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Droit de l'UE

Dissertation : Droit de l'UE. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  7 Novembre 2021  •  Dissertation  •  2 531 Mots (11 Pages)  •  552 Vues

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« Le déficit démocratique en Europe »

« L’Europe est une construction à allure technocratique et progressant sous l’égide d’un despotisme doux et éclairé ». Ces mots, prononcés le 7 décembre 1999 lors d’une conférence à la cathédrale de Strasbourg, ce sont ceux de Jacques Delors. L’homme politique français dénonce alors le déficit démocratique auquel l’Union fait face. Paradoxalement, six ans plus tard, c’est par la formule de Thucydide que le projet de traité constitutionnel européen est introduit « Notre Constitution est appelée démocratie parce que le pouvoir est entre les mains non d’une minorité, mais du plus grand nombre ». S’il y a bien un thème qui ait nourri une littérature pléthorique, c’est celui de la démocratie européenne. Improbable Triboulet de notre histoire commune, l’expression de déficit démocratique a fait florès si bien qu’aujourd’hui, l’axiome « démocratie européenne » est parfois perçu comme oxymore.

Etymologiquement, la démocratie est issue du grec demos-kratos, traduit en français par « le gouvernement de tous ». Politiquement et juridiquement, le terme ne s’est jamais écarté de son acception première. La démocratie est donc un régime politique dans lequel le peuple est souverain, « le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple » pour citer Abraham Lincoln. Le régime démocratique enjoint la reconnaissance des Droits de l’Homme et se fonde, en principe, sur la liberté et l’égalité des citoyens. Depuis le 20ème siècle, avec l’avènement des partis de masses, la démocratie rayonne au prisme de la représentation, « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum » selon l’article 3 de la Constitution française. Le pluralisme politique, la tenue d’élections libres à intervalles réguliers, le scrutin libre et secret, le suffrage universel direct et l’élection des assemblées législatives par les citoyens garantissent une représentation effective. Cette définition de la démocratie est donc rendue acceptable dans la mesure où un lien direct entre souveraineté collective et contenu des lois perdure. Néanmoins, depuis plusieurs décennies, la démocratie accuse une crise de la représentativité ; un déficit en d’autres termes. De nouveaux canaux institutionnels et procéduraux sont mis en place, le concept de démocratie est élargi au-delà de son acception traditionnelle. C’est l’avènement d’une démocratie délibérative, participative et continue pour citer l’expression chère à Dominique Rousseau. Aujourd’hui, la démocratie peut de fait s’exercer directement ou par l’intermédiaires de représentants élus.

La CEE est créée en 1957 par le Traité de Rome et succède à la CECA. C’est une organisation internationale axée sur la coopération économique qui coordonne des actions à l’échelle régionale et fonctionne de manière classique sur la base des traités interétatiques. Comme pour la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier, elle émerge de la volonté des Etats membres de rapprocher les peuples européens et de promouvoir le développement économique par la création d’un marché commun. Au-delà, c’est un projet politique qui vise la garantie de la paix : l’interdépendance des Etats membres rendrait impossible leur désunion et a fortiori, la guerre. En 1992, la signature du Traité de Maastricht crée l’Union européenne. L’UE devient une association politique permettant à chaque Etat membre d’être représenté. En ce sens, il s’agit d’une étape essentielle, point névralgique de la démocratisation européenne. En effet, s’il est vrai que l’Europe s’est pendant longtemps construite dans l’indifférence de l’impératif démocratique, l’extension de ses compétences et la politisation de ses questions au prisme du Traité de Maastricht ont progressivement induit la montée en puissance du principe démocratique. La démocratie, conformément à l’article 21 du TUE, s’inscrit comme une composante à part entière de l’ADN de l’Union. Pourtant, aujourd’hui, certains dénoncent l’inatteignable idéal démocratique : mauvaise distribution des pouvoirs sur le plan institutionnel et procédural, manque de représentation et de représentativité, dictats de la Troïka, gouvernance apolitique et prégnante, Europe technocratique, opacité des processus de décision, gouvernance rendue trop complexe pour être accessible au profane, complexité du système organisationnel et des procédures décisionnelles. Tant d’occurrences qui délitent le lien démocratique. Au-delà, l’impossibilité de retrouver au cœur de la démocratie européenne les éléments fondamentaux de la démocratie étatique questionne. Les dissidences politiques se cristallisent. On constante une montée en puissance de l’Euroscepticisme, la poussée des idéologies extrémistes anti-européennes et une élévation du niveau d’abstention. Il s’agit de « jouer la carte du peuple sauveur de la démocratie contre la pieuvre européenne, fossoyeuse de la démocratie » pour citer Christian Mestre. Il existe donc un malaise sur l’Union alors même que, paradoxalement, elle se veut le grand rendez-vous de la démocratie renouvelée. Le thème de la démocratie de l’UE n’a donc jamais été aussi crucial, à la fois pour faire l’Europe, mais aussi pour éviter qu’elle se défasse. Aujourd’hui, la révision des traités est conditionnée par un souci d’approfondissement des mécanismes, valeurs et idéaux démocratiques européen :  renforcement des prérogatives du Parlement européen et de la démocratie participative via le Traité de Lisbonne, affirmation d’une Communauté de droit (CEE) puis d’une Union de droit promouvant les droits fondamentaux des citoyens de l’Union via la Cour de Justice, respect du triptyque d’intérêts via le principe d’équilibre institutionnel, sauvegarde duale et multiscalaire de la démocratie via les Etats membres et l’Union. On assiste à une réinvention des mécanismes démocratiques au prisme d’une structure supranationale sui generis.

Ainsi, le déficit démocratique européen est-il inexorable ou à nuancé ? L’expression démocratie européenne est-elle un oxymore ? Nous analyserons dans un premier temps le déficit démocratique en Europe (I) avant de mettre en exergue la nécessité de le relativiser (II).

  1. Le déficit démocratique en Europe

Les carences démocratiques de l’Union européenne se cristallisent au cœur de son système institutionnel (A) mais aussi, et au-delà, au cœur des contentieux opposants acteurs étatiques et supra-étatiques, eurosceptiques et europhiles (B).

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