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La procédure de QPC: contrôle abstrait ou concret?

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Par   •  4 Février 2020  •  Dissertation  •  2 859 Mots (12 Pages)  •  817 Vues

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Camille BUFFARD

                                          TD Séance 1 : La procédure devant le Conseil constitutionnel

        « La loi peut tout faire, la loi ne peut mal faire ». L’expression du philosophe Rousseau empruntée et utilisée par Carré de Malberg illustre clairement en ces termes la supériorité de la loi ayant guidée la conception initiale d’une norme législative au sommet de la hiérarchie. Historiquement cette supériorité de la loi est issue des idées révolutionnaires et découle naturellement de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen qui dispose qu’elle est l’expression de la volonté générale. C’est ainsi en ce sens que la loi était considérée notamment sous la IIIème et IVème République comme insusceptible de « mal faire » car de facto elle ressort de la volonté du peuple souverain. La loi demeurait donc une norme qui ne pouvait faire l’objet d’un contrôle effectif, on constate alors que cela explique en partie l’absence d’un réel contrôle de constitutionalité de la loi.

La Constitution de 1958 va alors entamer une « révolution constitutionnelle ». On remarquera alors que les constituants de 1958 se préoccupe de rationnaliser le Parlement ce qui poussera à faire de la Constitution et des textes constitutionnels la norme suprême au sommet de la hiérarchie. Le placement de la Constitution au sommet de la hiérarchie des normes induit que les autres normes juridiques doivent lui être conforme ; la loi doit alors comme toutes les autres normes juridiques être conforme à la norme constitutionnelle qui lui est supérieure.  L’idée de confier le contrôle de constitutionnalité des lois à un organe externe au Parlement a cheminé lentement en France car la souveraineté de cet organe, comme nous l’avons évoqué précédemment, est un dogme solidement ancré. La Vème république a alors rompu avec ce dogme et plus généralement cette tradition en créant le Conseil constitutionnel tel un gardien du respect de la Constitution. Ainsi sur saisine du président de la République, du Premier ministre, du président de l’Assemblée nationale ou du Sénat, mais aussi, depuis 1974, de 60 députés ou de 60 sénateurs, il examine la conformité de la loi avec le bloc de constitutionnalité (principalement la Constitution, son préambule, celui de la Constitution de 1946, la Déclaration des droits de l’homme de 1789 et la Charte de l’environnement). Il censure les dispositions qui lui paraissent non conformes et peut préciser dans sa décision la façon dont la loi doit être interprétée. Ce contrôle de constitutionnalité ne s’est pas contenté d’agir avant la promulgation de la loi au journal officiel. Fort de ces avancées, en 2008 la révision de la Constitution a entendu étendre davantage le contrôle de constitutionnalité de la loi. C’est ainsi que par la loi organique du 10 décembre 2009, les justiciables peuvent désormais saisir le Conseil constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité en vertu de l’article 61-1 de la Constitution, afin que ce-dernier statue sur la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de toute disposition législative qui leur serait appliquée au cours d’une instance. Ce mécanisme permet désormais un contrôle a posteriori de l’ensemble des normes législatives en vigueur. C’est tout particulièrement à cette nouvelle forme de contrôle de constitutionnalité des lois à laquelle nous allons nous intéresser d’une part car elle découle d’un cheminement idéologique tendant à la soumission de la loi à la Constitution mais d’autant plus car cette forme de contrôle de constitutionnalité a été mise en place tel le dernier rempart protégeant directement le justiciable d’une inconstitutionnalité de la loi. En effet, bien que le contrôle a priori soit obligatoire pour les lois organiques il ne l’est pas pour les lois ordinaires qui doivent faire l’objet d’une saisine afin d’être contrôlés par le Conseil constitutionnel. Ainsi certaines dispositions peuvent échapper au contrôle de constitutionnalité, le problème est qu’une fois partie intégrante de l’ordonnancement juridique qu’elles modifient ces lois ont force obligatoire et produisent des effets sur la situation des justiciables. Dans l’hypothèse où ces lois violeraient une norme constitutionnelle supérieure à elles le Conseil constitutionnel a considéré nécessaire qu’elle puisse faire l’objet d’un contrôle postérieurement à leur promulgation dans le cadre d’un litige.

