L’hostilité du droit français à l’égard de la nullité des sociétés.
Dissertation : L’hostilité du droit français à l’égard de la nullité des sociétés.. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Clement Patard • 6 Novembre 2016 • Dissertation • 2 235 Mots (9 Pages) • 1 508 Vues
Dissertation : L’hostilité du droit français à l’égard de la nullité des sociétés
De Luxleaks a Bahamas Leaks en passant par les Panama papers, les scandales de l’exode fiscale se multiplient. Les techniques utilisées par ces sociétés pour se décharger des taxes des pays dans lesquels ils exercent réellement leurs activités sont très complexes et l’on ne décrira pas ces techniques. Quoi qu’il en soit, afin de s’exonérer de ces impôts, ces sociétés ont recourt à la société-écran destinée à dissimuler la véritable société imposable. Ces sociétés-écran constituent des sociétés fictives qui peuvent être annulées. Or on observe dans la pratique un faible nombre de cas d’annulation des sociétés. C’est là tout l’enjeu de nos prochains développements c’est-à-dire comment expliquer que les sociétés soient si rarement l’objet d’annulation. Il nous faut comprendre les raisons de l’hostilité du droit français à l’égard de la nullité des sociétés. Avant cela il convient de préciser les contours de la question c’est-à-dire de délimiter le sujet.
Nous nous contenterons d’analyser l’hostilité du droit français et non international. Ainsi pour revenir à notre exemple nous ne nous intéresserons qu’à la nullité des sociétés immatriculées en France au registre du commerce et des sociétés, et aux sociétés exerçant leurs activités en France pour les sociétés non immatriculées c’est-à-dire les sociétés crées de fait et les sociétés en participation. Il faut ensuite démontrer ce que nous entendons sous le terme de « nullité ». La nullité vient donner fin à la vie d’un acte juridique dont l’un des éléments constitutifs fait défaut. Pour notre exemple concernant les sociétés fictives il s’agit de l’objet social qui soit n’existe pas soit est illicite. Cependant nous nous intéresserons a la nullité de la société non pas seulement pour défaut de son objet social mais pour l’ensemble des éléments nécessaires à la validité de l’acte constitutif de société, c’est-à-dire le consentement libre et éclairé des associés, leur capacité de contracter, un objet social, des apports, une volonté de se comporter en associé ainsi qu’une participation aux résultats.
Il convient désormais de comprendre les enjeux de l’annulation d’une société. D’ores et déjà on comprend aisément qu’il s’agit d’enjeux pour la majorité économiques. Ainsi l’annulation d’une société créée de fait entre époux aura des conséquences patrimoniales quant au prononcé d’un divorce. L’annulation d’une société concerne donc avant tout les associés eux-meme. C’est à la fin de la vie de cette société que les associés vont partager les bénéfices dégagés par celle-ci ou contribuer aux pertes. Ainsi si la nullité d’une société est prononcée, les associés ne disposeront plus d’une année supplémentaire pour tenter de relancer leur activité et d’absorber les pertes subies pendant le dernier exercice. Dans une société à risques illimités ils seront tenus de contribuer à ces pertes sur leur patrimoine personnel. Les enjeux de l’annulation d’une société pour les associés sont donc multiples. Cependant la réticence du droit français à prononcer la nullité d’une société peut également s’expliquer par les intérêts des tiers. En effet les créanciers sociaux désireux de recouvrer leur créance ne pourront plus saisir le capital social de la société disparue. Dès lors prononcer la nullité d’une société apparait dangereux pour les tiers de bonne foi.
Or le principe de nullité joue de plein droit dès le moment où le juge constate une irrégularité dans les conditions de validité d’un acte. Ainsi pour protéger les créanciers sociaux les sources normatives tendent à assouplir les conditions de validité de l’acte constitutif d’une société. Dès lors l’assouplissement du régime juridique de la société par l’application de ces règles spéciales ne conduit-il pas à faire de la nullité d’une société une exception en droit français ?
Pour constater que la nullité des sociétés en droit français tend à se marginaliser, d’abord en amont par la restriction des causes de nullités admises par le droit commun des contrats (I), puis en aval par une limitation des conditions d’exercice de son action et de ses effets (B).
I – Restrictions des causes de nullité admises par le droit commun des contrats
La nullité d’une société obéit aux règles spéciales que le droit lui impose. Ainsi on ne peut constater l’hostilité du droit français à son égard qu’en analysant les règles spéciales aux sociétés édictées par le législateur français (A). Cependant le législateur français n’est pas la seule source de normes venant règlementer la nullité des sociétés en droit français. En effet, on verra que le droit communautaire joue un rôle primordial dans la qualification des causes nullités admissibles pour une société (B).
A – La restriction des causes de nullité d’une société par le législateur français
Nous entendons par législateur français les organes venant produire les normes s’appliquant aux sociétés. Ainsi sous ce terme nous désignerons le Parlement français mais aussi l’exécutif. Ainsi la loi au sens large du terme vient déterminer les causes de nullités des sociétés.
Une première restriction de cause de nullité d’une société résulte de l’article L235-1 du code de commerce qui énonce que la nullité d’une société ne peut résulter que d’une disposition expresse. Le champ d’application des nullités des sociétés est donc fermé. La nullité d’une société ne peut procéder que d’une disposition de la loi. Cette règle est impérative ainsi aucun des contractants ne peut y déroger par une convention en prévoyant une autre cause de nullité. Par ailleurs cet article prévoit également que le vice de consentement ou l’incapacité, lorsqu’ils n’atteignent pas tous les associés fondateurs ne sont pas des causes de nullité pour les sociétés à risques limités ainsi que les sociétés par actions.
Il convient ensuite de distinguer les dispositions légales suivant la nature juridique de la société. En effet les sociétés peuvent prendre une nature juridique différente par conséquent un régime juridique différent s’applique. Ainsi hors le cas de la nullité resultant de la violation des règles générales de validité des contrats prévues par le code civil le code de commerce énonce pour les Sociétés en nom collectif et les sociétés en commandite simple à l’article L235-2 que seul l’accomplissement des formalités de publicité est requis à peine de nullité. Ainsi le code de commerce ne prévoit aucune cause expresse de nullité pour les sociétés à risques limités et sociétés par actions.
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