Vers la construction de l'Etat

CHAPITRE 1 : VERS LA CONSTRUCTION DE L'ETAT

La notion d’État est liée à celle de la pérennité du pouvoir. L’histoire du droit traditionnel mettait souvent en avant l'idée d'une reconstruction de l’État par le pouvoir royal comme si cet État avait antérieurement existé. Or il faut plutôt constater que les entités monarchiques qui se dégagent à la fin du MA sont des constructions neuves même si elles s'appuient sur les modèles.

SECTION 1 : GENESE ET DEVELOPPEMENT D'UN APPAREIL D'ETAT

Cette création de l'appareil d’État n'est pas un phénomène propre au territoire qui sera plus tard celui de la France.

§1- Une approche en Occident

Il faut relever qu'à la fin du MA les processus de construction de l’État ont connu en Europe occidentale des transcriptions assez variées càd des modalités de construction assez variées. Certaines de ces constructions sont passées à la postérité, d'autres au contraire se sont évanouies, ont disparu, ont été absorbées par des forces plus puissantes. Parmi les constructions qui ont traversé le temps, deux des royaumes d'occident sont particulièrement intéressants à étudier, ils se sont d'ailleurs affrontés au cours d'une très longue lutte qui finalement a exacerbé un sentiment d'appartenance à l'un ou à l'autre de ces royaumes, dans la mémoire collective française. La figure de Jeanne d'arc est caractéristique de ce mouvement. C'est elle en effet qui incarne par son action, par son épopée une tranche d'histoire très passionnante à observer. C'est une femme jeune, qui vient d'un milieu modeste, elle va convaincre le roi de lui laisser le commandement d'une partie de ses troupes. Elle va s'improviser chef de guerre et va réussir. De surcroît Jeanne d'arc illustre très bien une conception populaire du sacre du roi et du rapport au sacré càd que pour Jeanne d'arc le roi ne sera roi que s'il est sacré à Reims, alors que pour les juristes de l'époque le roi est parfait avant même le sacre. De façon symétrique l'Angleterre va se cristalliser autour de cette lutte, d'un côté la monarchie anglaise va s'assurer solidement de la domination du Pays de Galle. La monarchie anglaise s'est d'ailleurs anglicisée càd qu'a partir de la fin du XIV la langue de la cour n'est plus un « king's French » (le français du roi) mais l'anglais. La monarchie anglaise s'est cristallisée durant ce long siècle d'affrontement avec le royaume de France et finalement va s'affirmer comme un État totalement insulaire. Réussite également pour l'Espagne, là aussi dans un conflit pluri-séculaire coupé de très longues trêves, cette Espagne de la Reconquista achève finalement son unité en 1492, c'est la chute de Grenade, c'est la chute du dernier royaume musulman. Disparaissent d’Espagne les puissances politiques musulmanes et bientôt d'ailleurs vont être chassés malgré promesses la partie de population considérée comme indésirable. C'est également à cette époque que l'Espagne se projette sur la côte africaine. Par contre d'autres constructions étatiques ont échoué. Ainsi, au confins de la France et de l'Espagne on peut évoquer l’effondrement d'un État occitano-catalan qui paraît s'individualiser à la fin du XII au début du XIIIe. Cet État installé de part et d'autres des Pyrénées a été foudroyé par la croisade contre les albigeois. A muret a lieu en 1213 une rencontre très brutale, décisive entre deux armées : l'armée venue du nord (celle des croisés) + la force conduite par le comte de Toulouse Raymond VI et le roi d'Aragon, Pierre II. A échoué également l’État Pyrénées que voulait construire un prince fastueux, Gaston Febus. Il tente de construire un État installé de part et d'autres des Pyrénées. Finalement l'absence d'héritier légitime va complètement ruiner son projet. Le cas de la bourgogne est lui aussi extrêmement intéressant. Le prince souverain de ces espaces, Charles le téméraire avait réussi de son vivant à construire un État qui allant de la Flandre a la bourgogne càd s'opposant géographiquement et stratégiquement comme un obstacle à la domination française. Charles le téméraire est parvenu dans un premier temps à écarter l'action de cette monarchie française. Finalement Charles le téméraire est battu avec son armée devant Nancy. Son corps est retrouvé sur le champs de bataille à moitié dévoré par les loups.

