Commentaire arrêt 31 mars 2015 "Moulin Rouge"
Commentaire d'arrêt : Commentaire arrêt 31 mars 2015 "Moulin Rouge". Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Cloporte17 • 20 Novembre 2017 • Commentaire d'arrêt • 2 731 Mots (11 Pages) • 3 473 Vues
Dans le contexte grandissant du numérique et des réseaux sociaux, l’image devient de moins en moins appropriable. Il n’en reste pas moins que la reproduction de l’image d’un bien peut causer des préjudices à son propriétaire. C’est dans l’application de cette notion de reproduction de l’image d’un bien et du trouble qu’il peut engendrer que la Cour de cassation a rendu un arrêt de rejet le 31 mars 2015. En l’espèce, la société Les éditions artistiques du Tertre, défendeur au procès, a commercialisé l’image de la façade du Moulin rouge et la marque « Moulin Rouge » sur ses produits.
Ainsi, la société Moulin rouge, demandeur au procès, l’a assigné de par son titre de propriétaire du Moulin rouge et donc propriétaire de son image. Ayant été déboutée, les requérants ont interjeté appel devant le tribunal de Paris le 17 mai 2013.
Mais, ce dernier l’a également débouté de sa demande notamment au motif que n’était pas caractérisé un trouble anormal de la propriété. Les requérants ont donc formé un pourvoi devant la chambre commerciale de la Cour de cassation, qui a rejeté leur pourvoi.
Les demandeurs au pourvoi demandaient pourtant une simple application de leur droit de propriété sur l’image de leur bien au visa de l’article 544 du Code civil et au motif que le fait de reproduire l’image du bien, en plus d’induire une contrefaçon de marque et une concurrence déloyale, provoque surtout un trouble anormal puisque cette commercialisation avilissait l’image du bien. Mais dans l’esprit des défendeurs n’était pas reproduit l’image d’un bien propriété d’une société mais bien d’un monument touristique, comme ceux-ci reproduisent d’autres monuments de Paris. Ainsi un propriétaire d’un monument touristique pourrait-il se voir constituer un préjudice et donc un trouble anormal à son droit de propriété du fait de la reproduction de l’image de son bien?
La Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par les requérants le 31 mars 2015 au motif qu’ « en relevant qu’aucun préjudice n’était résulté de la reproduction du Moulin rouge parmi les principaux monuments et lieux touristiques de Paris, la cour d’appel a fait ressortir que n’était pas caractérisé un trouble anormal au droit de propriété de la société Bal du Moulin rouge ». Par cette solution qui n’est autre qu’une suite d’évolution de la jurisprudence, la Cour de cassation confirme la notion de non exclusivité du droit de propriété sur l’image d’un bien, tout en étudiant le seul cas d’ouverture possible pour le propriétaire d’un bien revendiquant un préjudice dû à la reproduction de l’image de son bien qui est le trouble anormal. Ainsi la Cour de cassation confirme la nécessité d’un préjudice dans la revendication de son droit de propriété sur l’image de son bien de par la caractérisation du trouble anormal causant le préjudice (I), cependant cette possibilité de revendiquer son droit de propriété sur l’image de son bien se heurte à des limites (II).
I/ La nécessité d’un préjudice confirmée
La jurisprudence en matière de droit de la propriété quant à l’image de son bien a été florissante et n’a pas cessé d’évoluer aboutissant à la conclusion qu’un préjudice devait résulter de la reproduction de l’image d’un bien d’un propriétaire (A). Ce préjudice ne peut être mis en évidence qu’au regard d’un trouble anormal qui pose quelques questions quant à sa caractérisation (B).
- La naissance du préjudice comme condition sine qua non
Ainsi lorsque la Cour de cassation vient justifier sa solution par le fait « qu’aucun préjudice n’était résulté de la reproduction du Moulin rouge », on comprend qu’elle s’inscrit dans une lignée qui veut que le préjudice ait une place importante dans l’application du droit de propriété sur l’image d’un bien. Pour autant, cette solution aurait pu être différente puisque le préjudice n’a pas toujours été une nécessité pour faire valoir son droit de propriété quant à l’image d’un bien. En effet, la première chambre civile de la Cour de cassation avait rendu le 10 mars 1999 un arrêt qui allait dans le sens inverse de celui du 31 mars 2015. Dans cet arrêt la Cour de cassation a cassé l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Caen au visa de l’article 544 du Code civil qui dispose que « la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ». Cet arrêt promeut donc la propriété absolue, c’est-à-dire exclusive sur l’image du bien. Ainsi aucun préjudice n’était nécessaire, il ne fallait pas prouver un préjudice mais seulement une atteinte au droit de propriété, ce qui est plus simple à prouver. Cette décision a créé des débats puisqu’elle permettait aux propriétaires d’abuser de leur droit quant à l’image de leur bien, on comprend alors pourquoi la décision du 31 mars 2015 ne promeut pas ce principe. En outre la décision du 31 mars 2015 vient s’aligner sur le revirement de jurisprudence du 7 mai 2004 date à laquelle l’Assemblée plénière a donc rendu un arrêt précisant le régime de propriété applicable sur l’image d’un bien, cet arrêt précise alors « que le propriétaire d’une chose ne dispose pas d’un droit exclusif sur l’image de celle-ci ; qu’il peut toutefois s’opposer à l’utilisation de cette image par un tiers lorsqu’elle lui cause un trouble anormal ». La Cour de cassation vient donc raccourcir l’étendue du droit de propriété sur l’image d’un bien tout en laissant la possibilité d’un recours si un trouble anormal est causé. Elle affirme donc ici la nécessité d’un préjudice, tout comme l’arrêt du 31 mars 2015, ce qui parait logique afin d’éviter tout abus du droit de propriété. Cependant cette solution ne définit pas expressément ce qu’est le trouble anormal causant le préjudice, ainsi la décision du 7 mai 2004 a-t-elle laissé ouvert le champ des possibles quant à la caractérisation de ce trouble anormal.
