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La distinction entre règle de droit et règles morales et religieuses

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Par   •  3 Décembre 2017  •  Dissertation  •  2 365 Mots (10 Pages)  •  5 684 Vues

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Dissertation – Droit Civil

La distinction de la règle de droit et des règles morales et religieuses

        Il ne s’agit pas ici de mettre à part la règle de droit, la règle religieuse et la règle morale, puisqu’on admet communément que règle morale et règle religieuse sont intimement liées (les normes religieuses étant fortement imprégnées de règles morales). Règles morales et religieuses forment donc un ensemble à priori distinct des règles de droit. La règle de droit se définit comme une norme de conduite sanctionnée par la puissance étatique visant à préserver l’ordre social sur le territoire où la puissance étatique en question exerce sa souveraineté. Outre son caractère obligatoire, elle doit être générale et abstraite et émaner de la loi ou de la coutume. La règle morale, elle, est une norme de conduite généralement dictée par la conscience individuelle qui pousse le sujet à se conduire en accord avec ce qui est communément considéré comme moral ou juste. Morale et religion sont très liées et ne se distinguent pas toujours clairement puisque les règles religieuses sont généralement considérées comme moralement juste. Ces règles peuvent se définir comme étant des prescriptions sur la manière de se conduire en accord avec une religion donnée et émanant d’une autorité religieuse.

        Il est intéressant d’étudier la distinction entre règle de droit et règles morales et religieuses dans le contexte actuel de la République française, qui est une « République laïque » selon les termes de la Constitution du 4 octobre 1958. Ce principe de laïcité a été affirmé par la loi de 1905 assurant la neutralité de l’État en matière de religion, la liberté de conscience et la séparation des églises et de l’État. Pourtant, il est évident que la religion représente un élément important de la société que le droit ne peut ignorer. La France fut très longtemps un État de religion catholique, ce qui a immanquablement marqué la construction du droit français. Aujourd’hui, elle bénéficie d’une très grande diversité religieuse (protestantisme, judaïsme, islam, bouddhisme…) parmi sa population croyante, ce qui fait intervenir plusieurs ordres normatifs face à la règle de droit (laïque puisque émanant de l’État), générant parfois des conflits de normes. De même la règle morale peut parfois entrer en contradiction avec la règle de droit ou au contraire inspirer sa rédaction.

        Dans ces conditions, est-il possible de distinguer clairement la règle de droit des règles morales et religieuses ?

        Si une distinction claire peut s’opérer en théorie (I), il existe en pratique de nombreuses interactions entre droit, morale et religion (II).

I) Une distinction en théorie claire

        La règle de droit est en théorie assez facilement distinguable des règles morales et religieuses, tout d’abord par une différence dans les sources et la sanction (A) mais également dans les finalités (B).

A) Les différences de source et de sanction

        

        Il est tout d’abord possible de distinguer la règle de droit des règles morales et religieuses par la source dont elles émanent. La règle de droit émane de la puissance étatique, elle est posée par la loi ou instaurée par la coutume. Dans le cas de la loi c’est la puissance étatique qui l’élabore, la vote (pouvoir législatif) et la promulgue (pouvoir exécutif). La règle morale, elle, correspond à un sentiment de ce qui est juste ou « bien » et est dictée à l’Homme par sa conscience. Elle se confond avec la règle religieuse qui elle aussi correspond à un sentiment intérieur mais celle-ci émane à l’origine d’une « révélation divine » et est dictée à l’Homme par une autorité religieuse (l’Église catholique par exemple). Dans le cas d’un croyant, cette règle sera assimilée à une règle morale puisque les règles divines ne peuvent pas être immorales. Dans tous les cas, il s’agit de dicter une norme de conduite qu’il faut respecter sous peine de sanction. C’est d’ailleurs la sanction qui est le critère classiquement retenu pour distinguer règle de droit et règles morales et religieuses. En effet, le non respect de la règle de droit est passible d’une sanction externe de la part de l’État qui dispose d’un pouvoir de coercition. L’État peut ainsi, à travers le juge, infliger des peines allant du paiement d’indemnités à la perte de liberté (emprisonnement). Ces sanctions ont donc des conséquences matérielles. A l’inverse, les règles morales et religieuses ne disposent pas en France de pouvoir de contrainte. De ce fait, les sanctions infligées sont uniquement internes à l’individu : remord, mauvaise conscience et réprobation sociale entre autres sont des sanctions sans conséquences matérielles directes. De même, le droit ne prend en compte et donc ne sanctionne que l’acte extérieur (le fait de voler est passible de sanctions) alors que la morale et la religion regardent en premier lieu l’intériorité de l’Homme (l’intention de voler est quelque-chose de mal, c’est cette intention qui va être sanctionnée par le remord, la culpabilité etc).

        La source et la sanction de la règle de droit la distinguent donc à priori nettement des règles morales et religieuses. Mais on peut également les distinguer de part leur contenu et leurs finalités.

B) Les différences de finalité et de contenu

        Les finalités de la règles de droit sont en fait très différentes de celles des règles morales et religieuses. Tout d’abord, la règle de droit est neutre d’un point de vue moral, elle ne cherche pas à encourager la moralité, elle peut même dans certains cas aller complètement à son encontre. On peut prendre pour exemple le principe de la prescription trentenaire dans le code civil qui indique que le voleur devient le possesseur de la chose volée après un délai de trente ans. La finalité de la règle de droit est d’assurer la paix et la sécurité au sein de la société qu’elle organise, son but est uniquement « le maintien de l’ordre social » (J. Carbonnier, Droit Civil). Elle cherche donc à ce que chaque membre de cette société se comporte en accord avec les normes juridiques, mais ne vise en aucun cas à rendre l’Homme « meilleur ». Par opposition les règles morales et religieuses visent à « élever » l’Homme afin qu’il soit meilleur et plus juste, elles ont pour but son « perfectionnement intérieur » (J. Carbonnier Droit Civil). L’idéal de justice est néanmoins partagé par la règle de droit et les règles morales, mais avec des conceptions différentes. Généralement, en matière de religion, la justice (qui correspond à un idéal moral) est inspirée à l’Homme par Dieu, tandis qu’en droit les conceptions du juste varient selon les écoles. La conception de justice en  droit français aujourd’hui correspond à une synthèse des théorie jusnaturaliste (il existe un droit naturel immuable qui doit guider la rédaction des lois) et positiviste (ce qui est juste est ce qui est contenu dans le droit positif) : La règle de droit doit poursuivre un certain idéal de justice mais cette finalité doit s’accorder avec celles de maintien de la paix et de l’ordre dans la société, ces dernières motivant parfois l’existence de règles de droit pouvant laisser un certain sentiment d’injustice (on peut reprendre l’exemple du voleur qui devient possesseur légitime après trente ans). La justice en droit  correspond donc à un idéal beaucoup moins élevé qu’en matière de morale et de religion, le droit étant par définition en prise avec la réalité et donc beaucoup plus pragmatique.

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