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Commentaire d'arrêt : CE Ass. 21 mars 2016, Société Fairvesta International GMBH et autres

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Par   •  13 Mars 2021  •  Commentaire d'arrêt  •  2 463 Mots (10 Pages)  •  2 425 Vues

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TD de droit administratif

Commentaire d’arrêt

CE Ass. 21 mars 2016, Société Fairvesta International GMBH et autres

        La loi du 20 janvier 2017 est venue poser un cadre général constituant le statut des autorités administratives indépendantes, qui avaient vu leur nombre s’accroître significativement au cours des années précédentes. Elle fait suite à un certain nombre d’arrêts qui, par leur innovation, ont fait ressortir la complexité de traitement des recours contre les actes administratifs unilatéraux que ces autorités produisent.

Le 21 mars 2016, le Conseil d’Etat réuni en assemblée a rendu un arrêt « Société Fairvesta International GMBH » (« Fairvesta ») portant sur la question des recours contre les actes de droit souple des autorités de régulation.

        La Société Fairvesta, domiciliée en Allemagne, proposait des produits de placements immobiliers à des investisseurs français. Le 21 juillet 2011, l’Autorité des marchés financiers (AMF) a publié, sur son site internet, des mises en garde vis-à-vis de la société Fairvesta sous la forme d’un communiqué. Le 17 juillet 2012, l’AMF a publié un nouveau communiqué, dans les mêmes conditions et toujours faisant office de mise en garde contre les agissements de la société Fairvesta, quoiqu’en ajoutant des précisions sur certaines obligations émises par la société et ayant fait l’objet de visas délivrés par l’autorité de régulation du Liechtenstein. Le 5 novembre 2012, l’AMF a publié un troisième communiqué de mise en garde au sujet, cette fois-ci, du site internet de la société Fairvesta.

        

A la suite de ces communiqués, l’AMF a reçu, le 16 janvier 2013, un courrier de la société Fairvesta demandant l’indemnisation du préjudice qu’elle estimait avoir subi et la publication d’un communiqué rectificatif. Par un courrier du 13 février 2013, l’AMF a refusé de faire droit à la demande de la société Fairvesta, et a confirmé sa position dans un troisième courrier du 12 avril 2013, à la suite d’une nouvelle demande de la société. Suite à la décision du Tribunal des conflits, qui a rejeté la demande de la société Fairvesta au motif que les recours portés contre les communiqués litigieux relevaient de la compétence de la juridiction administrative, la société a formé un recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d’Etat afin d’obtenir l’annulation des trois communiqués de l’AMF, celle des décisions ayant refusé de les rectifier, ainsi que la condamnation de l’AMF à lui verser 15 millions d’euros de dommages et intérêts au titre du préjudice financier et de l’atteinte à son image subis.

Des communiqués publiés par l’Autorité des marchés financiers peuvent-ils constituer des actes administratifs susceptibles de recours pour excès de pouvoir ?

        Le Conseil d’état a rejeté la demande de la société Fairvesta, mais a, par son arrêt du 21 mars 2016, rejeté la fin de non-recevoir opposée par l’AMF et ainsi redéfini l’acte administratif unilatéral en admettant que, d’une part, « les avis, recommandations, mises en garde et prises de position adoptés par les autorités de régulation dans l’exercice des missions dont elles sont investies, peuvent être déférés au juge de l'excès de pouvoir lorsqu'ils revêtent le caractère de dispositions générales et impératives ou lorsqu’ils énoncent des prescriptions individuelles dont ces autorités pourraient ultérieurement censurer la méconnaissance » et, d’autre part, que les actes cités « peuvent également faire l'objet d'un tel recours, introduit par un requérant justifiant d’un intérêt direct et certain à leur annulation, lorsqu'ils sont de nature à produire des effets notables, notamment de nature économique, ou ont pour objet d’influer de manière significative sur les comportements des personnes auxquelles ils s’adressent ».

        Par sa décision, le Conseil d’Etat a admis la possibilité de recours contre les actes administratifs unilatéraux, soulignant ainsi la nature paradoxale du droit souple (I). Il a cependant posé des conditions à la recevabilité des recours contre ces actes, conditions strictement définies et encadrées (II).

I – Les recours contre les actes administratif unilatéraux admis par le Conseil d’Etat

        Le terme de « droit souple » est central à la problématique des recours contre les actes administratifs émis par les autorités administratives indépendantes. Cependant, il faut souligner le paradoxe que ce terme contient, « souple » n’étant pas censé être un caractère du droit français (A). Ce droit a, malgré tout, vu son importance consacrée par plusieurs décisions du Conseil d’Etat, qui ont progressivement mis en lumière une vision novatrice de la matière (B).

  1. Le droit souple, un paradoxe du droit français consacré

Le terme « droit souple » désigne un droit proposé, recommandé, conseillé. Il est, par cet aspect, situé aux antipodes du droit français « normal », qui lui se distingue par son caractère obligatoire et contraignant. Rappelons ainsi que la règle de droit, en droit français du moins, se doit d’être générale, abstraite et coercitive.

Dans le présent arrêt, la société Fairvesta forme un recours pour excès de pouvoir contre l’AMF, une autorité administrative indépendante qui a publié des communiqués à son sujet. Les communiqués constituent des actes de droit souple, puisqu’ils ne produisent aucune obligation, n’ont pas de caractère coercitif. Les destinataires de ces communiqués ne sont en rien tenus d’y obéir, ils agissent comme notes informatives, comme mises en garde.

Les actes de droit souple présentent une double utilité pour l’administration. Tout d’abord, ils sont simples à mettre en place, puisque généralement exemptés du formalisme que l’on retrouve dans les normes juridiques de droit « dur ». Ensuite, en termes d’efficacité, un acte de droit souple peut être aussi contraignant qu’une règle de droit, puisqu’il peut influencer grandement ses destinataires. Dans le cadre de l’arrêt, on peut ainsi constater que de simples communiqués de l’AMF ont eu pour conséquence « une diminution brutale des souscriptions des produits de placement qu'elle [la société Fairvesta] commercialisait en France ». Cette influence négative des communiqués a constitué l’essence du recours de la société Fairvesta, puisque lui causant un préjudice financier, et portant atteinte à son image.

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