Commentaire de l’arrêt du Tribunal des Conflits, le 13 janvier 1992, « l’Association nouvelle des Girondins de Bordeaux »
Mémoires Gratuits : Commentaire de l’arrêt du Tribunal des Conflits, le 13 janvier 1992, « l’Association nouvelle des Girondins de Bordeaux ». Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar dissertation • 28 Novembre 2013 • 1 895 Mots (8 Pages) • 4 967 Vues
Commentaire de l’arrêt du Tribunal des Conflits, le 13 janvier 1992, « l’Association nouvelle des Girondins de Bordeaux » :
« Un justice unifiée aurait plus de force et de visibilité dans le concert des juges qu’une justice divisée »
Ces paroles de Truchet extrait de « Plaidoyer pour une cause perdue : la fin du dualisme juridictionnel » évoquant la réunion des juridictions judiciaires et administratives en un seul ordre de juridiction, illustrent le fait que celle-ci mettrait fin aux relatives incertitudes sur le juge qu’il convient de saisir et à la complexité de la répartition des compétences entre les deux ordres.
Le problème de la compétence du juge se pose également en matière de voie de fait : la qualification de cette dernière étant déterminante dans la saisine du juge compétent.
En effet, l’enjeu se joue dans l’interprétation de la notion de voie de fait : les juges judiciaires ayant tendance à abuser de cette notion en l’interprétant largement, le Tribunal des conflits tente de les remettre à l’ordre en revenant à une définition classique de la voie de fait, tel est le cas dans l’arrêt.
En l’espèce, la Fédération française de football avait rétrogradé le 24 mai 1991 l’Association nouvelle des Girondins de Bordeaux en deuxième division, alors même que le décret du 13 avril 1990 l’aurait privé de l’habilitation ministérielle au titre de laquelle une telle décision aurait pu être prise. L’association nouvelle des Girondins de Bordeaux a donc porté le litige devant le Tribunal de Grande Instance de Bordeaux sur le fondement que la décision prise n’était plus un acte administratif. Le TGI de Bordeaux considéra donc que le litige relevait de la compétence judiciaire, c’est pourquoi le préfet éleva le conflit. Le problème réside donc dans la qualification de la rétrogradation du club de football en tant que voie de fait ou non, afin de déterminer le juge compétent.
Par conséquent, la décision de rétrogradation d’un club de football est-elle constitutive d’une voie de fait justifiant la compétence de juge judiciaire ? La décision de rétrogradation d’un club de foot prise la ligue nationale de football (organisme de droit privée) est-elle un acte administratif relevant de la compétence du juge administratif ?
Le Tribunal des Conflits y répond, le 13 janvier 1992 : « « La décision du 24 mai 1991 de la Ligue nationale de football rétrogradant en deuxième division l’Association nouvelle des Girondins de Bordeaux, qui n’est pas manifestement insusceptible de se rattacher à l’exercice d’un pouvoir conféré à l’administration et qui ne porte pas atteinte à une liberté fondamentale ne saurait être regardée comme constitutive d’une voie de fait, relevant, comme telle, de la compétence de juridictions judiciaires » (Tribunal des Conflits, 13 janvier 1992, Préfet de la Région Aquitaine)
Il ressort de cette solution un usage excessif croissant de la théorie de la voie de fait de la part des juges judiciaires, à laquelle le Tribunal des conflits s’oppose en interprétant strictement celle-ci (II). Une application plus traditionnelle du critère d’exécution d’un service public par une association est mise en lumière (I).
A- L’usage excessif croissant de la théorie de la voie de fait
Le Tribunal des conflits rappelle de par son arrêt la théorie de la voie de fait (1), qui fait l’objet d’une interprétation extensive de la part des juges judiciaires (2)
1) Le simple rappel de la notion de voie de fait
« La décision […] qui n’est pas manifestement insusceptible de se rattacher à l’exercice d’un pouvoir conféré à l’administration et qui ne porte pas atteinte à une liberté fondamentale »
Il ressort tout d’abord de cet arrêt un rappel de la notion de voie de fait, puisque la décision de la Fédération Française de Football par laquelle elle rétrograde l’équipe des Girondins de Bordeaux en deuxième division pose le problème de sa qualification de voie de fait ou non.
Il existe voie de fait dans deux cas : tout d’abord, lorsqu’une décision de l’administration porte atteinte à la liberté ou à la propriété privée en elle-même, indépendamment des conditions dans lesquelles elle est exécutée, « manifestement incompatible d’être rattachée à un pouvoir appartenant à l’administration » , tel il est dit dans l’arrêt « Carlier » du Conseil d’Etat le 18 novembre 1949, ou « manifestement insusceptible de se rattacher à l’application d’un texte législatif ou règlementaire » selon l’arrêt « Perrin » du Tribunal des Conflits en 1957.
Il existe une deuxième série de cas qualifiés de voie de fait : c’est lorsque l’administration a procédé, dans des conditions irrégulières, à l’exécution d’une décision, même régulière, portant atteinte au droit de propriété ou à une liberté fondamentale. Ce cas de voie de fait se trouve très bien mis en lumière dans les arrêts du Tribunal des conflits, par exemple dans son arrêt « Société immobilière Saint Just » de 1902, où il pose les conditions de l’exécution d’office, ou encore dans l’arrêt « Fondation Cousteau » du 25 janvier 1988, où il considère qu’il y a voie de fait à chaque fois que l’Administration fait une exécution forcée dans des conditions irrégulières.
Or, il en convient de constater qu’en l’espèce la rétrogradation d’un club de football n’est pas constitutive d’une voie de fait, dans la mesure où elle ne porte pas atteinte à une liberté et elle n’est pas « manifestement insusceptible de se rattacher à l’exercice d’un pouvoir conféré à l’administration ».
La qualification de voie de fait d’un acte administratif confère aux juges judiciaires une compétence pour l’apprécier, d’où l’interprétation extensive et excessive de ceux-ci de cette notion.
2) L’interprétation extensive de la notion de voie de fait par l’ordre judiciaire
« Une voie de fait relevant […] de la compétence de juridictions judiciaires »
Lorsqu’un acte administratif est qualifié
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