Interprétation stricte de la loi pénale
Dissertation : Interprétation stricte de la loi pénale. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar So Aka • 25 Novembre 2017 • Dissertation • 2 581 Mots (11 Pages) • 5 895 Vues
Dissertation : interprétation de stricte de la loi pénale
Selon Montesquieu dans son ouvrage l’Esprit des lois, il appartient au juge d’appliquer la loi et non pas l’interpréter : « les juges de la Nation ne sont que la bouche qui prononce les paroles de la loi ; des êtres inanimés qui n’en peuvent modérer ni la force ni la rigueur ». En effet, selon cette conception il revient de façon exclusive au législateur, représentant de la Nation, d’interpréter la norme qui a lui-même édicté. C’est d’ailleurs pour cela que les révolutionnaires avaient instauré le référé législatif qui permettait à l’Assemblée d’interpréter ses propres textes. Ce procédé a été aboli par le code civil et la loi du 1er avril 1837.
Cependant dans la pratique, l’interprétation du juge est nécessaire pour dégager la réelle intention du législateur notamment en raison de la multiplication des textes incriminateurs. Si en raison du principe de légalité criminelle, la loi doit être claire et précise, elle peut être imparfaite et l’interprétation stricte du juge s’impose car il est tenu de rendre une décision sous peine d’un déni de justice (article 4 du code civil). Afin éviter l’arbitraire du juge qui doit se contenter d’appliquer la loi, le code pénal dispose dans l’article 114-1 que «la loi pénale est d’interprétation stricte » : le juge ne peut pas par son interprétation créée une nouvelle règle de droit conformément au principe de légalité criminelle. Le juge par son interprétation ne doit pas « tendre le domaine du texte à des hypothèses qui ne sont pas prévus par ce dernier, c’est en ce sens que l’interprétation doit être stricte. Cette interprétation respecte la lettre du texte et elle recherche toujours la raison d’être du texte : « l’interprétation doit toujours être fidèle à la valeur sociale protégée par la loi pénale ».
Il convient donc de voir la nécessité de l’interprétation stricte de la loi par le juge et en quoi elle découle du principe de légalité criminelle : en effet l’interprétation de la loi pénale est un corollaire de la légalité criminelle (I) et un outil essentiel du juge pénal (II).
- L’interprétation stricte de la loi pénale : corollaire de la légalité criminelle
L’interprétation de la loi pénale est nécessaire au principe de légalité criminelle et passe par une méthode téléologique retenue par le juge pénal (A) qui exclut l’interprétation par analogie (B).
- La méthode par téléologique retenue par le juge pénal
Cette méthode d’interprétation est celle qui est plus à même de respecter le principe de légalité criminelle puisque elle consiste à chercher « l’esprit » de la loi c’est-à-dire le but recherché par le législateur lorsqu’il a créé une incrimination prévue par un texte. Cette méthode est indispensable pour le juge même si en réalité il devrait se contenter d’appliquer la loi. L’avantage de cette méthode est qu’elle respecte le principe d’interprétation stricte car il ne s’agit pas d’étendre le champ d’application de la loi à des cas qu’elle n’a pas prévu. Le juge va chercher l’intention du législateur notamment dans les motifs et les travaux parlementaires. En effet, si on se limite à une interprétation littérale d’un texte qui oblige à se coller à la lettre du texte, on ne le permet de le faire évoluer et pourrait déboucher sur des situations absurdes où la volonté du législateur en créant cette incrimination n’est pas respectée. Cette méthode littérale n’est donc pas obligatoire et convient aux textes ponctuels et techniques. Or, la méthode téléologique permet de faire évoluer le texte lorsqu’il est ancien à notre époque et de corriger les lacunes et les erreurs d’un texte.
Par exemple, la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse sanctionne le fait de rendre publics des propos diffamatoires, provocants ou injurieux. A l’époque du texte c’est-à-dire à la fin du 19ème siècle, il ne fut envisagé que la presse écrite et le texte parlait donc de propos « imprimés ». Or la radiophonie puis la presse sur Internet s’est développée par la suite : l’interprétation téléologique a permis d’appliquer la loi du 29 juillet 1881 à des propos diffamatoires peu importe le support utilisé par la presse. En effet, il paraît évident que le législateur à l’époque ne pensait pas à sanctionner certains propos uniquement s’ils étaient imprimés car dans le contexte historique la radiographie et l’Internet lui avait échappé. On peut penser légitimement que le législateur s’il avait connu ses supports les auraient mentionnés dans la loi de 1881, il voulait surtout condamné la publication de certains propos qui pouvaient être injurieux, diffamatoires, etc.
Interprétation du juge est nécessaire en cas d’erreur matérielle comme l’illustre l’arrêt Bailly du 8 mars 1930 où un homme avait été arrêté car il était descendu du train avant que ce dernier ne s’arrête. Il a donc invoqué un décret du 11 novembre 1917 qui prohibait aux passagers de descendre hors des gars et quand le train était complètement arrêté. Le pourvoi a bien sûr été rejeté car ce n’était pas l’intention du législateur, il y avait une erreur dans le texte qui était évidente.
Cependant, la méthode téléologique peut être dangereuse si derrière le principe d’interprétation stricte de la loi pénale, le juge exprime en réalité sa propre volonté et non celle du législateur. Il ne faut pas que l’interprétation stricte deviennent un raisonnement fait par analogie par le juge pénal.
- La prohibition de l’interprétation par analogie
La méthode par analogie est contraire au principe de légalité criminelle car elle consiste à appliquer une règle de droit à une situation qui n’a pas été prévue par elle : c’est une situation analogue. Le juge ne ferait pas une interprétation stricte de la loi pénale mais sortirait de ses compétences et empièteraient celles du législateur puisqu’il va dégager une règle nouvelle. Le raisonnement par analogie étend le champ d’application du texte au-delà de ce qu’avait prévu le législateur. C’est pourquoi le nouveau code pénal a introduit à l’article 111-4 que « la loi pénale est d’interprétation stricte » : ce principe est important pour la sécurité juridique car les textes incriminateurs sont des limites à la liberté individuelle puisqu’ils sont répressifs, il est donc important de limiter l’arbitraire du juge dans l’interprétation de la loi.
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