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La Psychologie Des Personnes Pauvres

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Par   •  18 Février 2015  •  4 686 Mots (19 Pages)  •  1 011 Vues

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DANS la distribution des maux de cette terre, chaque peuple a eu son fléau, chaque époque sa plaie.

Tantôt ç’a été la famine, tantôt la peste, tantôt la guerre, tantôt les inondations, tantôt le bouleversement des idées, des fortunes, des religions, des empires.

Sous quelque forme que ces maux se soient produits, ils ont toujours eu pour effet un autre mal, - le seul qui toujours ait survécu à tous les autres ; - mal chronique, enraciné, persistant ; mal qui prend chaque jour une extension terrible, fatale, immense… LA MISÈRE !

La misère suit les variations et les exigences du besoin, qui en est la source : publique, quand c’est toute une cité, toute une population, tout un royaume qu’elle enveloppe ; privée, quand ce n’est que quelques familles, que quelques individus qu’elle frappe ; extrême quand le besoin est extrême ; restreinte quand le besoin est restreint ; n’existant pas quand les besoins de l’existence sont la limite du besoin.

La misère a donc ses degrés, comme elle a ses variétés et ses espèces.

Le premier degré, le moins élevé de l’échelle, est la gêne. La gêne est le précurseur de la pauvreté. L’homme gêné n’est pas encore pauvre, mais la pauvreté frappe à sa porte, et, pour peu qu’on le délaisse ou que le travail lui fasse défaut, il sera forcé de la lui ouvrir.

La pauvreté est le second degré de la misère, le degré intermédiaire entre la gêne et l’indigence. La pauvreté est la privation des commodités de la vie. Le pauvre a peu, mais ce peu suffit pour que sa position soit plus une crainte ou un regret qu’une souffrance.

L’indigence est le troisième degré. L’indigence est une pauvreté extrême : c’est la privation du nécessaire ; c’est le dénûment absolu. L’indigent n’a rien ; il souffre, il est nécessiteux, il pâtit ; si l’on ne vient à son secours, il tendra la main ; il mendiera.

La mendicité est le quatrième degré de la misère ; c’est l’indigence dans la rue, nue, squalide, hideuse à voir ; c’est l’indigence nous barrant le chemin et nous demandant le pain qu’elle ne sait, ne veut, ou ne peut gagner. Prenons garde ! si nous ne savons la prévenir, ce sera vainement que nous voudrons la réprimer : de contravention, elle deviendra délit, et bientôt de délit, crime.

Le crime est le dernier degré de la misère, ou plutôt c’en est la plus haute manifestation, manifestation comme cause plus peut-être que comme effet ;

Outre ces distinctions, il en est d’autres qu’il importe de faire, pour bien se rendre compte et des causes du mal et des remèdes qu’il appelle.

D’abord, il y a la misère vraie et la misère fausse : vraie, quand c’est pour des besoins réels et pour un légitime emploi qu’elle attend ou qu’elle implore les secours de la charité ; fausse, quand c’est pour des besoins factices ou honteux à satisfaire qu’elle la harcelle ou qu’elle l’exploite.

Ensuite, parmi les vrais indigents, parmi les vrais pauvres, car ces deux mots sont synonymes dans le langage ordinaire, il faut distinguer les valides, les invalides, et ceux qui participent de ces deux classes à la fois.

A la première classe appartiennent les indigents qui peuvent travailler, mais qui manquent de travail, ou auxquels leur travail ne donne qu’un produit insuffisant.

A la seconde classe appartiennent les indigents qui ne peuvent gagner leur vie, et sont privés de leurs forces, soit par l’âge, soit par les infirmités, physiques ou intellectuelles.

A la troisième classe appartiennent tous les malheureux qui flottent pour ainsi dire entre les deux premières : tels, par exemple, que les filles abandonnées, les femmes veuves ou délaissées, les femmes nourrices ou enceintes, etc., et les travailleurs que Bentham appelle imparfaits.

Cette première classification établie, il faut distinguer encore entre l’indigence permanente et l’indigence temporaire ou accidentelle ; entre l’indigence volontaire, c’est-à-dire produite par la faute personnelle de celui qui la subit, et l’indigence involontaire, c’est-à-dire produite par des événements qu’il lui a été impossible d’éviter.

Puis, il faut sous-classer, parmi ces divers genres de misère, l’indigence sédentaire et l’indigence vagabonde ; l’indigence agricole ou rurale et l’indigence industrielle et urbaine ; l’indigence oisive et l’indigence laborieuse ; l’indigence ostensible et l’indigence cachée ; l’indigence vicieuse ou coupable et l’indigence vertueuse ou honnête ; enfin l’indigence libre et l’indigence en prison.

Toutes ces classifications sont nécessaires à établir, attendu que chacune d’elles comporte, dans la physiologie de la misère, son espèce particulière, sa cause spéciale, son remède propre et son signe distinct.

Ce n’est, en effet, ni au même degré ni au même titre que tombent ou sont exposés à tomber dans l’indigence l’adulte et l’enfant, l’adolescent et le vieillard, l’homme et la femme, le célibataire et l’homme marié, la femme veuve et la jeune fille, l’orphelin et celui qui a conservé ses parents, l’enfant trouvé ou abandonné et celui auquel reste une famille, le fils naturel et le fils légitime, les pères et les mères privés d’enfants et ceux qui ont leurs enfants pour soutien, l’habitant des villes et l’habitant des campagnes, l’agriculteur et le fabricant, l’imbécile ou l’aliéné et l’homme jouissant de toute sa raison, le malade ou l’infirme et l’homme jouissant de toute sa santé, l’homme habile et l’ignorant, celui qui sait un état et celui qui n’en sait aucun, celui qui n’a jamais failli et le libéré de nos prisons ou de nos bagnes, celui qui a une nombreuse famille à nourrir et celui qui n’a à travailler que pour lui seul, celui qui a quelques épargnes et celui qui est grevé de dettes, etc., etc.

De même, ce n’est ni au même degré ni au même titre que l’indigence appelle les secours de la charité, lorsque celui qui en est frappé n’a connu précédemment que les aisances de la vie, ou lorsque sa vie n’a jamais connu que la gêne ; lorsque la honte vient ajouter son poids au poids de la misère, ou lorsque la misère peut se montrer à nu sans rougir ; lorsque l’hiver se fait sentir ou lorsque la belle saison commence ; dans les régions du midi ou dans les régions du nord ; lorsque le prix des denrées est peu élevé ou lorsqu’il dépasse le taux journalier des salaires ; lorsque les récoltes sont abondantes ou lorsqu’il

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