Tout l’enjeu soulevé par ce nouveau type de contrôle de constitutionnalité réside dans sa rupture avec le système antérieur. Cette rupture a conduit la doctrine à s’interroger sur la place du contrôle de constitutionnalité a posteriori dans les modèles traditionnels de justice constitutionnelle. Il a été ainsi facilement admissible que ce contrôle ait le caractère d’un contrôle concentré et non diffus étant donné le monopole en la matière du Conseil constitutionnel, cependant concernant le caractère abstrait ou concret la question semble moins tranchée. D’un point de vue terminologique pour le terme abstrait renvoi à ce qui est général, ce qui s’oppose au terme concret qui lui renvoie à ce que l’on peut percevoir dans la réalité autrement dit ce qui est particulier. D’un point de vue maintenant juridique cela revient à distinguer dans le cadre du contentieux celui qui est un contrôle général de celui qui est particulier. Bien qu’épineuse, nous tenterons alors de répondre à la question suivante : la procédure de la question prioritaire de constitutionnalité constitue-t-elle un contrôle abstrait ou concret ? Nous verrons que la réponse à cette question ne peut être véritablement tranchée car la procédure de la QPC entrecroise un contrôle concret par son contexte (I) et un contrôle abstrait par son objet (II).  

  1. La volonté d’un contrôle concret par le contexte de la procédure de la question prioritaire de constitutionnalité

La volonté d’exercer pour le Conseil constitutionnel un contrôle a posteriori concret se vérifie par la procédure qui conduit au soulèvement de la question prioritaire de constitutionnalité (A). Ainsi c’est bien en ce sens qu’œuvre le cheminement d’une QPC.  D’autre part le Conseil tend à concrétiser son contrôle par la décision qu’il rend sur la question (B).

  1.  La concrétisation du contrôle par la procédure de soulèvement d’une question prioritaire de constitutionnalité

L’article 61-1 de la Constitution issue de la révision constitutionnelle de 2008 ainsi que les dispositions de la loi organique du 10 décembre 2009 relative à l’application de cet article instaure la question prioritaire de constitutionnalité dont l’essence même est un contrôle de constitutionnalité a posteriori de la loi dont l’initiative émane du justiciable dans le cadre d’une instance. Cette première caractéristique entraine nécessairement une dimension concrète du contrôle car il induit un intérêt à agir, pour le justiciable, pour faire valoir ses droits dans le cadre concret d’un litige portée devant une juridiction. Cet intérêt à agir est expressément visé dans l’article 61-1 de la Constitution et 23-1 de la loi organique qui disposent tous deux qu’une QPC peut être soulevée à l’occasion d’une instance en cours au moyen qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit. Il est ensuite précisé dans la loi organique les critères de recevabilité de cette question prioritaire notamment en ce qui concerne le caractère sérieux de la requête, le lien certain avec l’instance ; ou encore le mécanisme du double filtrage pour attester de cette recevabilité (art. 23-2 al 1, LO 2009). La volonté du législateur organique à placer le justiciable au cœur de la requête en contrôle de constitutionnalité se distingue d’un contrôle classique car cette caractéristique démontre véritablement la volonté de s’opposer à relever a posteriori une inconstitutionnalité d’office par le juge ordinaire, de sorte également à se distinguer du contrôle de conventionnalité admis par la jurisprudence au prétoire du juge judiciaire et administratif. Le conseil constitutionnel lui-même dans sa décision portant sur la loi organique du 3 décembre 2009 pour l’application de l’article 61-1 a estimé en ce sens qu’était réservés aux seules parties de l’instance le droit de soutenir qu’une disposition législative portait atteinte aux droits et libertés garantit par la Constitution.

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