CE, 22 août 2016, Ligue des droits de l’homme
Commentaire d'arrêt : CE, 22 août 2016, Ligue des droits de l’homme. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Allymai13 • 29 Novembre 2016 • Commentaire d'arrêt • 1 830 Mots (8 Pages) • 2 622 Vues
Une autorité administrative est considérée comme investie d’une mission de police générale lorsqu’un texte lui confie par voie de clause générale, le droit de restreindre les droits des citoyens en vue de protéger et de maintenir l’ordre public dans toutes l’étendue de la circonscription géographique dont elle a la charge en ce qui concerne toutes les activités susceptible de s’y dérouler.
Le 5 aout 2016, le maire de la commune Villeneuve-Loubet un nouvel arrêté règlementant l’usage des plages concédées à la commune par l’État. Cet arrêté comporte un nouvel article 4.3 aux termes duquel le port de tenues qui sont regardées comme manifestant de manière ostensible une appartenance religieuse lors de la baignade et sur les plages sont interdites.
La Ligue des droits de l’homme, M. B…D… et M. A…C…, ainsi que l’Association de défense des droits de l’homme-Collectif contre l’islamophobie en France ont formé un référé-liberté, procédure administrative d’urgence permettant d’obtenir, dans un délai très bref « toutes mesures nécessaires » quand l’administration, dans l’exercice de l’un de ses pouvoirs, porte une « atteinte grave et manifestement illégale » à une liberté fondamentale, afin que le juge des référés du tribunal administratif de Nice suspende l’article 4.3 de l’arrêté du maire.
Par une ordonnance du 22 août 2016, le tribunal administratif de Nice a rejeté leurs requêtes. Les requérants ont fait appel devant le juge des référés du Conseil d’État.
En usant de son pouvoir de police pour interdire le port d’un vêtement religieux sur un lieu de baignade public au nom du maintien de l’ordre public, le maire a-t-il porté atteinte aux droits fondamentaux garantis par la Constitution ?
Le juge des référés du Conseil d’État admet le recours, annule l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nice et ordonne la suspension de l’article 4.3
Le juge des référés du Conseil d’État opère tout d’abord un contrôle juridictionnel de la mesure de police administrative du maire de Villeneuve-Loubet (I), mais en ne s’appuyant que sur les risques de trouble de l’ordre public matériel (II).
I. Le contrôle juridictionnel traditionnel de la mesure de police administrative
Une mesure de police administrative est légale s’il y a d’une part l’existence d’un trouble ou d’un risque de trouble de l’ordre public (A), et d’autre part il faut que cette mesure soit proportionnée avec la gravité du trouble ou du risque de trouble de l’ordre public (B).
A. L’existence d’un trouble ou d’un risque de trouble avéré devant justifié la restriction des libertés publiques
Pour qu’une mesure de police administrative soit légale, elle doit être adaptée, nécessaire et justifiée par l’existence d’un trouble ou la menace d’un trouble de l’ordre public.
Selon les requérants, l’arrêté du maire de Villeneuve-Loubet porterait une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de manifester ses convictions religieuses, à la liberté de se vêtir dans l’espace public, à la liberté d’aller et venir, au principe d’égalité des citoyens devant la loi, à la liberté d’expression et à la liberté de conscience. Cependant, les mesures de police administrative sont attentatoires aux droits fondamentaux et aux libertés publiques c’est le principe même de la police administrative que de protéger l’ordre public en restreignant l’exercice des droits et des libertés des individus.
Par contre, les restrictions aux libertés publiques que portent de telles mesures ne sont justifiées que si l’ordre public est en danger.
Le juge vérifie donc en fonction des circonstances propres à chaque affaire si l’ordre public, dans ses diverses composantes, est menacé par l’activité ou le comportement que la mesure de police règlemente.
Au considérant 4, le Conseil d’État rappelle que le maire est chargé selon l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, "d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques". Malgré cette disposition, il doit concilier l'accomplissement de sa mission avec le respect des libertés garanties par les lois.
Les mesures de police que le maire d’une commune du littoral édicte en vue de réglementer l’accès à la plage et la pratique de la baignade doivent donc être justifiées au regard des seules nécessités de l’ordre public, telles qu’elles découlent des circonstances de temps et de lieu, et compte tenu des exigences qu’impliquent le bon accès au rivage, la sécurité de la baignade ainsi que l’hygiène et la décence sur la plage. Il n’appartient pas au maire de se fonder sur d’autres considérations et les restrictions qu’il apporte aux libertés doivent être justifiées par des risques avérés d’atteinte à l’ordre public.
En l’espèce, le juge des référés du Conseil d’État n’a relevé aucun véritable risque de trouble.
Une fois, cette étape franchie, le juge administratif vérifie l’adaptation de la mesure prise au trouble de l’ordre public.
Nous allons maintenant voir que le contrôle de proportionnalité de la mesure de police administrative est un élément essentiel pour la prise de mesure face à un trouble ou à un risque de trouble de l’ordre public.
B. La proportionnalité de la mesure de police administrative face à la gravité du trouble de l’ordre public
L’arrêt Benjamin du Conseil d’Etat du 19 mai 1933 a imposé une nouvelle règle, celle d’adaptation de la mesure de police administrative à la gravité du trouble
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