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Cumul Des Mandats

Note de Recherches : Cumul Des Mandats. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  19 Mars 2014  •  9 587 Mots (39 Pages)  •  1 267 Vues

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Le cumul des mandats, c'est comme « le sel de la soupe » : « s'il y en a trop ce n'est pas buvable, s'il n'y en a pas c'est fade (1) ». Le législateur aurait-il tout de même décidé de mettre les élus au régime sans sel, cédant ainsi à la pression d'une opinion publique supposée vouloir en finir avec ce qu'il faut bien appeler une « exception française » ? L'intention y était. Les jusqu'au-boutistes, qui réclamaient haut et fort « un homme, un mandat », faisaient des adeptes. Mais la cure d'amaigrissement s'est arrêtée en chemin, laissant subsister encore quelques rondeurs.

L'entreprise fut pourtant rude puisqu'il ne fallut pas moins de deux ans pour parvenir au résultat, c'est-à-dire au vote d'une loi organique et d'une loi ordinaire (2). Si entre-temps les textes de loi ont pris de l'embonpoint en doublant de volume (3), on peut se demander si la montagne n'a pas finalement accouché d'une souris. Que l'on en juge : la règle considérée comme au coeur de la réforme voulue initialement par le gouvernement, selon laquelle il serait interdit de cumuler un mandat parlementaire avec une fonction exécutive locale, a tout simplement disparu du dispositif final. Les figures du député-maire et du sénateur-maire ont senti le vent du boulet.

Pourtant le projet était ambitieux puisqu'il s'agissait de moderniser la démocratie en France (4). Il faut dire également que la notion de cumul, quel que soit son contenu, a plutôt une image négative dans l'opinion publique. Le Sénat lui-même n'a-t-il pas d'ailleurs cherché à introduire en première lecture une modification rédactionnelle substituant à la notion de cumul la notion plus neutre d'« exercice simultané des mandats », afin de remédier au caractère péjoratif attaché à la notion de cumul (5) ? Prenant sa défense, d'aucuns n'hésitent pourtant pas à affirmer que le cumul est légitime puisqu'il est une décision de l'électeur. En vérité, cet argument ne tient guère car en pratique les électeurs n'ont pas vraiment le choix. Ils sont la plupart du temps contraints de voter pour le candidat qui représente leurs opinions, bien que celui-ci, par ailleurs, détienne déjà un mandat (6). De façon plus générale, on constate que les critiques concernant le cumul des mandats sont abondantes. Tout d'abord, il lui est reproché d'engendrer divers conflits d'intérêts entre échelons local et national (7). En outre, il contribue à brouiller les circuits de décision et à diluer les responsabilités. De plus, il empêche souvent les élus d'assumer convenablement les trop nombreuses missions dont ils sont en charge. Par ailleurs, il favorise des tendances oligarchiques au sein de la société politique qui se replie ainsi sur elle-même. Obstacle à la modernisation de la vie politique et au renforcement de la décentralisation, il est considéré également comme un frein à toute entreprise de restauration de l'institution parlementaire. Sans oublier qu'il est source d'inégalité entre les citoyens selon qu'ils sont représentés par un « cumuleur » ou non (8).

Un tel acte d'accusation devrait donc logiquement conduire à rendre un arrêt de mort à son encontre. Toutefois, vouloir le combattre, c'est s'attaquer à l'une des caractéristiques du système politique français. Qu'il soit vertical, c'est-à-dire marqué par le cumul d'un mandat parlementaire et d'un voire plusieurs mandats locaux (9), ou horizontal, c'est-à-dire caractérisé par le cumul de plusieurs mandats de même niveau, le cumul des mandats ressortit par son ampleur à ce qu'il est convenu d'appeler une « exception française (10) ». Les causes du phénomène sont en effet particulières. Selon Michel Debré, « le cumul des mandats est un des procédés de la centralisation française (11) ». Pour faire reconnaître leurs intérêts et influer sur la prise de décision par le pouvoir central, les élus locaux doivent disposer de relais à l'échelon national. Le mandat parlementaire est là pour y pourvoir (12). Il faut bien voir aussi que, par rapport aux autres démocraties occidentales, le jeu politique français ne s'est jamais réellement appuyé sur des partis puissants et bien organisés, mobilisant des masses et recrutant des élites. Le rapport de forces entre notables et partis s'est le plus souvent établi en faveur des premiers, les seconds devant miser sur une personnalité locale reconnue pour emporter un siège de député ou de sénateur. En fait, ainsi fondé sur une logique largement notabiliaire, elle-même amplifiée par le scrutin d'arrondissement, le système politique français ne pouvait qu'engendrer le cumul des mandats (13). Sa généralisation tient alors au fait que, d'une part, le pouvoir appelle le pouvoir et que, d'autre part, dans toute compétition, y compris politique, les adversaires sont contraints d'utiliser tous les moyens autorisés pour gagner. Il apparaît donc que tant que le cumul des mandats ne sera pas « juridiquement interdit », il demeurera « politiquement obligatoire (14) ».

Si l'on s'accorde alors aujourd'hui pour considérer que la limitation du cumul des mandats, voire son interdiction pure et simple, est nécessaire à la fois pour éviter en particulier les conflits d'intérêts et accroître la disponibilité des élus, légiférer sur le sujet n'est pas chose aisée, tant les intéressés eux-mêmes semblent peu disposés à effectuer ce travail de deuil, perçu comme un exercice d'autocritique ou encore une punition. Ainsi, il y a une quinzaine d'années, une majorité s'était dégagée au Parlement (alors dans une configuration politique proche de celle d'aujourd'hui) pour voter des textes limitant le cumul des mandats électoraux et des fonctions électives (15). Or, l'existence de seuils démographiques ainsi que l'exclusion de certains mandats, comme celui de conseiller municipal, avaient permis de limiter grandement le nombre d'élus frappés par la réforme (16). Bien mieux, l'expérience a montré que le législateur avait en fait permis à bon nombre de parlementaires de conserver trois mandats ou fonctions électives (17). La réforme de 1985 a donc surtout légitimé le cumul, qui de simple tolérance est devenu « un droit, limité certes, mais reconnu (18) ».

La nouvelle majorité « plurielle », formée lors des élections à l'Assemblée nationale en juin 1997, allait-elle profiter de son renouvellement interne (19) pour remettre l'ouvrage sur le métier et procéder à une

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