L'éros platonicien
Analyse sectorielle : L'éros platonicien. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar dissertation • 5 Octobre 2013 • Analyse sectorielle • 1 979 Mots (8 Pages) • 982 Vues
L'éros platonicien[modifier | modifier le code]
Dans l'orphisme et dans les cultes à mystères, l'ascension de l'âme se fait suivant trois degrés successifs, la purification, l’illumination et l’union au divin. Platon reprend ces notions et donne à l'éros une forme personnelle et en fait ressortir le sens. Il utilise la forme mythologique d'Éros pour la transformer en forme dialectique : le but de la philosophie est de reproduire la purification. Il opère ainsi l'opposition entre le logos et le mythe dans la conception de l'éros. Mais sa philosophie existentielle repose toujours sur un fond religieux, la réunion de l'âme à son origine divine étant toujours la voie de la rédemption, à la différence de la philosophie moderne. Elle est en effet largement tributaire de l'orphisme, et reste malgré tout une sotériologie. Ceci est peut-être la raison pour laquelle Platon délaisse la dialectique et la pensée discursive pour rejoindre l'expérience extatique lorsqu'il parle de la « folie divine », moment où l'âme s'unit au divin, caractérisant le troisième degré de l'ascension de l'âme.
Platon distingue deux types d'éros : l'éros vulgaire, fils de l’Aphrodite vulgaire, qui pousse « les hommes à la légèreté et au libertinage », et l'éros céleste, né de l’Aphrodite céleste, qui est la voie permettant le passage du sensible au suprasensible, du monde inférieur au monde supérieur, du monde matériel au monde des idées. Ce passage s'effectue toujours dans le même sens : du bas vers le haut, puisque le monde des idées ne peut agir sur celui des sens. L'éros platonicien n'est ni purement divin ni uniquement humain, il est quelque chose d'intermédiaire, un grand daïmon, permettant d'éveiller dans l'âme, comme la braise sous la cendre, l'attrait de l'âme vers le monde supérieur. Ou autrement dit la beauté de ce monde a pour rôle d'éveiller l'éros dans l'âme pour qu'elle parvienne à la beauté suprasensible et céleste.
Pour Anders Nygren1, l'éros de Platon est un désir, une aspiration, une convoitise liée à un sentiment de privation, qui est un de ses éléments constitutifs. Il n'est pas purement spontané et immotivé comme pourrait l'être l'agapè, qui est une conception fondamentale et originale du christianisme2. L'Éros est la voie qui mène l'homme vers Dieu, et non pas la divinité qui s'abaisse vers l'homme. L'Éros est par nature un amour égocentrique, du seul fait qu'il est désir. La preuve la plus éclatante en est l'union intime de l'éros et de l'eudémonisme.
L’éros néoplatonicien[modifier | modifier le code]
Selon Nygren1, Plotin (205 après J.-C. - 270 après J.-C.), philosophe néoplatonicien, se démarque de Platon sur quatre points, concernant l’éros. À la voie ascendante de Platon, menant à Dieu, le monde des idées, il ajoute la voie descendante. C'est le processus cosmologique. L'âme humaine doit franchir à l'envers les étapes de ce processus : « toutes choses proviennent de l'Un, du divin ; toutes choses retournent à l'Un ». Plotin rejoint ainsi l’École d'Alexandrie3. Dieu est amour : « Il est digne d'être aimé, il est amour »4. L'union avec Dieu ne peut se faire que dans l'extase, c’est-à-dire que ni la dialectique ni la pensée discursive ne peuvent mener à l'union divine. Plotin renoue ainsi avec la religion. Il n'existe pas un éros unique mais une multitude : l'éros correspondant à l'âme universelle et les éros propres à chaque âme individuelle. Du reste, Plotin rejoint Platon lorsqu'il explique que l'âme commence sa marche ascendante mue par l'éros. Le monde sensible est beau mais ne possède que la beauté d'un reflet. À la différence des gnostiques, il soutient que l'âme est d'origine divine, et à ce titre elle est bonne par nature.
Philosophe néo-platonicien, Proclos (412-487) reprend les thèmes de Platon et de Plotin concernant l'éros et le transforme. Il modifie la conception alexandrine du monde. Au double mouvement descendant et ascendant de celle-ci, il substitue un schéma ternaire : le repos, l'émanation et le retour. Dans ce schéma, l'éros est ce qui s'élève de l'inférieur vers le supérieur, l'éros donc est aussi ce qui s'abaisse du plan divin vers l'humain, vers le monde inférieur, il a changé la direction de son mouvement. Ce qui diffère radicalement du platonicisme et du néo-platonicisme. « Du monde supérieur l'éros s'abaisse, de la sphère de ce qui est Esprit et Raison jusqu'à la sphère de ce qui est cosmique et il tourne toutes choses vers la beauté divine ». Proclus reprend la notion de la multitude d'éros introduite par Plotin et la systématise pour y introduire de l'ordre : c'est la chaine d'éros qui relie le ciel et la terre et qui en constitue la relation. Il achève la théorie des trois degrés successifs de l'ascension, la purification, l'illumination et l'union qui sera reprise par la mystique chrétienne, dont les trois voies seront pendant des siècles : via purgativa, via illuminativa, via unitiva. L'éros est la puissance qui lie toutes choses dans l'existence. Non pas uniquement l'ascension de l'âme individuelle de Platon, ni seulement la tendance inhérente à l'existence tout entière à s'élever d'Aristote, mais une force universelle qui relie le supérieur à l'inférieur, l'inférieur au supérieur, et entre elles pour les choses de même niveau.
« Dieu est amour », l’éros chrétien[modifier | modifier le code]
Pour les chrétiens hellénistiques, la notion d’éros est complémentaire ou s'oppose (c'est selon) à l’agapè. Anders Nygren, dans Érôs et Agapè1, synthétise ainsi les concepts d'Éros et d'Agapè :
Éros Agapè
la voie de l'homme vers Dieu la voie de Dieu vers l'homme
s'élève descend
désir, aspiration
veut conquérir une vie divine sacrifice
vit de la vie divine
ose "perdre sa vie"
nécessite l'effort de l'homme, dans le cadre du salut la grâce,
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