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La ville produit-elle de la violence ?

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Par   •  19 Février 2019  •  Dissertation  •  2 033 Mots (9 Pages)  •  592 Vues

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En 2005, des émeutes urbaines sont survenues à Clichy-sous-bois à la suite de la mort de deux adolescents le 27 octobre 2005 : Zyed Benna et Bouna Traoré, électrocutés dans une centrale électrique alors qu’ils tentaient d’échapper à un contrôle de la police. Cet évènement fait office de déclencheur dans les quartiers populaires et les émeutes urbaines se propagent. Ces violences urbaines sont récurrentes dans les zones urbaines dites sensibles en France depuis les années 1980 et ce phénomène s’apparente à un véritable problème latent dans la société que les politiques publiques doivent s’efforcer de régler. Ce type d’émeutes urbaines peut repartir à tout moment. L’usage du terme « urbaines » pour qualifier ces émeutes nous indique que la physionomie de la ville, ses aspects ont un rôle clé dans la production de cette violence. Pour autant, la ville peut se définir comme le symbole même du pouvoir de l’État dont la première fonction est d’assurer la sécurité des citoyens. Ses structures sont ainsi aménagées pour faciliter l’exercice du pouvoir et le contrôle de la population à l’instar des rues normées de Haussman. Il paraît ainsi étonnant qu’elle puisse être à l’origine d’une forme de violence particulière. Dès lors nous pouvons nous demander si les structures de la ville mises en place par l’État et ses collectivités ne favorisent pas l’expression de la violence au lieu de pacifier la société comme initialement prévu. Nous verrons dans un premier temps que la ville est porteuse d’inégalités et de ségrégation avant de constater que c’est cette relégation dans les quartiers populaires qui provoque la violence des jeunes en signe de contestation. Enfin nous pourrons étudier comment l’État et les acteurs publics en charge de la ville réagissent face à cette violence urbaine.

Nous verrons ainsi dans un premier temps comment la ville favorise et exacerbe les inégalités entre les classes sociales en entraînant le phénomène de ségrégation urbaine.

La ville, rassemblement de la population autour d’intérêts socio-économiques dans un lieu géographique donné, est avant tout propice aux inégalités entre ses habitants. Louis Wirth définit ainsi la ville comme étant « un établissement important, dense et permanent d’individus hétérogènes », favorisant ainsi la centralité des activités, la rencontre entre les individus mais également les communautés, phénomène de découpage social dans la ville. La ville est donc un lieu d’inégalité, de hiérarchie sociale. En effet, les inégalités socio-économiques s’inscrivent dans l’espace depuis l’antiquité. Comme le montre Pierre Bourdieu, sociologue français, dans son livre La misère du monde, la ville est un espace social de lutte pour la domination : lutte entre les groupes sociaux pour être dans les espaces les plus attractifs, à savoir le centre ville. Les personnes les plus fortunées vont pouvoir investir le centre alors que les moins aisés vont se trouver reléguer à la périphérie urbaine : c’est la ségrégation que le sociologue Grafmeyer définit comme une « séparation physique et mise à distance sociale ».

Certains groupes sociaux vont se trouver relégués à la périphérie à cause de la ségrégation urbaine due aux inégalités entre les individus. Celle ci fonctionne avec le marché du travail et du logement : les jeunes des quartiers défavorisés seront pénalisés par ces deux marchés. A partir du moment où les prix du logement vont exclure certaines populations du centre ville, cela devient une question sociale : la mixité sociale de la ville. La question sociale et la question urbaine sont ainsi totalement imbriquées. La ségrégation urbaine est un processus qui prend du temps, inégalitaire qui entraîne une certaine physionomie de la ville et qui dépend de mécanismes économiques, sociaux, politiques et culturels. Ce sont les quartiers riches qui conçoivent la physionomie de la ville : il y a ainsi la volonté de tenir à distance les pauvres. Les quartiers sont de plus en plus homogénéisés socialement mais aussi de plus en plus séparés les uns des autres. La ville peut ainsi s’apparenter à un lieu d’entre soit dans la mesure où nos voisins nous sont semblables en terme de revenus, de diplôme, de catégorie sociale. Les déterminant sociaux tels que la hausse du prix du logement ou la précarité de l’emploi y jouent.

Cette relégation dans les quartiers à la périphérie conduit au phénomène des émeutes urbaines, récurrent dans la société française depuis les années 1980. Il reflète l’incapacité de l’État à agir sur les inégalités au sein de la ville et à faire face au sentiment d’abandon provenant des quartiers populaires, pour la majorité d’origine immigrée.

Un phénomène assez étrange selon le débat public et cela a notamment été visible dans les émeutes de 2005, c’est la participation à cette violence des quartiers de la part d’individus ordinaires appartenant aux milieux populaires. Si ils ne sont pas à l’origine de ces émeutes, ils s’y joignent de plein gré mus par le même sentiment d’appartenance à une classe sociale abandonnée et reléguée partageant les mêmes conditions d’existence. Ce qui soude ainsi le groupe, c’est l’expérience commune de la discrimination au quotidien se doublant d’un fort dénouement matériel s’apparentant à une forme d’humiliation sociale. Comme le montre l’article de S. Beaud et M. Pialoux La « racaille » et les « vrais » jeunes. Critique d’une vision binaire du monde des cités, les jeunes « ordinaires » sont les premiers touchés par la hausse du chômage à cause de la discrimination à l’embauche. Ces jeunes issus de l'immigration subissent des discriminations dont les conséquences sociales sont l'impossible accès à un emploi stable. Même ceux qui travaillent le font dans des conditions déplorables : racisme ouvert dans le monde du travail envers les enfants d’immigrés. Très peu de mobilité sociale s’avère possible, ils finissent ainsi par reproduire le parcours de leurs parents. C’est le signe d’une génération qui a grandi dans la crise et la précarité, facilitant leur possible radicalité. Tout cela produit un phénomène de désespérance sociale qui se traduit logiquement par des émeutes urbaines.

Il y a une concentration des difficultés sociales dans certains quartiers de la ville : taux de chômage élevé, précarité de l'emploi, famille monoparentale… Les inégalités de lieu de vie dans la ville ont tendance à figer les destins sociaux des individus. Dans les quartiers pauvres la norme va être l’échec social, il y a un phénomène de reproduction

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