LA JURISPRUDENCE ET LA RESPONSABILITÉ DU FAIT DES CHOSES
Dissertation : LA JURISPRUDENCE ET LA RESPONSABILITÉ DU FAIT DES CHOSES. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Samsam3000 • 2 Novembre 2015 • Dissertation • 2 398 Mots (10 Pages) • 3 770 Vues
À l’époque de la rédaction du Code civil, la responsabilité du fait des choses n’était envisagée que de façon très limitée. En effet, le Code n’appréhendait que de cas très particuliers dans lesquels la présomption de faute pouvait être renversée, permettant ainsi à la victime de faire peser le fardeau de la preuve de l’absence de faute que dans deux cas exclusifs, prévus aux articles 1385 et 1386 : dans le cas de la responsabilité du fait des bâtiments en ruine et dans celui du fait des animaux. L’article 1384 alinéa 1er quant à lui, était rédigé dans des dispositions très générales : « on est responsable non seulement du dommage causé par son propre fait, mais encore de celui des personnes dont doit répondre ou des choses que l’on a sous sa garde ».
Dans l’esprit des rédacteurs du Code civil, le rôle de cet article se résumait simplement à annoncer les régimes de responsabilité du fait d’autrui (prévu à partir de l’article 1384 alinéa 2) et du fait des choses aux articles 1385 et 1386. Cependant, les évolutions de la société et notamment l’essor du machinisme ont forcé le juge à faire évoluer sa conception de la responsabilité du fait des choses. En effet, à part, pour les cas extrêmement réduits du Code civil, le régime de responsabilité du fait des choses reposait sur l’idée de faute, comme l’ensemble des régimes de responsabilité à l’époque.
Toutefois, les évolutions de la société et l’utilisation croissante des machines, causes de dommages multiples et variés dont le fait générateur n’était pas forcément une faute, ont forcé le juge à réadapter sa conception. C’est ce qui fut fait par l’arrêt Jand’heur rendu en 1930 par la Cour de cassation. A partir de l’arrêt Jand’heur et tout au long du XXème siècle jusqu’à aujourd’hui, une série d’arrêts sont venus préciser le régime de responsabilité du fait des choses. C’est bien ici que se révèle l’intérêt majeur de l’étude de la jurisprudence et la responsabilité du fait des choses. En effet, il s’agit de démontrer que la consécration d’un principe général de responsabilité du fait des choses résulte d’une des plus grandes évolutions jurisprudentielles en droit civil français. Les apports sont effectivement considérables.
Quelles ont été donc les évolutions de la jurisprudence quant à la responsabilité du fait des choses ?
Au regard d’une telle question, il apparait opportun d’étudier d’une part la consécration jurisprudentielle du régime de responsabilité du fait des choses (I) et d’autre part, l’application large du principe de responsabilité du fait des choses (II).
I. La consécration jurisprudentielle du principe de responsabilité du fait des choses
La consécration jurisprudentielle du principe de responsabilité du fait des choses s’est d’abord faite par une interprétation large de l’article 1384 alinéa 1er (A) ainsi que par une présomption de responsabilité définie par la notion de garde (B).
A. Une interprétation large de l’article 1384 alinéa 1er opérée par le juge
Comme il a été dit précédemment, les hypothèses de renversement de la charge de la preuve envisagées par le Code civil sont très particulières. Il s’agit des articles 1385 et 1386 qui disposent respectivement que « le propriétaire d’un animal […] est responsable du dommage que l’animal a causé » et que « le propriétaire d’un bâtiment est responsable du dommage causé par sa ruine ». Mais ces cas particuliers ont très vite été obsolètes du fait de l’évolution de la société et de l’essor des dommages causés par des machines. En effet, ces machines ne causaient pas de dommages du fait d’une faute, ce qui ne permettait pas à l’époque l’indemnisation, pourtant indispensable, de la victime. C’est la raison pour laquelle la Cour de cassation attribua à l’article 1384 alinéa 1er une nouvelle portée, bien plus significative que celle prévue par les rédacteurs du Code civil. Cette évolution jurisprudentielle eu deux conséquences dignes d’attention. La première est qu’elle posa la généralité du principe de l’article 1384 alinéa 1er. Ceci coupa court à certains débats doctrinaux tendant à limiter l’application de cet article. En effet, certains auteurs, tel que Ripert, voulaient par exemple effectuer une distinction entre les choses dangereuses et les choses non dangereuses. Seulement ces dernières seraient soumises à l’application de l’article 1384 alinéa 1er. Ripert était effectivement partisan de la théorie de la faute en droit de la responsabilité. Seulement, la seconde conséquence de l’arrêt Jand’heur est justement cette présomption de responsabilité : il n’est donc plus nécessaire de prouver d’une faute du propriétaire de la chose pour demander réparation auprès du juge.
L’arrêt Jand’heur est donc le point de départ de toutes les évolutions jurisprudentielles quant à la responsabilité du fait des choses. Cependant, à l’époque l’état du droit reste lacunaire, c’est la raison pour laquelle le juge continuera dans ses affinements prétoriens, notamment en définissant la notion de garde.
B. Une présomption de responsabilité définie par rapport à la notion de garde
De la solution de l’arrêt Jand’heur ont découlé des interrogations quant à la personne responsable du fait de chose. En effet, la personne responsable civilement serait-elle toujours le propriétaire de la chose ? Serait-ce la personne qui utilise la chose au moment du dommage ? La Cour de cassation, dans un arrêt rendu en chambres réunies datant de 1941 intitulé Franck, a apporté la solution en définissant la notion de garde. Elle définit le gardien de la chose, la personne responsable du fait de cette chose, comme la personne ayant l’usage de la chose et les pouvoirs de contrôle et de direction dessus. A partir de 1941, la jurisprudence qualifie désormais le gardien de la chose comme celui à qui la responsabilité du fait de la chose incombe.
La garde de la chose en elle-même a un caractère alternatif est non cumulatif, en effet, elle n’est détenue que par une seule personne à un instant précis. Cependant, le caractère alternatif de la garde de la chose ne va pas à l’encontre de quelques précisions. D’une part, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a précisé en 2003, que l’utilisation par une personne tierce pour un court laps de temps et pour un usage déterminé ne constitue pas un transfert de la garde. Le véritable gardien de la chose restera donc responsable des dommages
...