Civ.1ère, 17 juin 2010, N°09-67011
Commentaire d'arrêt : Civ.1ère, 17 juin 2010, N°09-67011. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Mathilde Ninus • 6 Octobre 2021 • Commentaire d'arrêt • 2 280 Mots (10 Pages) • 1 030 Vues
COMMENTAIRE D’ARRET : Civ.1ère, 17 juin 2010, N°09-67011.
Chaque demande en réparation nécessite l’existence d’un lien de causalité entre le fait générateur et le dommage subi.
Cependant, aucune définition précise n’est donnée dans le Code Civil. Son exigence résulte donc implicitement des articles 1240 et suivants du Code civil, qui visent « la cause ». De même, le projet de réforme de 2017 ainsi que la proposition de loi de juillet 2020 ne définissent pas clairement le lien de causalité mais pose concrètement son exigence comme conditions de la responsabilité.
L’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation du 17 juin 2010, est relatif exigence d’un lien de causalité et à la charge de la preuve, en cas d’une infection nosocomiale.
En l’espèce, un patient décède d’une infection nosocomiale après avoir reçu des soins et subi des examens dans six établissements de santé différents.
La famille de la victime assigne alors deux de ces six établissements en justice.
Par un arrêt en date du 4 mars 2009, la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence déboute ainsi la famille de la victime aux motifs qu’ils ne rapportaient pas la preuve du lieu de contamination à l’origine de l’infection. Elle se fixe sur le rapport d’expertise et estime qu’il est impossible de prouver l’auteur exact des faits lors d’une infection nosocomiale.
Un pourvoi en cassation est alors formé.
A qui incombe la charge de la preuve du lien de causalité d’un dommage corporel à la suite d’une infection nosocomiale, et ce, lorsque plusieurs établissements sont concernés ?
Dans un arrêt du 17 juin 2010, la première chambre civile de la Cour de cassation casse et annule la décision rendue par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence en date du 4 mars 2009, en inversant la charge de la preuve. La Cour de cassation statue aux visa des articles 1315 et 1147 du Code civil, en rappelant « que lorsque la preuve d’une infection nosocomiale est apportée mais que celle-ci est susceptible d’avoir été contractée dans plusieurs établissements de santé, il appartient à chacun de ceux dont la responsabilité est recherchée d’établir qu’il n’est pas à l’origine de cette infection. » En effet, elle estime que dans une telle situation, la charge de la preuve revient aux établissements de santé eux-mêmes et non aux membres de la victime décédée. La Cour de cassation inverse alors la charge de la preuve.
Dans l’arrêt rendu en date du 17 juin 2010, la cour de cassation fait valoir une présomption du lien de causalité en faveur aux ayants droit (I), ce qui va alors engendrer l’inversement de la charge de la preuve. (II)
I – Une présomption de causalité favorable à un inversement de la charge de la preuve
La présomption de causalité en présence permet l’inversement de la charge de la preuve par la théorie de la causalité alternative (A), et par conséquent, une obligation in solidum peut être alors demander. (B)
A – La présomption de causalité par la théorie de la causalité alternative
Il existe, en matière médicale, et notamment en matière d’infection nosocomiale, certaines présomptions de causalité qui tendent à inverser la charge de la preuve. En effet, c'est au défendeur d'établir cette absence de lien de causalité entre le fait générateur invoqué et le dommage pour alors, échapper à l'obligation de réparer ce dernier.
L'article L. 1142-1, alinéa 2 du code de la santé publique, issu de la loi du 4 mars 2002, dispose que les établissements de santé « sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère ». En effet, lorsque la preuve d'une infection nosocomiale est rapportée, en l’espèce, par la famille de la victime, mais que celle-ci est susceptible d'avoir été contractée dans plusieurs établissements de santé, comme dans l’arrêt commenté où six établissements, peuvent être à l’origine du dommage, la jurisprudence opte pour la théorie de la causalité alternative.
La théorie de causalité alternative correspond « à une généralisation du problème classique de la faute d'un membre inconnu dans un groupe déterminé ou du rôle dommageable d'une chose indéterminée parmi une pluralité d'objets semblables. » C’est-à-dire que chaque établissement de santé concerné par la visite du patient décédé sont probablement tous considérés in solidum comme auteurs du dommage dit collectif.
La Cour de cassation avait eu recours à cette théorie de la causalité alternative lors de l’affaire du Distilbène.
Ainsi, cette solution a permis de retenir la responsabilité commune des différents laboratoires ayant fabriqué la molécule, et ce, même si un doute demeure sur le médicament précisément ingéré par la mère de la victime. Cela a alors réduit la part de responsabilité du laboratoire du fait de prédispositions de la victime et a engendré une certaine « répartition » du préjudice puisqu’aucun laboratoire a été considéré comme seul auteur mais, tous ont été considérés comme tel. Cette théorie a finalement été reprise dans l’arrêt du 17 juin 2010. Elle a donc été élargie au sujet de l’infection nosocomiale, et est appliquée lorsqu’un doute apparait sur les établissements fréquentés pour déterminer le lieu exact de la contraction de cette infection. En l’espèce, un doute apparait réellement sur la preuve du réel auteur du dommage.
Cette théorie de causalité alternative renvoie au fait que chaque établissement de santé sera considéré comme coupable pour tout le dommage causé, soit in solidum, et ce, au titre de solidarité.
B – Une obligation in solidum des établissements de santé
La théorie de la causalité alternative dépend d’une obligation dite in solidum de chacun des potentiels responsabilités.
Cette obligation in solidum correspond au fait que « l’on oblige plusieurs personnes, reconnues coupables pour un même point, de régler de façon solidaire l’ensemble des dettes ou des préjudices. » Dans le cas de l’arrêt commenté, on va obliger les établissements de santé, à réparer au titre de la solidarité nationale, le préjudice causé par l’infection nosocomiale du patient. Débouter la demande de préjudice aux motifs qu’aucun lien de causalité entre aucun des établissements et la victime n’a pu être prouvé n’aurait aucun sens. On peut alors qualifier ce dommage comme collectif même si celui-ci n’a pas été commis « en réunion » ni volontaire, cependant, plusieurs auteurs peuvent être potentiellement coupables.
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