Religion et laïcité aux États-Unis : Du modèle américain à la superpuissance ?
Dissertation : Religion et laïcité aux États-Unis : Du modèle américain à la superpuissance ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar bless41 • 28 Février 2014 • 3 015 Mots (13 Pages) • 1 026 Vues
Séminaire « Du modèle américain à la superpuissance ? »
Religion et laïcité aux États-Unis
DANS CE DOSSIER
• Sommaire
• Accueil des participants
• Ouverture des travaux
• Les États-Unis d'aujourd'hui : mal connus, mal aimés, mal compris
• Religion et laïcité aux États-Unis
• Le rôle des partis dans la vie politique aux États-Unis
• Fondements et limites de la superpuissance américaine
• Conclusion des travaux
Adrien Lherm, maître de conférences, université Paris-IV
Je suis heureux d'être ici parmi vous. Mon plaisir égale mon appréhension car il est difficile de prendre la parole après le professeur André Kaspi.
Je commencerai par quelques réflexions de Tocqueville, grand observateur de la scène américaine au XIXe siècle. Dans la deuxième partie de son premier livre, De la démocratie en Amérique, il écrit : "La plus grande partie de l'Amérique anglaise est pilotée par des hommes qui, après s'être soustraits à l'autorité du Pape, ne s'étaient soumis à aucune suprématie religieuse. Ils apportaient donc dans le nouveau monde un christianisme que je ne saurais mieux dépeindre qu'en l'appelant "démocratique et républicain". Ceci favorisera singulièrement l'établissement de la république et de la démocratie dans les affaires. Dès le principe, la politique et la religion se trouvèrent d'accord et depuis, elles n'ont point cessé de l'être." Tocqueville pointe l'établissement paradoxal de la démocratie par l'ensemble des religions. Dès les années 1830, on observe une véritable harmonie politico-religieuse aux États-Unis. Il poursuit sur la population européenne "dont la crédulité n'est égalée que par l'abrutissement et l'ignorance tandis qu'en Amérique, on voit l'un des peuples les plus libres et les plus éclairés du monde remplir avec ardeur tous les devoirs extérieurs de la religion. J'avais vu, parmi nous, l'esprit de religion et celui de liberté marcher presque toujours en sens contraire. Ici, je les ai trouvés intimement unis l'un à l'autre. Ils régnaient ensemble sur le même sol ". La religion aux États-Unis est donc centrale dans la vie individuelle et dans la vie collective. Elle participe pleinement de la vie privée et de la vie publique.
Faut-il parler de confusion entre la religion et la politique ? Non, car si séparation existe, elle n'exclut pas l'appui réciproque. La laïcité, selon le dictionnaire Robert, ressortit à la séparation de la société civile et de la vie religieuse. Ce principe de neutralité réciproque des institutions politiques et des magistères religieux doit s'accompagner d'une liberté de conscience. Selon Micheline Milot, "la laïcité est un aménagement progressif du politique en vertu duquel la liberté de religion et la liberté de conscience se trouvent, conformément à une volonté d'égale justice pour tous, garanties par un État neutre à l'égard des différentes conceptions des religions qui coexistent dans les sociétés". Ces principes sont garantis aux États-Unis, même si les Français ont du mal à le reconnaître. En effet, dans la langue américaine, il n'existe pas de terme qui évoque la laïcité "à la française". Ce terme est d'ailleurs récent en France puisqu'il est apparu à la fin du XIXe siècle. Les Français ont tendance à pointer toutes les manifestations de l'influence des religions aux États- Unis. Au reste, les prismes français font de la laïcité une exception, voire une passion française. En 1975, Claude-Jean Bertrand, dans son ouvrage Les Églises aux États- Unis 1 , remarquait que les livres consacrés au sujet sont remarquables "par leur laconisme condescendant ou leurs erreurs". Cela tient sans doute au fait que la religion et la laïcité partagent une même origine, les Lumières, mais qu'elles se sont construites différemment dans les deux aires concernées.
La place omniprésente de la religion dans la société américaine
Robert Bellah, qui a beaucoup travaillé sur la religion civile aux États-Unis à partir de la fin des années 1960, disait que les États-Unis étaient "le pays de Dieu". Trentecinq ans plus tard, il semble que les États-Unis soient devenus le pays des dieux, compte tenu de la diversification des Églises dans la société civile américaine.
Cette place particulière de la religion et des dieux dans la société américaine est illustrée par les chiffres suivants. Plus de 95 % des Américains croient en Dieu et 90 % appartiennent à une confession particulière. 70 % participent à une association culturelle et 40 % affirment pratiquer régulièrement. Les États-Unis comptent 80 millions de protestants, 65 millions de catholiques, 6 millions de juifs et autant de musulmans. D'une certaine manière, les États-Unis sont le plus grand pays protestant du monde, le plus grand pays juif et peut-être le plus grand pays catholique. En outre, les sectes s'y comptent par milliers. 350 000 lieux de cultes y ont été recensés, soit un pour 850 habitants. Il s'agit du ratio le plus élevé au monde.
Aux États-Unis, ces édifices cultuels sont de toutes natures, de toutes formes, de toutes tailles. Ces centres religieux sont des Malls, des supermarchés de biens spirituels. Ce sont aussi, des centres associatifs, des hospices et des lieux de sociabilité. Ils sont prestataires d'une impressionnante panoplie de services. Dieu est omniprésent : sur la monnaie, les billets et sur les autocollants qu'affichent les automobilistes entre autres. Le National Day of Prayer est institutionnalisé depuis 1988. À la Maison Blanche, les petits-déjeuners de prière qui rassemblent divers ministres des cultes sont en général retransmis par la télévision. Dans les médias, Dieu s'affiche partout, il est présent dans des centaines d'émissions. New York est la plus grande ville juive du monde. Les amishs ont leur propre comté en Pennsylvanie. Les mormons ont leur État et le Sud est fondamentaliste évangéliste. Tous ces éléments illustrent le paradoxe d'une société matérialiste où la pratique religieuse fait florès.
Faut-il parler d'une
...