Pouvoir d’organisation de l’employeur et inaptitude du salarié depuis la loi du 8 août 2016
Dissertation : Pouvoir d’organisation de l’employeur et inaptitude du salarié depuis la loi du 8 août 2016. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Zizad • 6 Avril 2017 • Dissertation • 2 148 Mots (9 Pages) • 1 182 Vues
Thème : L’inaptitude médicale du salarié
Dissertation : Pouvoir d’organisation de l’employeur et inaptitude du salarié depuis la loi du 8 août 2016
L’article 102 de la loi du 8 aout 2016 a profondément réformé la procédure d’inaptitude. Son application était subordonnée à la parution d’un décret d’application qui fut publié au Journal Officiel du 29 décembre 2016 pour une application le 1er janvier 2017. A cette occasion il apparait opportun d’étudier à quel point cette « modernisation de la médecine du travail » bouleverse le pouvoir d’organisation de l’employeur par rapport à la procédure d’inaptitude du salarié.
Afin de bien cerner le sujet, il nous est nécessaire de commencer notre étude par une analyse juridique des termes. Le pouvoir d’organisation de l’employeur est un pouvoir supposé de gestion. Ainsi le pouvoir d’organisation de l’employeur peut se définir comme l’ensemble des mesures dont dispose l’employeur pour assurer le bon fonctionnement de l’entreprise, en outre il assure le contrôle du nombre de salarié dont l’entreprise a besoin pour assurer la pérennité de cette dernière. Par exemple, pour contrôler ce nombre de salarié il peut en licencier. Toutefois la manifestation de son pouvoir d’organisation peut se manifester par d’autres moyens. Le licenciement étant le résultat de l’inaptitude du salarié et une manifestation du pouvoir d’organisation de l’employeur, dans un souci de précision notre étude portera donc essentiellement sur cette manifestation du pouvoir d’organisation de l’employeur qu’est le licenciement. Il nous reste à définir l’inaptitude du salarié. L’inaptitude du salarié est une incapacité physique ou mentale à tenir son emploi. Elle ne peut être constatée que par le médecin du travail et vise toujours précisément et exclusivement l’emploi tenu par le salarié au moment de l’inaptitude c’est-à-dire un poste dans une entreprise. Que l'inaptitude soit totale ou partielle, temporaire ou définitive, l'employeur est tenu à une obligation de reclassement du salarié. C'est uniquement en cas d'impossibilité que l'employeur peut envisager le licenciement.
De ce fait la déclaration d’inaptitude du médecin du travail peut être de deux ordres une inaptitude au poste de travail, c’est-à-dire qui permet un reclassement dans l’entreprise, et une inaptitude à tout emploi dans l’entreprise, c’est-à-dire sans possibilité de reclassement. Mais ce caractère définitif dans l’avis du médecin du travail sur la possibilité de reclasser ou non un salarié dans l’entreprise après l’avoir déclaré inapte n’est possible que depuis la loi du 8 août 2016. Néanmoins cette réforme ne s’est pas imposée d’elle-même et il a fallu tenir compte des lacunes d’ordre pratique et juridique de l’ancien régime juridique relatif à l’inaptitude du salarié.
En effet, le rapport du groupe de travail Issindou remis au gouvernement en mai 2015 faisait état d’une pénurie de médecins du travail et d’un avis d’aptitude systématique du salarié trop lourd et difficilement réalisable. Cette visite systématique d’aptitude à l’embauche était même décriée depuis un certain nombre d’années par les salariés car elle était perçue comme « une procédure de sélection visant à écarter les moins performants, ce qui les amenait à dissimuler une éventuelle fragilité ».1 Pourtant cette réforme ne répond pas qu’à des problèmes pratiques, elle revoit également l’équilibre entre droit fondamental à la santé pour le salarié et pouvoir d’organisation de l’employeur. Il existe en effet une nécessité de concilier ce droit à la santé du salarié avec le pouvoir d’organisation de l’employeur ; d’un côté la santé du salarié ne devrait pas faire entrave au maintien dans son emploi car elle résulte de sa vie privée mais de l’autre le pouvoir d’organisation de l’employeur est essentiel pour assurer la pérennité de l’entreprise. Une réflexion sur la manière dont le nouveau régime juridique d’inaptitude du salarié concilie les intérêts divergents du salarié déclaré médicalement inapte et de l’employeur désireux d’organiser au mieux son entreprise paraît la bienvenue. A ce titre on peut se demander si le nouveau régime juridique des salariés inaptes, posé par la loi du 8 aout 2016, équilibre ou non le pouvoir d’organisation de l’employeur et le droit fondamentale à la santé du salarié.
La réforme du 8 aout 2016 offre exempte l’employeur de son obligation de reclassement si le médecin du travail venait à constater une inaptitude de travail sans possibilité de reclassement. Cela va nettement dans le sens d’un déséquilibre entre le pouvoir d’organisation de l’employeur qui est accru grâce à cette réforme. Pourtant ce nouveau régime juridique n’est qu’en apparence plus avantageux pour l’employeur (I) car de nombreuses obligations viennent rééquilibrer la balance (II).
I] Un nouveau régime juridique en apparence plus avantageux pour l’employeur
La réforme du 8 aout 2016 ne parait pas équilibrer voire même déséquilibre la balance entre pouvoir d’organisation de l’employeur et droit fondamental à la santé du salarié. Aux vues de l’apparente légèreté de la procédure de constatation d’inaptitude du salarié (A) et de l’augmentation du nombre de motifs dont l’employeur peut se prémunir pour licencier un salarié inapte (B), il n’est pas absurde de juger cela.
A) Une procédure de constatation d’inaptitude du salarié d’apparence légère
Depuis le 1er janvier 2017, un seul examen constatant l’inaptitude suffit à déclarer l’inaptitude du salarié (article L. 4624-4 et R. 4624-42 du Code du Travail). L’exigence de deux visites de reprise constatant est devenue l’exception. Le deuxième examen d’inaptitude n’intervient que si le médecin du travail estime qu’il est nécessaire pour motiver sa décision. Ainsi la nouvelle procédure de constatation parait allégée. Le choix offert au médecin du travail d’opérer ou non deux examens d’inaptitude est évidemment problématique car cela relève d’une expertise purement subjective qui peut conduire à une erreur de diagnostic. L’ancien régime prévoyait deux examens d’inaptitude pour se prémunir d’erreur de diagnostics ; et à ce titre en faisant sauter ce verrou d’importance, non seulement le nouveau régime juridique sécurise moins la santé des salariés mais en plus il permet à un licenciement du salarié plus rapide si l’entreprise venait également à être dans l’impossibilité de le reclasser. Cette apparente légèreté de la nouvelle procédure de constatation d’inaptitude du salarié peut donc être discutable sur le plan de l’équilibre entre le droit à la santé du salarié et le pouvoir d’organisation de l’employeur car elle facilite le licenciement du salarié.
...