Cour de cassation, deuxième chambre civile, 30 juin 2011
Commentaire d'arrêt : Cour de cassation, deuxième chambre civile, 30 juin 2011. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Annabelle Pentecoste • 19 Mars 2022 • Commentaire d'arrêt • 1 873 Mots (8 Pages) • 543 Vues
Droit de la Responsabilité Civile
Travaux Encadrés
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Cour de cassation, deuxième chambre civile, 30 juin 2011
Le 30 juin 2011, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation condamne dans un arrêt, un casino à remettre des dommages et intérêts à une joueuse interdite de casino, au motif que l’établissement n’a pas mis en place des mesures nécessaires pour lui interdire l’accès à l’établissement.
En l’espèce, une femme souffrant d’une addiction au jeu d’argent, a sollicité l’autorité administrative afin que sa participation au jeu soit interdite pour une durée de 5 ans à compter du 8 janvier 2001. Bien qu’une interdiction de jeux lui soit admise, cette dernière a continué à fréquenter les salles de jeu de la société du Casino de La Baule jusqu’en 2004. Pour cause, elle a assigné en justice la société du Casino de La Baule afin qu’elle soit condamnée à lui verser des dommages et intérêts sur le fondement de la responsabilité délictuelle.
La cour d’Appel de Rennes, dans un arrêt datant du 12 mai 2010 a fait droit à la demande de la requérante.
La société du Casino la Balle, autrement dit, le défendeur, a formé un pourvoi en cassation selon un moyen divisé en deux branches. D’une part, le défendeur estime que le contrat de jeu entre la requérante et lui-même reposait sur une clause illicite et que dès lors, la victime ne peut obtenir réparation de la perte de ses rémunérations si celles-ci sont illicites. D’autre part, il affirme que l’établissement n’est soumis à aucune prescription légale ou règlementaire l’obligeant à vérifier l’identité des personnes entrant dans ses salles de jeu. Ainsi, le défendeur reproche à la Cour d’Appel d’avoir violé l’article 1382 du Code civil.
Une société de Casino n’ayant pas mis en place de mesures de vérifications d’identité et laissant ainsi l’accès à un individu interdit de jeu peut-elle voir sa responsabilité délictuelle engagée et être condamné à verser des dommages et intérêts à la victime ?
La deuxième chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt en date du 30 juin 2011 répond par la positive et rejette le pourvoi. En effet, sa décision est motivée par le fait que la requérante n’avait aucunement demandé le règlement des sommes gagnées au jeu et que la société n’avait pas pris de mesures concrètes pour assurer l’exclusion de la requérante aux salles de jeu. Ainsi, la Cour de cassation estime que la cour d’Appel a jugé de bon droit et que la demande de la victime était légitime au regard du préjudice qu’elle a subi émanant de l’abstention fautive de la société.
La Cour de cassation, en estimant l’abstention illicite et la réparation licite (I), délivre une décision presque exemplaire (II).
I. L’illicéité de l’abstention de la société justifiant la licéité de la réparation
La Cour de cassation souligne la mauvaise interprétation de la société à l’égard des dommages et intérêts sollicité par la requérante (A) et motive sa décision sur l’absence de dispositions concrètes interdisant l’accès du Casino à la victime, interdite de jeu (B).
A) La mauvaise interprétation de la société quant à l’assignation en dommages et intérêts
La société du Casino de La Baule, évoque « la réparation de la perte de ses rémunérations » dans la première branche de son moyen. Cependant, l’assignation en dommages et intérêts de la requérante ne concerne pas le règlement des sommes gagnées au jeu ou le remboursement des sommes perdues. La Cour de cassation, dans sa solution et précisément dans les motifs qu’elle évoque, souligne le fait que « Mme X… ne demande pas le règlement de sommes gagnées au jeu ». D’ailleurs, si tel était le cas, la requérante se serait vu refuser le règlement des sommes gagnées conformément à une jurisprudence précédente ayant refusé la remise des gains à un joueur étant soumis à une interdiction de jeu (Cour de cassation, deuxième chambre civile, 22 février 2007).
De plus, la société du Casino de La Baule affirme dans la première branche de son moyen également, que le contrat de jeu entre le casino et la requérante reposait sur une cause illicite étant donné que cette dernière était interdite au jeu. En effet, ce qui a vocation à être réparé par la mise en œuvre de la responsabilité délictuelle doit être lié à une activité qui est licite, autrement dit une activité non prohibée mais comme indiqué précédemment la requérante ne demande par la réparation de la perte des rémunérations, elle estime simplement que le Casino a fait preuve de négligence à son égard. La Cour de cassation juge que l’intérêt de protéger une personne contre son addiction est lui, en effet, licite, de ce fait, la requérante est en mesure d’engager sa responsabilité délictuelle de la société et d’obtenir des dommages et intérêts. Par conséquent, étant donné l’incompréhension de la part de la société quant à l’assignation en dommages et intérêts émise par la demanderesse, l’argument en tête du défendeur est infondé. Les juges de la Cour de cassation corrigeront ce malentendu et retiendront comme motivation l’absence de mesures concrètes qui, si elles avaient existé, auraient dû interdire l’accès à la victime interdite de jeu.
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