§2-Le royaume de France

Ainsi donc le royaume fait parti de ces entités qui a réussit à franchir le cap d'une structuration étatique. Il faut s'interroger sur l'entourage royal et plus largement sur les structures qui ont permis au royaume de se constituer en État. Pour l'historiographie traditionnelle, cette réussite du roi de France est sans doute le signe que Dieu veille càd que le roi de France jouit d'une protection particulière.

A°/ Les gens du Roi

Originellement le roi de France a autour de lui comme tous les féodaux une cour. Cette cour a des fonctions de représentation (càd d'apparat), a des fonctions de protection, de conseil. On trouve à cette cour du roi à l'origine non seulement la famille biologique du roi mais plus largement ce que l'on nomme la familia càd ce qui sont parents du roi par le sang mais aussi ceux qui sont parents par l'alliance. On y trouve aussi des familiers « nutriti », ce sont des gens qui sont habitués. On voit également autour du Roi de nombreux ecclésiastiques, des clercs mais aussi des dignitaires ecclésiastiques. Ce sont ces hommes qui autour du roi assurent des fonctions liées à la conservation des écrits. A mesure que le temps passe (XI-XII) on voit progressivement diminuer le pourcentage de cet élément religieux qui va être progressivement dépassé par des laïques dont une partie d'extraction nobiliaire et une partie même non noble. Il faut ajouter que le roi prend soin de s'entourer d'hommes venus d'une condition sociale humble. De la sorte, c'est le roi et lui seul qui les a élevés. On peut donc penser qu'ils seront ainsi plus fidèles.

B°/ Service et office autour du roi

Le service du roi est par excellence une tâche noble et valorisante. Le terme d'office doit être compris non comme relevant du secteur militaire des officiers mais plus largement d'une mission que le roi attribue à tel ou tel de ses fidèles. On voit là aussi une évolution très notable et très visible. En effet, l'élément d'origine féodale va progressivement être marginalisé, minoré, alors que le roi va s'attacher les compétences d'officier nouveau pour une partie d'entre eux formés aux choses du droit. En France comme dans d'autres royaumes, on relève une situation qui dans l'entourage du roi sépare d'un côté ce qu'on appelle la maison du roi et de l'autre côté la cour du roi. On trouve dans l'hotel du roi ce que l'on nomme les commensaux du roi, ce que l'on nomme les grands officiers de la couronne. Dès la fin du MA, subsiste deux grands officiers de la couronne. Le premier est en charge des choses militaires : c'est le connétable. Le second est en charge en particulier des choses juridiques : le chancelier.  Le roi est certes le roi de ses armées. Toutefois ce(s) roi(s) ont assez rapidement compris qu'il était dangereux de s'exposer en personne. En effet le sort des armes peut être défavorable et le roi blessé, tué, ou fait prisonnier. Le connétable est ainsi à partir du XIII le maître l'armée en l'absence du roi. C'est lui qui la mène au combat, il est d'ailleurs entouré de subordonnés. Il faut relever que très fréquemment le connétable n'est d'ailleurs pas français (n'est pas un natif du royaume). Ainsi pendant la guerre de 100 ans le chef des armées du roi est un breton, Bertrand Duguesclin. La charge de connétable sera finalement supprimée à l'époque de Louis XIII. Désormais le roi tient à avoir directement dans sa main, à superviser l'organisation et le commandement de l'armée. A partir du XIIIe siècle, va se faire sentir la nécessité d'avoir un commandement opérationnel qui permette d'agir sur mer.

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