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Dissertation : Le juge et le bouleversement de l’économie du contrat

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Par   •  27 Novembre 2015  •  Dissertation  •  2 079 Mots (9 Pages)  •  2 065 Vues

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Dissertation : Le juge et le bouleversement de l’économie du contrat

« Le contrat subit les meurtrissures du temps ». En écrivant cette phrase, J. Carbonnier exprimait l’idée selon laquelle l’écoulement du temps peut avoir des effets néfastes sur le contrat, particulièrement sur ses obligations.

        Le bouleversement de l’économie du contrat correspond aux transformations essentiellement économiques, monétaires, mais également politiques, sociales ou technologiques qui peuvent intervenir lors de l’exécution du contrat. Ce bouleversement, que consacre la théorie de l’imprévision, conduit à un déséquilibre significatif, au regard des obligations et prestations contractuelles, au détriment de l’une des parties. Cette théorie de l’imprévision concerne fondamentalement les contrats à exécution successive, notamment à long terme, même si les contrats instantanés n’y sont pas exclus. En cas de bouleversement dans l’économie du contrat, la partie au détriment de laquelle ce bouleversement portera préjudice entendra obtenir une modification du contrat initial. Dans le cadre d’un contrat à exécution successive, cette modification s’effectuera en principe pour l’avenir. Dans le cadre d’un contrat instantané, elle s’effectuera rétroactivement.

        Ce problème de l’imprévision fut confronté à la Cour de cassation dans le célèbre arrêt Canal de Capronne du 6 mars 1876. Les juges de cassation exprimèrent l’idée selon laquelle, sur le fondement de l’article 1134 du Code civil, il n’appartient pas aux juges, « quelque équitable que puisse leur paraitre leur décision, de prendre en considération le temps et les circonstances pour modifier les conventions des parties et substituer des clauses nouvelles à celles qu’elles ont librement acceptées ». Autrement dit, la Cour de cassation refuse de consacrer la théorie de l’imprévision. Cette théorie, commune au droit administratif, fut néanmoins consacrée par le Conseil d’Etat en 1916. La Cour de cassation reste cependant ferme, et refuse de voir modifier un contrat sous l’effigie de l’hypothèse d’imprévision qui n’est pas réductible à une situation de fait permettant de ne pas exécuter ou de rééquilibrer un contrat. Depuis cet arrêt célèbre, la doctrine émet de fortes critiques à ce sujet.

        En Europe, de nombreux pays adoptèrent la position inverse de la Cour de cassation, et ce dès le XIXème siècle. Cette position se fit soit par une évolution jurisprudentielle, comme par exemple en Grande-Bretagne, en Suisse, en Allemagne ou encore en Espagne, soit par une intervention du législateur, comme par exemple en Grèce, en Italie ou au Portugal. Dès lors, il semble que la position de la Cour de cassation française soit enclavée d’un point de vue européen.

        De sorte qu’il convient de se demander si, face au bouleversement économique, la force exécutoire du contrat est absolue ? L’enjeu de cette démonstration est de comprendre quelle est la place du juge au sein de ce bouleversement de l’économie du contrat.

        Le choix contesté du juge de cassation de ne pas intervenir dans la modification d’un contrat dont l’équilibre a été bouleversé (I) est contrebalancé par des réponses nuancées, dans lesquelles il va finalement jouer un rôle accessoire (II).

  1. Le non interventionnisme contesté du juge

Cette première partie consistera à étudier que la Cour de cassation procède, dans le cas d’un litige relatif à la théorie de l’imprévision, à une interprétation stricte de l’article 1134 alinéa 1er du Code civil (A), et que cette interprétation fait l’objet d’une vive opposition doctrinale (B).

  1. Une interprétation stricte de l’article 1134 alinéa 1er du Code civil

Depuis l’arrêt Canal de Capronne, le juge a fait le choix de ne pas s’immiscer dans la négociation ou la renégociation d’un contrat. Il a toujours refusé de le faire en cas de bouleversement de l’économie du contrat, et ce pour plusieurs raisons. Fondamentalement, il se refuse de le faire au regard de l’article 1134 alinéa 1er du Code civil qui dispose que « les conventions légalement formées tiennent lieu de lois à ceux qui les ont faites ». Cet article consacre ainsi la force exécutoire du contrat : le terme de loi est employé délibérément pour exprimer la puissance de cette force exécutoire. Le juge apporte ainsi un champ d’application général et absolu à cet article de loi. Ce n’est cependant pas l’unique raison de son non interventionnisme. En effet, le principe de l’autonomie de la volonté, mais également la notion de consentement justifient sa décision : les parties ont librement consenties à cet accord et le juge ne peut remettre en cause cette liberté.

Certains arguments juridiques soulignent cette interprétation stricte du juge pour ne pas consacrer la théorie de l’imprévision, et notamment ses conséquences. Quelles seront les effets de cette consécration ? Un contractant de mauvaise foi n’aurait plus aucun mal, par exemple, à se dérober de ses engagements contractuels en employant l’argument du bouleversement économique. Ou encore, le juge fait prévaloir la sécurité juridique : une réaction en chaine pourrait être envisagée, par une inexécution généralisée des contrats. Tous ces arguments mettent en avant la force exécutoire du contrat, qui est alors absolue face au bouleversement de son économie.

  1. La révolte doctrinale

Cette interprétation stricte de l’article 1134 alinéa 1er du Code civil est vivement contestée par la doctrine. Ce non interventionnisme du juge dans la modification du contrat en cas de bouleversement économique qui affirme absolue la force exécutoire du contrat est contrebalancée par des arguments qui ne manquent pas d’équivoque. Plusieurs éléments permettent en effet de remettre en cause ce non interventionnisme. Le premier d’entre eux concerne l’argument de bonne foi. En effet, n’est-ce pas méconnaitre la théorie générale de la bonne foi que d’exiger la stricte exécution d’un contrat lorsque les obligations et prestations contractuelles d’une partie sont rendues disproportionnées par rapport à l’autre ? N’est-ce pas faire preuve de mauvaise foi que d’exiger l’exécution d’un contrat lorsque le déséquilibre est si grand que les obligations d’une partie sont excessives et celles de l’autre dérisoires ? La doctrine ne semble pas accepter que le juge admette la ruine d’une des parties suite au bouleversement économique du contrat. D’autre part, le refus du juge de consacrer la théorie de l’imprévision au regard du consentement des parties est réfuté : le consentement est-il seulement subordonné à la situation de fait qui existe au jour de la conclusion du contrat ? Il semble que la pérennité du contrat réside dans un consentement initial exigé lors de la formation du contrat, mais également dans un consentement continu lors de son exécution.

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