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Faut-il limiter davantage la détention provisoire?

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Par   •  19 Novembre 2018  •  Dissertation  •  2 441 Mots (10 Pages)  •  1 509 Vues

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Procédure pénale – Séance 6

Aurélien Le Hir

Dissertation : « Faut-il limiter davantage la détention provisoire ? »

Selon les chiffres publiés par le Ministère de la Justice, au 1er octobre 2018, 20 915 des 70 714 personnes détenues dans les prisons françaises étaient en attente de leur jugement. Le recours important à la détention provisoire, pourtant censée être une mesure exceptionnelle, accroît la surpopulation carcérale et les problèmes qui l’entourent.

La détention provisoire est une mesure de privation de liberté prévue par le Code de procédure pénale, consistant à placer en détention, pour la durée de l’instruction ou en attendant qu’un jugement soit prononcé, une personne mise en examen ou, plus spécifiquement, une personne en attente d’un jugement dans le cadre de la procédure de comparution immédiate ou de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Puisqu’il s’agit d’une mesure de privation de liberté attentatoire à la liberté individuelle, la détention provisoire est strictement encadrée par la loi et sa mise en œuvre, dans le cadre de l’instruction, doit rester exceptionnelle. En principe, une telle mesure ne peut être mise en œuvre que lorsque d’autres mesures de contraintes, comme le contrôle judiciaire ou la surveillance électronique sont insuffisantes ou lorsque ces dernières n’ont pas été respectées par la personne concernée. La détention provisoire étant une mesure exceptionnelle et contraignante, elle fait l’objet d’un encadrement actuellement strict par le législateur qui prévoit des modalités particulières de mise en œuvre particulières et l’intervention d’un magistrat du siège distinct du juge d’instruction.

Paradoxalement, il est également important que cette détention provisoire puisse se concilier avec le principe de la présomption d’innocence, selon lequel une personne est présumée innocente tant que sa culpabilité n’a pas été formellement établie par un tribunal indépendant et impartial. Dans un État démocratique, on ne peut pas priver de liberté une personne pendant une durée trop importante, dès lors que l’on présume que cette personne est innocente. La nécessité de limiter dans le temps la détention provisoire au nom de la présomption d’innocence a été particulièrement affirmée à la suite des dysfonctionnements judiciaires dans le cadre de l’affaire d’Outreau. D’où la possibilité pour celui qui fait l’objet d’une détention provisoire de demander, en référé, sa remise en liberté ; et pour celui remis en liberté après une détention provisoire injustifiée, de demander la réparation de son préjudice.

Pourquoi faut-il limiter l’usage et la durée de la détention provisoire ?

Au nom de la présomption d’innocence, il serait souhaitable de réduire, tantôt le recours à la détention provisoire (I), tantôt la durée de celle-ci (II).

  1. La limitation progressive du recours à la détention provisoire

Tout d’abord, parce que la détention provisoire est une mesure de privation de liberté, elle ne doit être utilisée que dans un cadre exceptionnel, prévu par la loi (A). Ensuite, le cas échéant, dans un même objectif de protection de la liberté individuelle, le détenu provisoire, après avoir discuté contradictoirement de la mesure devant le juge des libertés et de la détention (JLD) doit pouvoir demander l’abrègement de son enfermement, voire une indemnisation si celui-ci était injustifié (B).

  1. Une mesure devant rester exceptionnelle

Dans le cadre de l’instruction, seule la personne mise en examen, parce que la suspicion à son encontre est forte, peut faire l’objet d’une mesure de contrainte, tel un placement en détention provisoire. De fait, une personne placée sous le statut de témoin assisté ne peut être contrainte, même si elle peut demander à être mise en examen pour bénéficier des droits qui sont attachés à cette qualité. Dans tous les cas cependant, si la suspicion est plus importante à l’égard du mis en examen, celui-ci n’en demeure pas moins présumé innocent, et, à ce titre, doit rester libre (article 137 du Code de procédure pénale). Il en résulte que l’enfermement engendré par la détention provisoire doit rester exceptionnel.

Le mis en examen peut faire l’objet d’un contrôle judiciaire ou d’un placement sous surveillance électronique durant l’instruction. Ce n’est que lorsque ces mesures sont insuffisantes ou qu’elles n’ont pas été respectées que la mise en détention provisoire peut être requise. L’article 144 du Code de procédure pénale énonce en outre que la détention provisoire doit constituer l’unique moyen de parvenir à l’un des objectifs énuméré par l’article, et qui ne pourrait être atteint par contrôle judiciaire ou surveillance électronique. Enfin, quoi qu’il en soit, à moins que la détention provisoire ne soit la sanction du non-respect d’une mesure de contrainte moindre, l’infraction pour laquelle la personne a été mise en examen ne peut être qu’un crime ou un délit, puni d’une peine d’emprisonnement d’au-moins 3 ans. Le placement en détention provisoire ne doit jamais être arbitraire voire systématique. Il doit être motivé par une ordonnance rendu par un magistrat indépendant et impartial, distinct du juge d’instruction : le JLD.

  1. La possibilité de discuter de la détention provisoire, d’en demander l’abrègement voire l’indemnisation

La « solitude du juge d’instruction » et les conséquences néfastes de celle-ci ont conduit le législateur à créer le JLD, par une loi du 15 juin 2000. Dans le cadre de l’instruction, afin que les droits de la défense soient mieux assurés, le législateur a confié à un magistrat du siège indépendant, impartial, et surtout distinct du juge d’instruction, la charge de statuer sur les demandes, faites par ordonnance, de placement en détention provisoire émanant du juge d’instruction. S’il y a lieu, et si le JLD envisage de placer le mis en examen en détention provisoire, il doit préalablement l’entendre au cours d’un débat contradictoire, en présence de son avocat et de toutes les autres parties. La personne mise en examen peut également demander un délai pour préparer sa défense.

Le JLD rend une ordonnance motivée, après avoir entendu les réquisitions du ministère public et les observations du mis en examen et de son avocat. L’ordonnance du JLD n’est pas susceptible d’appel. Pour autant, ce n’est pas parce que le suspect a été placé en détention provisoire qu’il ne peut pas demander à être remis en liberté ensuite. Ainsi, l’article 148 du Code de procédure pénale prévoit que la personne placée en détention provisoire ou son avocat peut demander, à tout moment de la procédure, à être remise en liberté. Cette demande doit être adressée au juge d’instruction, qui peut décider d’y faire droit, après que le procureur de la République a présenté ses réquisitions. On observera que si le juge d’instruction perd la main au profit du JLD lorsqu’il s’agit de placer une personne en détention provisoire, il peut toujours y mettre fin de son propre chef, lorsque le mis en examen le lui demande et s’il considère que les conditions de mise en œuvre de la détention provisoire ne sont plus réunies. D’où l’idée que la détention provisoire doit être limitée dans sa mise en œuvre mais ne doit pas être limitée dans son abolition. Par ailleurs, le juge d’instruction, le JLD ou la Chambre de l’instruction sur appel d’une ordonnance, peuvent toujours ordonner la mise en liberté spontanément, lorsque les conditions de la détention provisoire ne sont plus réunies. La fin de la détention provisoire étant seulement la fin d’une mesure exceptionnelle, le mis en examen peut évidemment faire l’objet d’une mesure moins contraignante, tel un contrôle judiciaire.

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