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COMMENTAIRE D’ARRÊT : COUR DE CASSATION, 1ÈRE CHAMBRE CIVILE, 27 JUIN 2018

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Par   •  9 Avril 2019  •  Étude de cas  •  2 842 Mots (12 Pages)  •  2 312 Vues

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COMMENTAIRE D’ARRÊT : COUR DE CASSATION, 1ÈRE CHAMBRE CIVILE, 27 JUIN 2018

Le 27 juin 2018 la première chambre civile de la Cour de cassation a eu à se prononcer sur la détermination du caractère défectueux d’un produit dans la responsabilité du fait d’un produit défectueux.

Un incendie a détruit le local donné à bail par les propriétaires à la société Carri Nostri. La société a obtenu en référé la désignation d’un expert aux fins de déterminer les causes du sinistre et d’évaluer les préjudices. Elle a ensuite assigné la société Johnson, producteur du coffret de commande et de régulation de chambres froides installé dans le local et la société Matequip, vendeur et installateur de ce coffret, ainsi que son assureur, et les propriétaires, en responsabilité et indemnisation sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux.

L’arrêt ne renseigne pas sur la procédure en première instance. La Cour d’appel a désigné comme responsable des préjudices subis par la société Carri Nostri et les propriétaires la société Johnson. Elle effectue alors un pourvoi en cassation.

La simple imputabilité du dommage au produit incriminé suffit-elle pour déclarer le produit défectueux ?

La Cour de cassation répond par la négative en estimant que « la simple imputabilité du dommage au produit incriminé ne suffit pas à établir son défaut ni le lien de causalité entre ce défaut et le dommage ».

L’arrêt est une confirmation de la manière dont le juge doit apprécier le caractère défectueux du produit (I). Cette appréciation mène en l’espèce aux victimes au problème de la preuve du défaut qui va leur être défavorable (II).

  1. La confirmation de l’appréciation du caractère défectueux d’un produit

L’arrêt applique dans un premier temps l’article 1245-3 du Code civil de manière pure et simple (A), mais il vient aussi confirmer que l’imputabilité seule du dommage au produit ne suffit pour caractériser le défaut du produit (B).

  1. L’application de l’article 1245-3 du Code civil

La responsabilité du fait des produits défectueux est issue de la directive européenne du 25 juillet 1985. Sa transposition conforme à la directive en France a été sinueux menant à une condamnation de la France en 2002 et à de nombreuses lois pour affiner la transposition de la manière dont la directive le souhaitait. Aujourd'hui, la directive est parfaitement transposée dans le droit français et l’application de la responsabilité du fait des produits défectueux s’applique quotidiennement. Les articles 1245 et suivants répondent de manière exhaustive aux questions d’appréciation de cette responsabilité que les auteurs et juges ont pu se poser. En l’espèce le point d’appréciation qui intéresse l’étude de l’arrêt est celui de de l’appréciation du caractère défectueux du produit dans la responsabilité du fait des produits défectueux. Il parait évident que cette question de la défectuosité et de la manière dont la définir et l’apprécier est essentielle, voire primordiale, dans l’application de ce régime de responsabilité car le défaut est le centre de cette matière. La jurisprudence n’a pas eu à répondre à la question de savoir qu’est-ce qu’entend la directive par le terme « défaut » car elle avait déjà appréhendé cette question qui apparait importante dans ce régime. Ainsi, l’article 1386-4 ancien, 1245-3 nouveau, répond à cette question de la définition du défaut du produit. Selon l’article est défectueux un produit qui n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre. Afin d’apprécier cette sécurité il faut voir comme l’alinéa 2 de ce même article tient compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, l’usage qu’il peut en être raisonnablement attendu. Donc la défectuosité du produit est composée de deux éléments. Premièrement, le défaut du produit peut s’entendre en un défaut en tant que tel, on parle d’un défaut intrinsèque du produit. La défectuosité suppose alors la démonstration de la dangerosité excessive ou anormale du produit. Pour l’apprécier cette composante les juges se référent plus ou moins explicitement à un rapport bénéfice-risque. Deuxièmement, le défaut du produit peut s’entendre par rapport à l’information insuffisante des destinataires du produit, c’est le défaut extrinsèque du produit. Cette approche à laquelle l’alinéa 2 fait référence consiste à déduire d’une absence de mention informative sur les risques du produit l’existence d’un défaut. Toutes les fois où les producteurs attirent l’attention sur les risques ils relativisent la « sécurité » à laquelle on peut légitimement s’attendre.

L’arrêt fait directement application de cet article 1245-3 du Code civil. D’entrée de jeu la Cour de cassation y fait référence en citant « qu’un produit est défectueux lorsqu’il n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre ». Ainsi, les juges de la Cour de cassation vont aller chercher si la Cour d’appel a bien justifié en quoi la sécurité du produit en l’espèce, un coffret de commande et de régulation de chambres froides, n’était pas suffisante pour caractériser le défaut du produit. La Cour d’appel a déclaré la société fabricante du produit dont il est question en l’espèce responsable des préjudices subis par le demandeur et les propriétaires. En effet, elle se base sur le constat de l’expert qui a situé le départ du feu au niveau du coffret de commande et de régulation, selon lui « l'origine de l'incendie peut se trouver soit sur une borne intrinsèque au câblage intérieur du coffret réalisé par la société Johnson, soit sur une borne de raccordement de service ou d'alimentation mise en œuvre par la société Matequip, l'échauffement dû au desserrage structurel ou accidentel de bornes de raccordement ayant provoqué le départ du feu ». Ainsi, l’expert en « déduit que le coffret est à l'origine de l'incendie, même s'il n'est pas possible de dire si c'est en lien avec un défaut d'origine de l'appareil ou avec l'intervention de l'installateur ». La Cour d’appel se base donc sur un constat d’expertise qui impute le dommage au produit mais qui ne peut trouver l’exact pièce qui a causé le dommage et qui serait défectueuse. Il est établi que le coffret de commande est la cause du dommage mais cela ne prouve pas le dommage. C’est comme cela qu’à travailler la Cour de cassation.

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