Faut-il limiter le progrès technique ?

Samuel Kapp—Roche

T04

Bac de Philosophie

Au 20e siècle, la scientifique Marie Curie, enterrée au Panthéon, a réalisé des recherches sur la radioactivité qui lui ont permis d’obtenir le prix Nobel de Physique. D’une part, cette invention a fait avancer l’humanité d’un grand pas au regard des progrès réalisés dans la médecine ou encore dans l’énergie avec la création de centrales nucléaires. Mais d’un autre côté, le nucléaire a entraîné la construction de la bombe atomique que l'on observe dans le film "Oppenheimer", sorti au cinéma en 2023, invention qui a provoqué des millions de morts. La technique est-elle donc une menace pour l’humanité ?

Interrogeons-nous sur la définition de la technique. La technique désigne en effet l’ensemble de procédés définis et transmissibles mettant en œuvre des moyens efficaces pour réaliser des fins jugées utiles. Son étymologie vient du grec "techné" qui se définit comme toute production artisanale et artistique. Mais le fruit de cette production permise par la technique, pourrait nous faire craindre que celle-ci puisse constituer un danger pour l’humanité lorsque celui-ci échappe à notre contrôle, mais aussi lorsque ses fins ne servent pas la morale. Cependant, il ne faut pas oublier que la technique a permis à l’homme de se démarquer de l’animal et de se développer jusqu’à arriver à notre société actuelle où l’homme a surmonté les contraintes naturelles. Ainsi, faut-il se protéger de la technique ? Faut-il la limiter ?

Pour répondre à cette question, nous établirons dans un premier temps que la spécificité humaine de la technique a permis à l'homme de se développer, et qu'en cela, la technique est bénéfique à l'humanité. Nous verrons par la suite que celle-ci peut aussi nuire à l'homme. Enfin, nous étudierons comment se protéger face à ce danger.

Tout d’abord, nous pouvons considérer que la technique est bénéfique à l'humanité. En effet, la spécificité humaine de la technique a permis à l'homme de se démarquer de l'anima. Ainsi, l'animal utilise la technique en suivant son instinct à des fins biologiques. Par exemple, un castor va utiliser ses dents afin de construire un barrage qui va lui constituer un abri. L’homme, quant à lui, utilise une technique qui résulte d’une transmission d’un apprentissage en utilisant des outils dans une fin pas nécessairement biologique. L’utilisation d’outils nous distingue en effet des animaux par sa fonction de décupler nos capacités comme un prolongement de notre corps. De plus, selon K. Marx, nos mains sont notre outil le plus fonctionnel et le plus polyvalent qui atteste de l'intelligence de l'homme. Ainsi, la spécificité humaine de la technique, par l'utilisation d'outils, nous permet de nous démarquer de l’animal. La technique est donc bénéfique à l'homme.

En effet, celle-ci nous permet de surmonter les contraintes naturelles et de se libérer de celles-ci. En effet, dans le mythe de Prométhée, rédigé par Platon dans l’Antiquité, lors de la création des êtres vivants par Épiméthée le frère de Prométhée, celui-ci oublie de donner des attributs aux hommes qui se retrouvent alors nus et livrés à la nature. Prométhée vole alors le savoir et le savoir technique à Athéna et Héphaïstos dont il fait dont aux hommes sous la forme du feu qui constitue l’Antiquité de la technique. En effet, le feu va permettre aux hommes de se protéger de la nature, de cuire les aliments, et de forger des outils, c’est-à-dire de se libérer peu à peu des contraintes naturelles.

Mais la technique, en plus de surmonter les contraintes naturelles, a permis d’augmenter notre confort de vie car celle-ci est libératrice du travail. En effet, avec l'invention et l'utilisation de machines, des sources d’énergie extérieure utilisées pour réaliser une action sous le contrôle d’un agent, et de robots, des machines fonctionnant de manière autonome, nos capacités se sont retrouvées décuplées. Cela a permis à l’humanité de diminuer le temps de travail et d'améliorer la qualité du travail. Par la notion de travail, dont l’étymologie vient du latin "tripalium" désignant un instrument de torture, on entend ici que le travail est une contrainte, synonyme d'efforts et de peine. En effet, se dire que l'on doit ramasser des feuilles à la main pour nettoyer son jardin est fatiguant dû à l’effort nécessaire. Or, si on utilise la technique, c’est-à-dire un aspirateur à feuilles, cette corvée demandera moins de temps et d’énergie. Dans ce sens, la technique comme libératrice du travail est donc bénéfique à l’humanité dans la mesure où elle améliore son confort de vie.

Mais au-delà de nous démarquer de l’animal en surmontant les contraintes naturelles et en améliorant notre confort de vie, avec le développement toujours plus poussé de notre société actuelle et de nos technologies, ne pourrait-on craindre que la technique puisse nous dépasser, mettre l'humanité en danger?

En effet, la technique peut se révéler être un danger pour l'humanité. Par orgueil et par volonté d'aller toujours plus loin dans le progrès, on pourrait craindre que l'homme cherche à atteindre le divin. Revenons ainsi au mythe de Prométhée de Platon. Ce feu volé aux dieux représentant la technique pourrait tendre à nous brûler par ces flammes divines, comme dans le conte d'Icare ou celui-ci, soucieux de voler toujours plus haut, tente d’atteindre le soleil et se brûle les ailes, entraînant sa chute. En effet, alors qu’avant le 18e siècle, l’homme s’est libéré des contraintes naturelles, il se présente peu à peu comme possesseur et maître de la nature selon Descartes, lui permettant de nourrir sa soif de domination. Néanmoins, ce progrès technique qui ne cesse de croître avec cette domination de la nature qui fait tendre l’homme vers un aspect divin effraie une partie de l’humanité. Ainsi, cette artificialisation du monde toujours plus grande inspire les réalisateurs qui mettent alors en garde l'humanité avec par exemple le film « Matrix » ou encore « Terminator ». Dans ces films, les machines ont pris le contrôle de l’humanité. Ainsi la technique et le progrès technique pourraient se révéler être une menace pour l'humanité dans la mesure où celle-ci nous pousse à nourrir notre soif d'aller toujours plus loin jusqu'à une probable rupture et ainsi, à nous dépasser, voire même nous remplacer, brûlés par l'ambition.

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