Le vote est-il un acte individuel ?
Dissertation : Le vote est-il un acte individuel ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Isaac Chala • 1 Novembre 2019 • Dissertation • 2 135 Mots (9 Pages) • 3 078 Vues
LE VOTE EST IL UN ACTE INDIVIDUEL ? CHALA ISAAC
- Peut-on prévoir le résultat d'une élection ? Ou plutôt peut-on prévoir le vote
des individus ? Cette question qui a animé les recherches de nombre d'analystes
politiques suscite la controverse. En effet, le vote que l'on peut définir comme l'avis exprimé dans une décision, une délibération est décrite comme un acte collectif parce qu'il est un « rituel social », une sorte de rite d'intégration civique qui par ailleurs affecte toute la société.
De fait, lors d'un vote, l'individu est une entité agissant et choisissant, mais c'est la
collectivité pour qui les choix sont faits. Il est pourtant communément admis que le vote est un acte individuel, c’est-à-dire qui ne concerne que le votant, est personnel et subjectif, à travers desquels il est censé exprimer son individualité et sa pleine souveraineté. L'aboutissement du vote secret au cours de l'histoire et son application réelle grâce à l'ingénierie électorale
semble aller dans ce sens.
Mais si le vote est un acte individuel, rationnel et subjectif, il a longtemps été un acte
d'affirmation identitaire, corporatiste. La question des déterminants sociaux est donc
centrale lorsque l'on tente d'analyser l'acte de vote. Il est légitime de se demander si
l'individu est réellement seul et indépendant dans l'isoloir ou si d'autres facteurs liés
à la communauté à laquelle il appartient n'influent pas dans sa prise de décision.
Ainsi, le vote est il un acte individuel ? Plutôt qu'un acte individuel, ne serait il pas un acte conditionné par la communauté ?
Nous tenterons de répondre à ses questions en deux parties. Dans un premier
temps, nous nous attacherons à montrer en quoi le vote est au premier abord un
acte individuel. Puis nous considérerons les variables qui influent sur les
comportements électoraux et les replacent dans des considérations collectives.
I) Le vote : un acte personnel et individuel
1) L’ingénierie électorale : condition et symbole de l'individualisme
politique
En démocratie, le vote s'inscrit dans le système “un homme = une voix” qui affirme
d'emblée l'individualité du vote.
Le vote se fait dans des conditions particulières : il fait l'objet d'un scrutin secret qui
protège le citoyen des pressions de la société et fait de son vote un véritable vote de
conviction, l'expression de son individualité, de sa souveraineté.
L'électeur doit d'abord prouver son identité, affirmant ainsi son individualité, sa
personnalité et attestant de la valeur de son vote, qui ne peut être usurpé.
L'espace de vote ensuite (isoloir, enveloppe dissimulant le bulletin...) est destiné à
isoler l'acte de vote de toutes les autres activités sociales et accentue le primat
individualiste. En effet, le votant est séparé de tout le monde extérieur. Il est seul
dans l'isoloir et ainsi personne ne peut connaître le contenu de son vote. Il est à l'abri
de tout jugement et donc de tout biais. Dès lors, son vote s'impose comme
l'affirmation de sa volonté individuelle. L'enveloppe dissimulant le bulletin participe du
même processus de protection de l'électeur vis-à-vis du regard extérieur.
Au-delà de l'aspect pratique, ces aménagements ont une valeur symbolique. Il
témoigne du message envoyé à l'électeur au moment de son vote : il est libre de
s'exprimer.
Des modèles explicatifs du vote viennent supporter cette idée que le vote est un acte
individuel.
2) Les modèles économétriques du vote : la rationalité électorale
Les modèles économétriques du vote procèdent de l'extension à la sphère politique
de l'hypothèse de rationalité des choix appliquée traditionnellement aux
comportements économiques. Il s'agit d'une rationalité instrumentale le vote est considéré comme un choix individuel fondé sur un calcul en termes de coût d'opportunité. L'individu-électeur est censé appliquer à ses choix électoraux le même type de rationalité que celui qui préside à ses choix de consommation ou d'investissement. Il choisit parmi les candidats ou les choix proposés, celui qui lui apportera le plus de satisfaction, ou d'utilité. Il établit donc des préférences politiques.
Le vote est un calcul prospectif en situation d'incertitude car l'électeur doit
s'appuyer sur des anticipations de la satisfaction qu'il tirera de l'élection des divers
candidats ou du choix de telle ou telle décision, de l'impact qu'aura chaque résultat
sur sa situation personnelle.
Toutefois, cette théorie est limitée du fait du degré d'information de l'électeur. En
effet, celui-ci a conscience que le vote est le résultat d'une décision de masse et que
la probabilité pour l'électeur d'émettre un vote décisif est infime. Il n'est donc pas
incité à s'informer plus avant de prendre sa décision. C'est ce qu'on appelle
l'ignorance rationnelle qui est en contradiction à la théorie des choix rationnels en
économie et qui remet en cause la pertinence de ce modèle pour expliquer le vote comme acte individuel.
Des études mettent en évidence une dimension collective de celui-ci. La prise de
décision rationnelle serait en fait conditionnée par des attributs communautaires.
Des auteurs comme Paul M. Sniderman ont mis en lumière la manière dont l’électeur
ou l’électrice compense le déficit d’information, par des raccourcis cognitifs
pour parvenir à s’orienter dans le champ politique. Cette approche
réhabilite le rôle des affects et des émotions. Les positions des candidats sur les
enjeux de l’élection sont inférées à partir des sentiments éprouvés à l’égard des
groupes sociaux, ethniques, professionnels dont l’électeur ou l’électrice est proche.
On vote pour le parti ou le candidat dont on pense que la politique favorisera le
groupe dont on se sent solidaire, que ce soit les ouvriers, les Noirs, les femmes ou
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