Peut-on vivre sans illusion ?
Dissertation : Peut-on vivre sans illusion ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Maxime Le Cardinal • 29 Décembre 2021 • Dissertation • 2 347 Mots (10 Pages) • 504 Vues
Maxime Le Cardinal T°S3
Dissertation :
« Peut-on vivre sans illusion ?»
Selon Platon, il existe en nous plusieurs sortes de désirs, plus ou moins conscients. Il y a ceux, positifs, que nous considérons comme acceptables, que nous sommes prêts à assumer, mais il y en aurait aussi certains que nous garderions, consciemment ou non, enfouis en nous, comme par exemple les désirs violents ou sexuels, car ils pourraient nous mener à des actes irréfléchis voire dangereux. Les désirs et leur nature apparaissant ainsi trop incertains et peu sûrs, Platon suggère de leur imposer des limites, de tenter de les contenir. C’est l’idéal de « tempérance » : l’individu qui saurait apaiser ou contrer ses désirs au lieu d’y céder, serait alors dirigé plus par l’Intelligence et tout ce qu’elle entend que par ses désirs, synonymes de déraison. Mais il existe pour l’homme un moyen détourné d’exprimer ses désirs en interne, à savoir se créer des illusions. Le terme « illusion » peut avoir plusieurs sens ; celui qui nous intéresse désigne, par opposition à un fait, une croyance en tant que dérivée du désir, autrement dit une réalité subjective que l’on se crée et que l’on prend pour vraie parce qu’on aimerait qu’elle le soit (elle ne doit en cela pas être confondue avec une appréhension ou une angoisse). L’homme vit avec des illusions (le conseil « ne te fais pas d’illusion » le prouve bien), certes inconsciemment, mais bien qu’elles découlent du désir et qu’elles soient donc à limiter voire proscrire, s’il se les crée cela doit bien vouloir dire que quelque part il le veut -ou qu’il le doit-.
Nous pouvons ainsi nous demander si l’on peut vivre sans illusion. Cette interrogation entend que l’Homme vit toujours dans l’illusion et qu’il ne s’en est pas encore défait, mais insinue que ça pourrait potentiellement lui apporter quelque chose. Le fait de vivre entend non seulement le fait d’être biologiquement animé, mais aussi un certain épanouissement intellectuel car si l’homme ne se réalise pas pleinement il devient progressivement malheureux, or si cela n’empêche pas la vie ‘’biologique’’, celui qui déprime ne vit pas vraiment sa vie, mais traverse l’existence parce qu’il y est obligé.
Nous devons donc bien sûr réfléchir tout d’abord à ce que ça nous apporterait de vivre sans illusions (après tout, à quoi bon étudier ensuite la possibilité ou non de vivre sans si on ne le souhaite pas ?) ; dans un second temps nous chercherons à savoir si leur suppression est possible en soi, techniquement parlant ; et enfin, nous nous demanderons si les illusions ne sont pas trop importantes dans notre vie pour qu’on puisse s’en affranchir, même avec de la bonne volonté.
Présupposons que le sujet sache se débarrasser de toutes ses illusions et soit prêt à le faire, cet acte pourrait bien lui apporter quelque bénéfice. Cela dit dans le cas contraire on ne se poserait probablement même pas la question, comme nous l’avons déjà fait remarquer. Le bénéfice le plus direct est que le sujet va pouvoir jouir d’une expérience objective de La réalité, et il faut bien ici souligner le « la » car la seule réalité unique était jusqu’à présent celle, a priori neutre, de l’Histoire. C’est en effet la seule considérée unanimement comme vraie, et les réalités perçues par les sujets pris individuellement sont multiples et toutes différentes puisque chacun perçoit les choses à travers le filtre de ses illusions personnelles, créant ainsi à chaque fois une réalité proche mais différente de celle, objective, incontestable de tous. Sans illusion donc, on vit plus terre à terre car on voit les choses en face, on ne perçoit plus de la réalité que des choses factuelles, les illusions ayant entraîné avec elles toutes les dérives imaginaires. De plus l’absence d’illusion sous-entend l’absence ou le silence des désirs, l’accomplissement ultime de la « tempérance ». On a accès non seulement à une réalité véritable, mais aussi à nous même car sans désirs satisfaire pour nous manipuler, on devient maître de soi même et de ses décisions, prises sur la base de faits et non d’espoirs ou d’illusions.
Le second bénéfice, observable mais à plus long terme, est qu’on évite de surcroît toutes les retombées négatives et indirectes mais inévitables des illusions, les plus douloureuses étant bien sûr les désillusions. On ne se fie plus à ce que l’on aimerait voir mais à ce qui est, par conséquent les désillusions sont vouées à disparaître, aucune illusion ne pouvant subitement s’effacer puisqu’elles n’existent plus. Une des illusions les plus puissantes est l’amour. Nous pouvons nous permettre de l’intégrer aux illusions car l’amour est un concept, une croyance, on n’en a jamais de preuve si ce n’est ce qu’on veut bien croire de l’autre, et parfois seulement ce que l’on espère croire. Et quelle désillusion quand on s’aperçoit -de temps en temps seulement, heureusement- que notre amour ne fait pas écho, que l’on ne plait finalement pas à la personne que l’on désirait intéresser, alors qu’on pensait le contraire !
La vie sans illusion serait alors en un sens libératrice, nous donnant accès à une réalité pure dénuée de faux-semblants, auparavant omniprésents, à une vraie maîtrise de nous-même et nous évitant un certain nombre de cruelles désillusions. Mais pour jouir de cela, encore faut-il parvenir à retirer nos croyances…
Une illusion n’est qu’une impression de réalité créée par l’homme, pour l’homme, et non la réalité objective visible de tous. En tant que telle elle est bien difficile à détecter -et donc à effacer-, car tout d’abord il faut le vouloir vraiment. En effet elle nous fait prendre nos désirs pour la réalité et puisque c’est une illusion, c’est qu’alors la réalité est différente (c’est par exemple le cas d’une personne qui prend de simples marques d’attention amicales comme de l’amour parce qu’elle-même apprécie l’autre et s’imagine toute une histoire). Et cela pose un réel problème, car l’homme va se conforter dans sa vision illusoire plutôt que de vouloir être objectif car il ne souhaite pas voir ses désirs contrariés par une réalité non conforme à ses attentes. Mais en supposant que quelqu’un vise l’objectivité totale et veuille jouir d’une réalité non biaisée par des souhaits, nous pouvons penser qu’il parviendra alors à passer outre ses illusions. Puisque lui-même -ou plutôt son inconscient- les a conçues, il devrait en principe, s’il le souhaite vraiment, être en mesure d’en venir à bout. C’est d’ailleurs cela relativiser, prendre du recul. Quand on est jeune on a des attentes élevées quant à notre avenir, nos capacités, la société dans laquelle on est… C’est le cas de l’enfant qui veut aller sur la Lune, ou qui pense que la paix dans le monde ne tardera pas.
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