- Les caractéristiques du trouble anormal causant le préjudice
La porte ouvrant la possibilité aux juges de définir ce qu’est le trouble anormal permettant exclusivement de revendiquer son droit de propriété sur l’image d’un bien a été ouvert plusieurs fois. Des jurisprudences postérieures vont préciser le champ d’application du trouble anormal. C’est le cas par exemple de l'arrêt de 5 juillet 2005 rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation. Dans cet arrêt, la Cour de cassation pour rejeter le pourvoi formé vient affirmer que les requérants « ne versaient pas aux débats le moindre élément propre à établir que la reproduction litigieuse perturbait leur tranquillité et intimité ». Ainsi le caractère de trouble à la vie privée peut être vu comme un caractère du trouble anormal et permettant donc aux requérants d’affirmer leur préjudice de par ce trouble. De même, l’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation du 28 juin 2012 se fondait sur une concurrence déloyale liée à l'utilisation de l'image pour caractériser le trouble et donc admettre un préjudice. Ces deux arrêts afin de caractériser le trouble anormal reprennent donc la jurisprudence du 7 mai 2004 en affirmant que le propriétaire d’une chose peut donc opposer son droit de propriété sur l’image du bien si celle-ci lui cause un trouble anormal. L’arrêt du 31 mars 2015 reste sur la même lignée en disant que « la cour d’appel a fait ressortir que n’était pas caractérisé un trouble anormal au droit de propriété ». Cependant une divergence est à remarquer. En l’espèce le trouble anormal se caractérise par rapport au droit de propriété. Or, dans les arrêts antérieurs ce trouble anormal se caractérisait par rapport au propriétaire en général, ce qui n’inclus par le même champ d’action qui est plus restreint en l’espèce qu’il ne l’était auparavant. Ainsi pourrait-on se demander si le droit au respect de la vie privée pourrait intervenir dans ce cas, alors même qu’il a été affirmé comme un trouble anormal si ce droit n’était pas respecté. On peut croire néanmoins que la décision contient seulement une erreur au regard de son inscription, hormis cela, dans la jurisprudence antérieure.
De plus, tout comme l’arrêt de 2005 et celui de 2012, l’arrêt du 31 mars 2015 vient définir le trouble anormal en le caractérisant. En effet la Cour de cassation part bien sur l’appréciation qu’ont les juges du fond du trouble anormal en l’espèce puisqu’elle précise bien dans sa solution que « la cour d’appel a fait ressortir que n’était pas caractérisé un trouble anormal ». Elle a donc retenu comme légitime l’appréciation des juges du fond quant à l’étude des caractéristiques du trouble anormal. La Cour d’appel a donc relevé souverainement que le trouble anormal dû à un risque de confusion puisque bien qu’il soit un monument touristiques, le bien se positionnait parmi d’autres monuments historiques lors de la commercialisation, ni encore le trouble dû à un acte contraire à l’exercice loyal du commerce puisque l’action commerciale du défendeur ne concurrence pas excessivement celle du Moulin rouge de par le fait qu’elle soit menée parmi d’autres monuments touristiques, le défendeur ne cherchait pas à s’approprier le même marché économique que le Moulin rouge car plusieurs monuments et lieux sont vendus sur ses produits, ni le trouble dû au profit indument tiré des investissements du Moulin rouge puisqu’un acte de commerce ne suffit pas pour être un trouble anormal. Ainsi aucun trouble anormal ne pouvait être caractérisé et donc aucun préjudice n’a été subi justifiant un dédommagement selon la Cour d’appel. La Cour de cassation confirme donc cet argumentaire en promouvant l’appréciation souveraine des juges du fond.
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