L’Etat n’est-il que violence ?

Barnabé Leturcq Gr.08

Sujet de dissertation : « L’Etat n’est-il que violence ? »

        Répression violente des manifestations de Gilets Jaunes, violences policières aux Etats-Unis, annexion de la Crimée par la Russie, les exemples d’actes de violence commis par des Etats sont nombreux. Nous pouvons tout de même séparer deux cas de violence. Tout d’abord, comme dans l’exemple de l’annexion de la Crimée par la Russie, l’Etat peut diriger sa violence vers d’autres Etats dans le but de défendre sa souveraineté sur un territoire ou de protéger sa population. Ce type de violence a été décrit par Norbert Elias dans La Socio-genèse de L’Etat comme inhérent au développement d’un Etat dès le Moyen-Age et il semble toujours exister. Mais l’usage de la violence peut également être interne à une société lorsqu’elle connaît des tensions. Dans ce cas, l’intérêt de l’action étatique est d’assurer la stabilité de la société en opérant une régulation des conflits. L’Etat semble donc être violent pour assurer sa mission de protection de sa souveraineté et de régulation sociale, le tout dans l’objectif de maintenir la stabilité de la société et plus largement, pour pouvoir exister. Nous pouvons cependant nous demander si l’Etat se résume à la violence. En effet, dire que l’existence de l’Etat repose sur la violence est une chose, mais cela ne veut pas dire que la violence est omniprésente dans les actions étatiques et que l’Etat n’a pas d’autres missions pour que la société se porte bien. Ce dernier élément signifie que le maintien de la stabilité d’une société ne repose pas forcément que sur la régulation des conflits. Il est en effet raisonnable de penser qu’une société qui fonctionne bien repose également sur une bonne cohésion sociale. Nous nous réfléchirons à ces différents éléments en nous demandant si on peut réduire l’Etat au strict usage de la violence ou s’il possède un rôle plus large. Pour ce faire, nous nous pencherons dans un premier temps sur la nécessité de l’usage de la violence pour qu’un Etat puisse exister, avant de nous questionner sur les autres missions de l’Etat vis-à-vis de la société.

I - L’usage de la violence par l’Etat est nécessaire pour qu’il puisse exister et pour assurer une société stable.

1- L’Etat doit utiliser la violence pour protéger sa souveraineté et ce, dès ses premières heures.

        Pour commencer, nous allons voir que dès ses premières heures, l’existence de l’Etat a reposé sur l’usage de la violence en nous appuyant sur un exemple. L’Etat moderne comme forme centralisée d’exercice du pouvoir en Occident puise ses ressources dans un long processus qui s’est opéré durant une grande partie du Moyen-Age (du Xème au XVème siècle) longuement décrit par Norbert Elias dans La Genèse de l’Etat. Ce dernier s’intéresse au cas du Royaume des Francs, sur lequel règnent successivement les dynasties mérovingiennes, carolingiennes puis capétiennes. Si les capétiens ont réussi à conserver le pouvoir plus longuement que les autres dynasties, leur règne n’a pas tout le temps été évident. En effet, la perte de nombreux territoires par le Roi suite à diverses invasions a été propice à l’émergence d’un système féodal particulier (féodalité de fief), où les vassaux n’honorent plus leurs engagements envers le Roi et où ils se livrent à une lutte territoriale très importante. La mise en concurrence de très nombreux seigneurs impose à tous d’entreprendre de manière incessante des guerres pour conquérir de nouvelles terres, sous peine de ne pas survivre. Cette phase de concurrence où il n’y a pas d’Etat souverain qui s’impose est une phase de concurrence libre. Le mécanisme de conquête de terres de plus en plus vastes pour les centres politiques survivants, et le fait que le nombre de concurrents soit de plus en plus réduit est appelé par Elias le mécanisme monopolistique. Il abouti à la victoire de plusieurs grands centres politiques, dont celui du Roi qui a pu rappeler des vassaux à leurs obligations et nouer des alliances par des mariages. Ainsi a émergé un unique centre politique en Occident à la fin du Moyen-Age.

        Pour s’imposer et se développer, l’Etat souverain, comme on peut le voir dans l’exemple précédent du Royaume des Francs, est donc souvent forcé de recourir à la violence. Cependant, ce recours à la violence peut continuer assez longtemps après qu’un Etat se soit imposé sur un territoire, en témoigne les différentes luttes territoriales qui ont lieu aujourd’hui entre Israël et la Palestine par exemple ou la guerre en Syrie. Le terme apparent de ces guerres sur les territoires des Etats souverains en Occident par exemple pourrait être décrypté comme le fait qu’un Etat qui a suffisamment assis son pouvoir n’a plus besoin de recourir à la violence pour le protéger. Cependant, la protection des territoires de ces pays comme la France par exemple repose en fait sur des armes de dissuasion, comme l’arme atomique. Le fait que la tranquillité de ces pays repose sur ces armes de dissuasion peut être vu comme une forme de violence, même si aucune arme est utilisée, car on dissuade en laissant savoir qu’on pourrait répliquer violemment.

        Finalement, l’usage de la violence par un Etat envers d’autres semble assez souvent être très présent, dès premières heures d’existence de l’Etat souverain à sa stabilité la plus parfaite. Sans cette violence dirigée vers l’extérieure, on peut douter que l’Etat arriverait à exister car il lui aurait été compliqué de se développer. Cependant, la violence des Etats n’est pas que dirigée vers l’extérieur. En effet, pour garantir leur stabilité, ils ont également besoin de maintenir l’ordre au sein de leur société, et cela passe souvent par l’usage de la violence.

2- L’Etat doit faire usage de son monopole de la coercition légitime pour réguler les conflits au sein de la société.

        Les sociétés humaines gouvernées par des Etats sont composées, comme les autres sociétés, d’une multitude d’individus aux intérêts souvent divergents. Or la nature humaine, d’après Hobbes, fait que même si les êtres humains vivent en groupe, ils sont constamment traversés par des conflits et ont des rapports presque bestiaux. C’est la caractéristique principale de « l’homme primitif ». L’Etat se place alors en pouvoir qui va favoriser la coexistence des hommes en instaurant des règles qui régissent les rapports sociaux et les comportements individuels. Ces règles retirent aux hommes une partie de leur liberté, mais ils y consentent car l’Etat est un gage de protection et de stabilité. On peut alors dire que l’Etat existe pour civiliser les hommes par des règles qui font utilité de régulation sociale. Il est par exemple interdit de voler des objets qui appartiennent à d’autres selon le principe de propriété privée, ou d’essayer d’imposer sa volonté par la force.

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