Chambre commerciale, financière et économique de la Cour de Cassation arrêt 22 mars 2016
Commentaire d'arrêt : Chambre commerciale, financière et économique de la Cour de Cassation arrêt 22 mars 2016. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar ifdk59 • 26 Février 2018 • Commentaire d'arrêt • 2 077 Mots (9 Pages) • 2 385 Vues
La chambre commerciale, financière et économique de la Cour de Cassation a rendu un arrêt le 22 mars 2016 venant préciser le principe de prescription de l’action en nullité de cession d’actions pour vil prix.
Trois associés fondateurs d'une société ont souhaité obtenir la participation d'un tiers à leur projet de développement. Par le biais d'un accord-cadre, ces derniers ce sont engagés à lui céder une partie du capital de leur société. Quelques temps plus tard, une convention de cession de parts de société fut conclue entre les associés et ce tiers.
Cependant les cédants ont assignés le cessionnaire en nullité de cession de parts pour indétermination du prix et, à défaut, pour vileté du prix ainsi qu'en résolution des cessions du fait de sa défaillance dans l'exécution de ses obligations.
La décision rendue le 21 janvier 2014 par la Cour d'Appel de Versailles retient la nullité comme relative, l'action étant par conséquent prescrite. En effet, la Cour d'Appel considère que l'action pour indétermination du prix constituait une action en nullité relative visant à la protection des intérêts privés du cocontractant et se prescrivant par cinq ans. L'affaire est ainsi portée en cassation.
Les cédants forment un pourvoi au moyen que l'action en nullité de la convention de cession consentie sans prix ou sans prix sérieux est absolue et que, par conséquent, elle est soumise à la prescription de droit commun, laquelle était à l'époque des faits litigieux trentenaire.
La nullité d'une vente pour un prix vil ou dérisoire est-elle de nature absolue ou relative?
La Cour de Cassation rejette le pourvoi et confirme ainsi la solution des juges du fond. Cette dernière considère que la nullité est relative: « l'action en nullité des cessions de parts conclues pour un prix indéterminé ou vil ne tendait qu'à la protection des intérêts privés des cédants, que c'est donc à bon droit que la cour d'appel a retenu que cette action, qui relève du régime des actions en nullité relative, se prescrit par cinq ans par application de l'article 1304 du code civil ». Par cette décision la Cour de Cassation en profitera pour retracer le cadre jurisprudentiel dans lequel l'arrêt prend place pour ensuite faire son choix.
Si l'évolution de la jurisprudence en matière du régime de nullité est un élément central qui influence la prise de décision de la Cour de Cassation (I) , l’intérêt privé ou général du contrat n'en reste pas moins le critère fondamental pour définir le régime de nullité du contrat, à savoir de nature absolue ou relative. (II)
I) L'EVOLUTION DE LA JURISPRUDENCE EN MATIERE DU REGIME DE NULLITE
La chambre commerciale a dû s'adapter face aux contradictions jurisprudentielles antérieures (A) et a par la suite décidé de l'application de la théorie moderne de la nullité (B).
A) LA CONTRADICTION ANTERIEURE DES DECISIONS DE LA COUR DE CASSATION
Les différentes chambres de la Cour de cassation étaient en désaccord. En effet, jusqu'à présent, la chambre commerciale de la Cour de cassation décidait que « la vente consentie sans prix sérieux est affectée d'une nullité qui, étant fondée sur l'absence d'un élément essentiel de ce contrat, est une nullité absolue soumise à la prescription trentenaire de droit commun » (Com. 23 oct. 2007). Alors que, de son côté, la troisième chambre civile penchait pour la nullité relative : « qu'un contrat de vente conclu pour un prix dérisoire ou vil est nul pour absence de cause et que cette nullité, fondée sur l'intérêt privé du vendeur, est une nullité relative soumise au délai de prescription de cinq ans » (Civ. 3e, 24 oct. 2012) ; de même, la première chambre civile avait finalement affirmé que la nullité d'un contrat pour défaut de cause, protectrice du seul intérêt particulier de l'un des cocontractants, est une nullité relative (Civ. 1re, 29 sept. 2004).
Dans l’affaire commentée, la chambre commerciale se rallie à la position de la troisième chambre civile en retenant la nullité relative.
De ce fait, on observe par cet arrêt, qu'il s’illustre incontestablement par une motivation des arrêts antérieurs qui jouent un rôle majeur. La chambre commerciale rappelle, dans un premier temps, la divergence de jurisprudence qui l’opposait jusqu’alors aux chambres civiles. Celles-ci considéraient que la nullité d’une vente consentie à vil prix était une nullité relative, fondée sur l’absence de cause, tandis qu’elle retenait, pour sa part, qu’une telle vente était nulle de nullité absolue, en l’absence d’un élément essentiel du contrat en question. Puis, dans un second temps, elle affirme « qu’il y a lieu d’adopter la même position » que les chambres civiles, car ce n’est « pas en fonction de l’existence ou de l’absence d’un élément essentiel du contrat au jour de sa formation, mais au regard de la nature de l’intérêt, privé ou général, protégé par la règle transgressée qu’il convient de déterminer le régime de nullité applicable ». Elle conclut en précisant que l’action en nullité des cessions de parts conclues pour un prix indéterminé ou vil ne tendait qu’à la protection des intérêts privés des cédants et qu’elle relevait donc du régime des actions en nullité relative.
B) L'APPLICATION DE LA THEORIE MODERNE DE LA NULLITE
Dans l’arrêt commenté, la chambre commerciale adopte la position des première et troisième chambres civiles de la Cour de cassation.
Ainsi, elle applique la théorie dite « moderne » des nullités et reprend la règle énoncée au nouvel article 1179 du Code civil issu de l’ordonnance du 10 février 2016 qui réforme le droit des contrats : « La nullité est absolue lorsque la règle violée a pour seul objet la sauvegarde de l’intérêt général. Elle est relative lorsque la règle violée a pour objet la sauvegarde des intérêts privés ». La Cour de Cassation effectue en réalité une application implicite de l'ordonnance du 10 février 2016, c'est à dire qu'elle interprète le droit ancien à la lumière du droit nouveau. L'arrêt fait application sans le dire des solutions retenues par la réforme du droit des contrats, ici sur le critère de distinction
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