Le Canal D Suerz

À une époque où l’honneur se mesure à la grandeur des exploits et où l’amour se traduit par d’innombrables épreuves, deux amants se retrouvent unis malgré eux par une potion aux arômes de merveilleux. Tristan et Iseut est l’?uvre mi-épique, mi-courtoise d’auteurs inconnus du XIIesiècle. Ce drame aujourd’hui légendaire est la conséquence d’un philtre d’amour bu en mer, et l’extrait étudié illustre, dans son contenu et dans sa forme, non seulement ce drame de l’amour coupable, mais aussi la puissance magnétique de ce sentiment nouveau. (86 mots)

Après avoir avidement bu le philtre destiné au roi et à Iseut, celle-ci et Tristan se retrouvent face à un drame irréversible : celui de l’amour coupable. En effet, ils vivent chacun une situation de déshonneur. D’abord, ils font le témoignage d’un certain regret des gestes passés. D’une part, Tristan blâme Marc de l’avoir gentiment recueilli maintenant qu’il se sent déshonorant : « que n’avez-vous, dès le premier jour, chassé l’enfant errant venu pour vous trahir? » (l. 749-751) D’autre part, Iseut se reproche d’avoir sauvé maintes fois Tristan. L’anaphore suivante insiste sur le regret de ne l’avoir tué ou laissé mourir: « Ah! Que n’ais-je avivé naguère les plaies du jongleur blessé! Que n’ais-je laissé périr le tueur [...]! Que n’ai-je assené sur lui [...] le coup de l’épée déjà brandie! » (l. 773-776) Visiblement, le passé les rattrape, et les gestes anciennement louables deviennent la source de leur drame. Ensuite, les amants ressentent de la tristesse, même de la honte devant ce sentiment d’amour. Ils réalisent l’horreur de leur union et pleurent l’honneur du roi Marc. La répétition de Tristan de « Iseut est votre femme »(l. 751-752) amplifie son sentiment de culpabilité alors que cette gradation dans le discours d’Iseut accentue les regrets qui l’assaillent : « Ce ciel me tourmente, et cette mer, et mon corps, et ma vie! » (l. 780-781) Un amour qui pourrait être tendre et heureux en d’autres circonstances devient le lieu d’un drame, celui d’une « tendresse plus douloureuse que la haine ». (l. 756) Bref, Tristan et Iseut deviennent, non pas l’instant d’un breuvage mais pour le reste de leur vie, deux êtres malheureux et coupables de leur amour, même si cet amour envoûtant dépassera à jamais le sentiment de culpabilité. (291 mots)

À travers les différents obstacles, les amants seront toujours rattrapés par cette puissance magnétique propre à leur amour merveilleux. La particularité première du philtre est de provoquer un amour total : il crée un besoin de proximité physique pour ceux qui le boivent. Même si l’étroitesse de la nef place Tristan et Iseut dans une situation de danger, ils vivent constamment ce fort désir de se rejoindre, de se retrouver l’un avec l’autre. À travers cette comparaison : « se chercher comme des aveugles qui marchent à tâtons l’un vers l’autre »(l. 760-761), ils sont montrés comme deux êtres aimantés qui tenteront tout malgré les obstacles. En d’autres mots, ils ne peuvent vivre sans la présence de l’un et de l’autre. Plus encore, le sentiment d’amour est tellement fort, qu’il dépasse toute réflexion logique et toute volonté raisonnable. Manifestement, malgré la honte devant leur union, ils ne peuvent empêcher leurs c?urs de se lier, d’où cette métaphore

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