La Hausse Des Prix Agricole
Rapports de Stage : La Hausse Des Prix Agricole. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar alanoud • 18 Janvier 2015 • 4 496 Mots (18 Pages) • 906 Vues
VI / Les prix agricoles
Michel Aglietta et Charlotte Emlinger*
Les marchés agricoles ont connu en quelques années deux épisodes spectaculaires de fl ambée des prix. À la crise alimentaire de 2007-2008 a succédé en 2010-2011 un nouveau boom. Le Food Price Index de la FAO, qui est un indice général du niveau des prix d’un panier de biens agricoles élémentaires, permet d’analyser les tendances de long terme des prix agricoles (graphique 1). Alors que les prix agricoles étaient en moyenne, depuis 1990, relativement stables en valeur réelle, une augmentation de l’indice des prix s’observe à partir de 2004. Cet indice présente deux pics en 2008 et 2011 qui correspondent aux deux périodes de crise récentes. Une tendance à la hausse générale du niveau des prix s’observe donc à partir du milieu des années 2000 et a été particulièrement marquée pour le riz, le blé et le maïs (respectivement 11 %, 8 % et 8 % de croissance moyenne annuelle entre 2000 et 2011, contre – 1 %, 0 % et – 2 % entre 1990 et 2000).
Si les marchés des matières premières sont toujours très volatils, ces deux événements d’une ampleur exceptionnelle nous amènent à nous interroger sur l’origine de cette augmentation brutale des prix. Le développement des biocarburants, la fi nanciarisation des marchés agricoles et la croissance des pays asiatiques sont généralement évoqués pour expliquer ces hausses brutales. Il est assez complexe d’identifi er l’impact relatif de chacun
* Michel Aglietta est professeur à l’université Paris-Ouest-Nanterre-La Défense, conseiller scientifi que au CEPII et à Groupama Asset Management ; Charlotte Emlinger est économiste au CEPII.
de ces facteurs sur les prix agricoles mondiaux. Cette question est d’autant plus diffi cile à résoudre que les données sont souvent manquantes et que chaque produit agricole présente des structures de marché et des enjeux différents. Ainsi, les nombreuses études parues sur le sujet [rapport FAO et al., 2011 ; Abbot, Hurt et Tyner, 2008 ; Wright, 2009] ne permettent pas encore de dégager de réel consensus sur le rôle de chacun des éléments sur la fl ambée des cours. L’objectif de ce chapitre est de présenter et d’expliquer l’impact des différents facteurs à l’origine de la hausse des prix alimentaires ces dernières années.
Graphique 1. Indice FAO des prix alimentaires, 1990-2011
(indice mensuel défl até, 2002-2004 = 100)
Source : FAO.
Dans un premier temps, il s’agit de bien distinguer les tendances de long terme – l’augmentation du niveau général des prix agricoles – des épisodes de court terme. Nous allons voir que la rupture de tendance à partir de 2004 peut être expliquée par une forte augmentation de la demande mondiale, tandis que la production agricole restait relativement stable. Cette augmentation du niveau des prix, rendant les marchés plus sensibles aux chocs de court terme, est à l’origine de la plus forte volatilité des prix observée sur les marchés. Au-delà de ces facteurs réels, comme à chaque fois que le marché des matières premières est soumis à des tensions, les spéculateurs et les marchés dérivés sont pointés du doigt. Nous aborderons dans un second temps le problème de la fi nanciarisation des marchés agricoles.
Les fondamentaux à l’origine de la tendance des prix à la hausse
Une accélération de la demande
Depuis le milieu des années 2000, la demande alimentaire mondiale connaît une accélération qui s’explique par différents facteurs : l’augmentation de la population, la croissance des pays émergents, en particulier de la Chine, et l’augmentation de la production de biocarburants, incitée par les politiques européenne et américaine.
La forte croissance de la Chine durant la décennie, en particulier après 2005, a eu deux conséquences majeures sur la demande alimentaire. Elle s’est tout d’abord traduite par une augmentation de la demande en grain (riz et céréales), qui a essentiellement été satisfaite par la production nationale. Par ailleurs, l’émergence d’une classe moyenne a également été à l’origine d’une modifi cation des habitudes alimentaires d’une partie de la population, dont le régime s’est rapproché du régime occidental avec une part de plus en plus importante des protéines d’origine animale. Ce changement a eu pour impact une forte hausse de la demande en viande, dont la consommation par habitant a augmenté (25 % pour la population rurale entre 1990 et 2008), ce qui a accentué la pression sur la demande de céréales (7 kg de céréales sont nécessaires pour produire un kilo de viande en moyenne). La demande de soja, qui sert aussi à l’alimentation animale, a également connu une importante augmentation. La production nationale étant insuffi sante pour répondre à la demande de soja et de viande bovine, les importations de Chine de ces produits ont connu une véritable explosion à partir de 2004 (graphique 2). Ainsi, la part de la Chine dans les importations mondiales de soja est passée de 20 % en 2002 à 55 % en 2009. Ces différents phénomènes s’observent aussi dans les autres pays émergents, bien que dans une moindre mesure.
La production de biocarburants est également à l’origine d’une hausse de la demande agricole mondiale depuis la moitié des années 2000 [Collins, 2008]. Il existe deux types de biocarburants. Le biodiesel est fabriqué à base d’huiles végétales et d’autres graisses, et est essentiellement produit dans l’Union européenne. Le bioéthanol est produit à partir de céréales et de sucre et est produit aux États-Unis à partir de maïs, et au Brésil à partir de canne à sucre. Les productions de bioéthanol et de biodiesel se sont
Graphique 2. Évolution des importations chinoises de viande bovine et de soja
(2000 = 100)
Source : ONU, Comtrade.
développées à partir du début des années 2000 ; à partir de 20042005, elles ont connu une forte augmentation dans l’Union européenne et aux États-Unis (graphique 3). La part de la production de maïs destinée au bioéthanol aux États-Unis est maintenant supérieure à 35 % (contre 10 % en 2004). Cette très forte croissance s’explique essentiellement par la volonté des gouvernements de promouvoir ces fi lières. Celles-ci sont largement subventionnées par des programmes très incitatifs
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