Conseil d’Etat, 8 octobre 2010, Ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’Etat, nos 334160 et 334161
Commentaire d'arrêt : Conseil d’Etat, 8 octobre 2010, Ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’Etat, nos 334160 et 334161. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar leoifer • 20 Mars 2022 • Commentaire d'arrêt • 2 427 Mots (10 Pages) • 454 Vues
Commentaire :
Conseil d’Etat, 8 octobre 2010, Ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’Etat, nos 334160 et 334161
Sacha Guitry définissait le mariage comme le fait de « résoudre à deux les problèmes qu’on n’aurait pas eus tout seul » : cette citation résume assez bien les obligations incombant aux époux en matière fiscale, et plus précisément en matière de recouvrement de l’impôt.
En effet, le mariage implique une responsabilité solidaire entre époux. Cela signifie qu’en cas de défaillance dans le remboursement, un créancier peut assigner n’importe lequel des époux en paiement de la dette ménagère, et ce même si elle a été contractée au cours de l’union par un seul des conjoints. Ce régime de responsabilité solidaire en matière fiscale a donc naturellement fait l’objet de nombreux contentieux, à l’image de celui présenté devant le Conseil d’Etat et à l’origine de l’arrêt « Ministre du budget » en date d’octobre 2010 (CE, 8 oct. 2010, Ministre du budget, nos 334160 et 334161).
Dans cette affaire, une femme s’est vu assignée au paiement de diverses impositions en vertu de sa responsabilité solidaire en matière fiscale à laquelle elle était a priori soumise lorsqu’elle était encore mariée à son ex-époux. Elle a alors formulé une demande devant le receveur général des finances de Paris tendant à la décharge de sa responsabilité solidaire de payer la somme mise à sa charge et à celle de son ex-conjoint, mais s’est vu confrontée à un refus. Elle a alors saisi le tribunal administratif de Paris qui a annulé cette décision pour excès de pouvoir.
Le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’Etat (ci-après « ministre ») s’est alors pourvu en cassation contre ce jugement en demandant au Conseil d’Etat si la décision du tribunal administratif de Paris, en ce qu’elle annule le refus formulé par le receveur général des finances de Paris de faire droit à la demande tendant à la décharge de la responsabilité solidaire de l’ex-épouse en matière fiscale, était fondée. Parallèlement, il demande aux juges de prononcer le sursis à exécution du jugement rendu en première instance (les requêtes devant les juridictions administratives n’ayant en principe point d’effet suspensif). C’est d’ailleurs précisément pour cela que sont enjoints à cet arrêt deux numéros de recours différents : l’un pour la première question et l’autre pour la demande de sursis à exécution.
A cette première question, le Conseil d’Etat répond par la négative. Il considère en effet que le tribunal administratif de Paris a commis diverses erreurs, fondant dès lors la demande d’annulation formulée par le ministre, et va ensuite régler l’affaire au fond en application des dispositions de l’article L.821-2 du code de justice administrative. C’est précisément pour cela qu’il décidera qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le second recours formulé par le ministre (tendant au sursis à exécution du jugement rendu en première instance).
Ainsi, en statuant de la sorte, le Conseil d’Etat répond à la question de savoir comment s’appliquent et se limitent les exceptions au principe de responsabilité solidaire entre époux en matière fiscale. Effectivement, le Conseil d’Etat explique d’une part que ces exceptions s’appliquent de telle sorte que la décision du tribunal administratif de Paris, en ce qu’elle annule le refus du receveur général des finances de Paris, est irrégulière (I), et d’autre part qu’elles se limitent tant et si bien que la demande d’exonération formulée par l’ex-épouse ne saurait être fondée (II).
I – Le règlement du litige en droit : une demande d’annulation fondée
Le Conseil d’Etat va dans un premier temps régler le litige en droit et expliquer que les exceptions au principe de responsabilité solidaire entre époux en matière fiscale s’appliquent de telle manière que la demande d’annulation formulée par le ministre est fondée. En effet, après avoir effectué un bref rappel du régime du principe de responsabilité solidaire (A), le Conseil d’Etat va faire état de l’erreur de droit commise par le tribunal administratif, ainsi que de son incompétence pour rendre une telle décision (B).
A – Le régime de la responsabilité solidaire entre époux en matière fiscale
Avant toute chose, le Conseil d’Etat va prendre le temps de rappeler le principe de responsabilité solidaire entre époux en matière fiscale et évoquer les exceptions s’y rattachant. Il mentionne effectivement qu’en vertu de l’article 1685 du code général des impôts dans sa rédaction encore en vigueur (ayant été abrogé en décembre 2007) : « Chacun des époux, lorsqu’ils vivent sous le même toit, est solidairement responsable des impositions assises au nom de son conjoint, au titre de la taxe d’habitation (…) [ ; qu’il est] tenu solidairement au paiement de l’impôt sur le revenu (…)[ ; et qu’il] en est de même en ce qui concerne le versement des acomptes prévus par l’article 1664 » (cons. 2). Autrement dit, cela signifie concrètement qu’en cas de défaillance dans le remboursement, le créancier peut assigner n’importe lequel des conjoints en paiement de la dette ménagère, et ce d’ailleurs même si celle-ci a été contractée au cours de l’union par un seul des époux.
Néanmoins, le Conseil d’Etat rappelle à juste titre que ce principe est assortie de diverses exceptions. En effet, ce même article disposait que « Chacun des époux peut demander à être déchargé de cette obligation » (cons. 2). C’est en vertu de l’article L.247 du livre des procédures fiscales qu’un époux peut voir sa responsabilité solidaire en matière fiscale écartée « [lorsqu’il] est dans l’impossibilité de payer par suite de gêne ou d’indigence » et lorsqu’une demande gracieuse est présentée au trésorier-payeur général dont dépend le lieu d’imposition (cons. 2). Autrement dit, peuvent bénéficier de ces exceptions tous ceux qui se trouvent dans l’impossibilité d’honorer leurs dettes à l’égard du Trésor public du fait d’une situation embarrassante due au manque d’argent (état de gêne) ou alors d’un dénuement, d’une détresse, d’une misère ou d’une pauvreté (état d’indigence), et qui en formule une demande gracieuse.
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