouée pendant la période du carnaval, ne serait ainsi qu’un enchaînement gratuit de scènes farcesques, voire farfelues, destinées au seul plaisir visuel et auditif du spectateur. Or, Molière n’affirme-t-il pas que la comédie corrige les mœurs par le rire ? Si la pièce repose tout entière sur un jeu carnavalesque, la fantaisie exclut-elle pour autant toute forme de réflexion ? Nous verrons que la pièce est bien un spectacle plein de fantaisie, avant de prouver que cette fantaisie sert à exprimer des vérités. En fait, nous montrerons que la fantaisie, au-delà des réflexions qu’elle cache, célèbre les pouvoirs du théâtre.

Dans un premier mouvement, voyons que la pièce du Malade imaginaire est un spectacle plein de fantaisie.

Dans un premier temps, nous constatons que la composition de la pièce elle-même est fantaisiste. En effet, cette fantaisie découle du le problème que pose la couture entre les intermèdes et les dialogues. Ainsi, le prologue chanté installe d’emblée la pièce un climat de féérie en situant l’action dans une temporalité mythologique gréco-romaine, éloignée de tout réalisme. Le premier intermède, quant à lui, est faiblement rattaché à l’intrigue parce que Polichinelle est présenté comme l’amoureux de Toinette ; le deuxième est une rencontre de hasard de Béralde. Le carnaval s’invite sur la scène grâce aux costumes de « Mores » des danseurs égyptiens, l’exotisme du ballet étant renforcé par « des singes qu’ils ont amenés avec eux ». De même, le dénouement, qui voit Argan se métamorphoser en médecin par la magie d’un latin macaronique permet à la pièce de s’achever dans un final extravagant.

Dans un deuxième temps, nous verrons que les personnages eux-mêmes apparaissent comme des personnages fantaisistes, à commencer par Argan dont la maladie est tout imaginaire et qui entraîne son entourage dans sa folie. Or, sa colère contre Toinette est une preuve de sa vitalité dès l’acte I scène 1, tout comme la scène où il veut battre sa fille Louison. Béralde précisément invitera la famille d’Argan à « s’accommoder à ses fantaisies » dans le dénouement. De plus, au premier intermède, Polichinelle est un personnage de la commedia dell’arte, vêtu de blanc et portant un demi-masque noir en forme de bec d’oiseau. Enfin, l’onomastique du personnel médical, fondé sur des jeux de mots scatologiques, les discrédite de prime abord. En effet, « foire » signifie « diarrhée » à l’époque. Par exemple, dans la mise en scène de Georges Werler, les gants, masques et charlottes chirurgicales font des médecins des personnages extravagants.

Nous verrons dans un dernier temps que la pièce semble tout simplement construite sur une succession de numéros qui l’ancrent dans un univers fantaisiste. Par exemple, le personnage de Polichinelle, venu donner une sérénade à sa maîtresse dans le premier intermède, est dérangé par les violons, puis rossé par la troupe du guet : on se demande alors si ce n’est pas le théâtre du carnaval qui s’immisce ici. On retrouve également des traces de cette fantaisie à travers les métamorphoses de Toinette en médecin volant, à travers l’apparition de Béralde tel un deus ex machina qui fait surgir de nulle part une troupe de danseurs et chanteurs, jusqu’à la petite Louison qui veut réciter à son père « Peau d’Âne » et « Le Corbeau et le Renard » pour détourner son attention.

Toutefois, nous verrons que si la fantaisie est omniprésente dans la pièce, elle ne s’en mêle pas moins à la vérité.

Tout d’abord, le rire permet d’aborder un sujet extrêmement angoissant : la misère de l’homme devant la maladie et la mort. Cette misère d’Argan est visible dès la scène d’exposition, qui prend la forme d’un monologue. Argan calcule et négocie ses paiements, mais il est aveuglé par la hantise de la maladie. Or un malade est toujours seul. Argan s’aime malade, ce qui l’amène à exercer un chantage à la mort : « mamour, cette coquine-là me fera mourir » (I, 6). Il redevient aussi un enfant devant sa propre épouse, qui le nomme : « mon fils », « mon petit fils », « mon pauvre petit mari ». La mise en scène de Philippe Adrien (2003), qui fait jouer les rôles d’Argan et de Béline par des comédiens aveugles et Toinette par une comédienne sourde, explore justement le monde intérieur du maître de maison. Le ridicule d’Argan nous ramène ainsi à notre propre condition humaine et notre vanité.

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