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LE DROIT DANS LES SOCIETES ANARCHISTES

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Par   •  5 Octobre 2016  •  Dissertation  •  5 129 Mots (21 Pages)  •  1 028 Vues

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INTRODUCTION

 

« Plus de lois, plus de juges ! La liberté, l’égalité et la pratique de la solidarité sont la seule digue efficace que nous puissions opposer aux instincts antisociales de certains d’entre nous »[1], ainsi s’exclamait Pierre Kropotkine à propos de la société anarchiste. Cette affirmation démontre de l’hostilité sans faille dont témoignent les anarchistes à l’égard du droit, défini ainsi au sens de la loi et de ceux qui l’appliquent, c’est-à-dire les juges. Cette hostilité est encore plus présente chez Pierre Joseph Proudhon dans ces formules « Plus d’autorité ! C’est-à-dire encore, le Contrat libre, à la place de la loi absolutiste, la transaction volontaire, au lieu de l’arbitrage de l’Etat ; la justice équitable et réciproque, au lieu de la justice souveraine et distributive… »2. Par définition, les concepts de « droit » et d’ « anarchie » s’excluent mutuellement.

Étymologiquement, le mot anarchie dérive du grec « anarkhia », terme lui-même composé du privatif an- (comme dans anhydride, sans eau) et du substantif « arkhê », qui signifie commandement, pouvoir. L’anarchie serait donc absence de commandement, absence de pouvoir, absence de chef, absence d’autorité. D’où l’idée d’absence d’ordre, ce qui faisait assimiler dans le langage courant et chez certains auteurs le concept d’anarchie à celui de désordre.  Henri Arvon fait clairement ressortir cet aspect de l’anarchie en affirmant que « le terme même d’anarchie qui équivaut à l’absence de gouvernement, d’autorité, pose en premier lieu le problème du pouvoir politique. Or, selon une équation dont la tradition remonte à l’Antiquité, manquer de gouvernement et d’autorité, c’est sombrer dans le désordre »[2]. De son côté, Daniel Guérin considère que « le préjugé ayant régné pendant des millénaires, selon lequel les hommes ne sauraient se passer de l'un ou de l'autre, anarchie a été entendu, dans un sens péjoratif: un synonyme de désordre, de chaos, de désorganisation »[3]. Pour réfuter cette conception des républicains qui faisait assimilaient l’anarchie au désordre au XIXe siècle en France, Pierre Joseph Proudhon affirmait que la société anarchiste « qui réalisera l’égalité et la justice, fera reposer l’ordre sur l’anarchie, alors que l’ancienne société où l’homme est soumis à l’autorité d’autrui, représente le désordre et le chaos »[4].

Pour les anarchistes donc, l'anarchie ne signifie pas « nécessairement l'absence d'ordre, comme on le suppose généralement, mais l'absence de règles »[5]. La définition de David

Weick est encore plus clair lorsqu’il dit que « l'anarchisme peut être compris comme l'idée politique et sociale qui exprime la négation de tout pouvoir, souveraineté, domination, et division hiérarchique, et la volonté de les dissoudre »[6].  

L’anarchisme est un courant politique et philosophique qui naît au XIXe siècle. C’est un courant qui est fondé sur le principe de la négation de l’autorité dans l’organisation sociale et le refus de toute contrainte découlant des institutions basées sur ce principe, avec la création selon Pierre Joseph Proudhon, « d’un état sociétaire harmonieux résultant naturellement de la suppression de tout appareil gouvernemental  »[7].  

Selon Henri Arvon, Pierre-Joseph Proudhon fut « le premier à se dénoncer lui-même comme anarchiste [8]». En effet, dans son œuvre, « qu’est-ce que la propriété ? », Pierre Joseph Proudhon se déclare lui-même anarchiste et précise qu’il entend par « anarchie », « une forme de gouvernement sans maître, ni souverain [9]».

Si le courant anarchiste, en tant que doctrine politique et philosophique a pris forme au XIXe siècle, les sociétés anarchistes, c’est-à-dire des sociétés revêtant cette caricature de l’anarchisme qui vient d’être présentée, existaient depuis les origines de l’humanité.  C’était le cas des « Inuits », des « pygmées », des « santals », des « mérinas », brefs de certaines sociétés primitives. Beaucoup d’autres sociétés anarchistes ont jalonné l’histoire de l’humanité, notamment l’anarchisme argentin de 1890 à 1930, étudié par Maria Laura Moreno Sainz. De nos jours, plusieurs Etats peuvent être qualifiés de sociétés anarchistes dans la mesure où les institutions étatiques ne sont pas fonctionnelles du fait de la guerre civile ou de la contestation de l’autorité en place. On pense notamment à l’Irak d’après la chute de Sadaam Hussein, de la Somalie dont la guerre civile a fait établir les institutions étatiques à l’étranger, de la République centrafricaine et bien d’autres Etats sur le continent africain principalement.  

Pour Jean Maîtron, « l’anarchisme (.. .) varie dans l’espace et dans le temps et la doctrine est fluide, insaisissable, synthétiquement difficile à définir [10]», ce qui justifie le fait qu’on retrouve d’autres termes comme ceux de « collectivisme », « communisme », « libertarisme », qui désignent toutefois la même philosophie que l’anarchie, ce qui a fait dire à Maria Laura Moreno Sainz, dans sa thèse sur l’anarchisme argentin (1890-1930) que « l’anarchisme est une philosophie hétérogène [11]».

Généralement défini comme l’ensemble des règles qui régissent la conduite de l’homme en société ainsi que des rapports sociaux, le droit est un attribut de toute société organisée.  

La question du droit dans les sociétés anarchistes se pose dès lors que l’Etat est considérée comme l’auteur du droit et qui l’impose à la société, et en sanctionne la violation, alors que les sociétés anarchistes reposent sur une organisation sociale sans Etat, sans souverain, sans contrainte. On pourrait alors se demander s’il peut exister de droit sans Etat ? Quelle serait la nature de ce droit ? Comment serait-il appliqué ? Toutes ces interrogations se ramènent à la question de la place du droit dans les sociétés anarchistes.

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