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Le Partage Des Pouvoirs Entre Le Président Et Le Premier Ministre Sous La Ve République

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Par   •  16 Mars 2013  •  3 550 Mots (15 Pages)  •  2 912 Vues

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La Ve République, un gouvernement dualiste

Étrange gouvernement que celui de la Ve République, vu d’un pays et d’une province étroitement liés à la tradition parlementaire britannique. L’observateur néophyte aurait d’ailleurs bien des difficultés à savoir qui fait quoi au regard de la Constitution d’octobre 1958. Car si au Québec et au Canada le pouvoir exécutif est l’affaire d’un seul homme, le premier ministre, en France l’exécutif est dualiste, c’est-à-dire sous la direction d’un président et d’un premier ministre[1]. Ainsi, à la lecture des titres II et III de la Constitution, le président (art. 5) «assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’État» et le gouvernement, sous la direction du premier ministre, «détermine et conduit la politique de la nation» (art. 20 et 21). Par ailleurs, si le président est le chef des armées (art. 15), c’est pourtant le premier ministre qui est «responsable de la défense nationale» (art. 20 et 21) et c’est aussi son gouvernement qui «dispose de la force armée»[2]. Bref, on le voit bien, à l’origine la Constitution de 1958 est génératrice d’ambiguïtés dans le partage des pouvoirs entre le chef de l’État et le chef du gouvernement[3], ambiguïtés d’ailleurs amplifiées par le mode d’élection du président entre 1958 et 1962[4] et par l’orientation «parlementaire» que tenta d’imposer Michel Debré[5], le premier chef du gouvernement de la Ve République. Cependant, devant l’ambiguïté du texte à l’origine, le Général de Gaulle s’efforcera dès 1958 et surtout à partir de 1962 d’imposer sa marque dans la genèse du pouvoir exécutif, prouvant du même souffle que le chef de l’État ne servirait pas simplement à inaugurer les chrysanthèmes[6]. Chose certaine, avec un président élu au suffrage universel doté de prérogatives constitutionnelles importantes et un gouvernement, dirigé par un premier ministre, responsable devant l’Assemblée nationale, la Ve République, c’est là une évidence, est un régime «hybride», un croisement entre le régime parlementaire et le régime présidentiel[7].

Quelle est la nature respective des pouvoirs du président et du premier ministre sous la Ve République? Comment ces pouvoirs ont-ils évolué au gré des événements et des circonstances qui jalonnent l’histoire politique récente de la France? Comme nous le verrons, même si le président et le premier ministre peuvent puiser leur légitimité des deux élections au suffrage universel, il y a une hiérarchie dans les deux modes de désignation de la souveraineté populaire, hiérarchie renforcée par le pouvoir d’État et la pratique majoritaire. En conséquence, le président devient la «clef de voûte du régime» en étant à la fois chef de l’État et chef de gouvernement. Même si elle rééquilibre temporairement le partage des pouvoirs au sein de l’exécutif et met fin à ce que Jean-Marie Denquin, reprenant l’analyse de Maurice Duverger, nomme la «monarchie élective»[8], la cohabitation n’a en fait été qu’une parenthèse, une simple étape vers le retour à la pratique majoritaire, renforçant par le fait même l’architecture présidentialiste du régime et consacrant la subordination du premier ministre[9]. Finalement, la réforme constitutionnelle de 2000 sur l’adoption du quinquennat et les élections présidentielle et législative de 2002 et 2007 ont imposé définitivement la domination du président et l’inféodation du premier ministre[10]. Cela veut-il dire pour autant que le premier ministre joue uniquement le rôle de second? Cette délicate question demande une réponse nuancée qui dépasse les jugements hâtifs ou préconçus sur le partage des pouvoirs entre le chef de l’État et le chef de gouvernement sous la Ve République.

La première source de légitimité présidentielle: le pouvoir d’État

Sous les IIIe et IVe Républiques, il n’y avait pas véritablement de stabilité gouvernementale et l’exécutif était sous la domination complète des assemblées parlementaires, lesquelles usurpaient la souveraineté populaire au profit des intérêts partisans[11]. Bref, le gouvernement ne servait qu’à exécuter les volontés parlementaires et ce faisant, il renonçait à animer et à diriger le mouvement législatif[12]. Pour remédier à cette situation, le courant révisionniste des années 1930, inspiré notamment par Carré de Malberg et René Capitant, propose de réformer les institutions afin de doter la France d’un exécutif fort[13]. La solution repose essentiellement sur la valorisation de la fonction présidentielle au moyen de l’élection au suffrage universel, du droit de dissolution des assemblées et du recours au référendum[14]. Avec de telles prérogatives, le président de la République aurait tous les instruments pour équilibrer le pouvoir législatif et pour stabiliser la fonction gouvernementale. Cette conception de la présidence aboutira finalement à l’accouchement de la Constitution d’octobre 1958 qui dote le président de la République des pouvoirs de dissolution et du référendum.

S’établit alors ce que Georges Burdeau nomme le pouvoir d’État, lequel fait du président de la République l’instigateur des politiques gouvernementales, plutôt que le simple délégué des volontés partisanes du parlement, réconciliant ainsi l’autorité et la démocratie[15]: «Le trait essentiel de la Constitution de 1958 réside dans le rétablissement de l’État au rang des forces animatrices de la vie politique»[16]. En fait, Burdeau propose de distinguer le pouvoir d’État, qui consiste à faire du chef de l’État le «guide suprême de la nation» capable «de statuer durablement […]»[17], du pouvoir démocratique émanant de l’Assemblée nationale, élue au suffrage universel et responsable de la vie quotidienne. C’est donc dire qu’avant 1962, le pouvoir d’État était en position d’infériorité, en raison de l’élection du président par un simple collège électoral, face au pouvoir démocratique de l’Assemblée[18]. La réforme de 1962 puis la première élection du président au suffrage universel en 1965 viendront bien sûr mettre un terme à cette situation, de sorte qu’aujourd’hui, il ne faut pas dissocier le pouvoir démocratique du pouvoir d’État, mais plutôt les réconcilier[19]. Ainsi, il serait sans doute plus juste d’opposer le pouvoir d’État non pas au pouvoir démocratique, comme le prétendait naguère Georges Burdeau, mais plutôt au pouvoir parlementaire comme le suggère maintenant Jean-Louis Quermonne[20].

Cependant, il existe rarement des pouvoirs sans ressources et

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