De l’usage des savoirs dans les politiques La figure de l’expert

Sylvie Tissot est professeur de science politique à l’Université Paris 8, ses domaines de recherche sont axés autour des politiques urbaines quant à la ségrégation socio-spatiale, de la sociologie de la gentrification, de la sociologie des classes supérieures ainsi que de la construction des catégories politiques, médiatiques et savantes. Dans l’article Les sociologues et la banlieue : construction savante du problème des « quartiers sensibles  publié en 2005 dans Genèse, une revue de sciences sociales et d’histoire créée dans les années 1990, l’auteure revient sur les productions intellectuelles fournies par la sociologie entre 1985 et 1995 autour du thème des « quartiers sensibles ». Sophie Tissot vient à expliquer la création d’une grille d’analyse de la situation au sein des banlieues, grille créée par des sociologues de l’école Tourainienne, permettant la mise en lumière de l’influence de la revue Esprit sur la création de cette grille, quant à sa diffusion, mais surtout quant à la réappropriation de celle-ci par les pouvoirs locaux.

Olivier Ihl est Professeur à l’Institut d’études politique de Grenoble, directeur honoraire de l’Institut d’études politique de Grenoble, ainsi que Directeur du Master Politiques publiques et changement social à L’Université Pierre-Mendès France de Grenoble. Il s’intéresse principalement à la mise en scène du politique à travers différents axes par l’étude de la laïcité, du vote, etc.. Dans l’article  Objetividad de Estado. Sur la science de gouvernement des Chicago Boys dans le Chili de Pinochet, publié en 2012 dans la revue internationale de politique comparée, il revient sur les Chicago boys au Chili autour du gouvernement dictatorial de Pinochet. Il met alors en relief les différents enjeux d’une nouvelle approche scientifique du gouvernement par les élites aux savoirs  spécialisées.

        À travers la lecture de ces deux textes, il nous parait alors important de revenir sur la production de savoirs scientifiques au « service », consenti ou non, du pouvoir étatique. Nous nous poserons alors la question de savoir comment le discours d’élites scientifiques peut-il être repris à des fins « gouvernementales » et comment ce statut d’expert joue un rôle essentiel dans la construction d’un problème public ?

Les formes d'expertise et les manières dont sont produites les connaissances sont multiples et le  cadrage des problèmes publics et la définition de l'action publique sont eux aussi divers. La manière dont les différentes formes d'expertise ou de contre-expertise, surtout scientifiques configurent les problèmes publics et influent sur l'action publique. Il nous parait alors primordial d’accorder que le rôle d’intellectuels formalise les problématiques en Politique Publique. Ce modèle repose alors sur une méthode d’analyse et sur un diagnostic qui légitime un certain type d’action publique. En effet, que ce soit dans le texte de Sylvie Tissot avec des sociologues mettant en lumière le problème des « quartiers sensibles »  ou avec celui d’Olivier Ihl avec le courant des Chicago boys quant à la résolution de la conjoncture économique du Chili, on observe une certaine légitimité dans leur action par leur statut scientifique. L’expertise est ainsi souvent sollicitée et mobilisée par la sphère politique pour apporter de nouvelles perspectives aux problèmes économiques, sociaux etc.. auxquelless elle se retrouve confrontée, comme dans le texte d’Olivier Ihl, mais cette même expertise peut être elle-même au centre de la construction d’un problème public en mettant en lumière diverses problématiques. Réformer le rôle des « élites scientifiques » revient alors à analyser l’entrée en jeu de savoirs scientifiques, de leur mutation, afin de tenter de comprendre leur institutionnalisation en tant qu’outils « objectifs ». Il faut alors s’interroger sur les « usages socio-politiques par lesquels une revendication de scientificité a pu devenir à la fois une science dans l’État et une science de l’État » .

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