Doit-on apprendre à penser ?
Dissertation : Doit-on apprendre à penser ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Daryne Ben Redjeb • 12 Janvier 2020 • Dissertation • 1 751 Mots (8 Pages) • 759 Vues
Sujet : Doit-on apprendre à penser ?
Depuis des siècles les différentes sociétés du monde ont mis en place des institutions pour instruire et éduquer leur population, notamment les enfants. L’école gratuite et obligatoire en France en est le parfait exemple. Cela suppose donc qu’il est possible d’apprendre à penser. Pourtant, la pensée est souvent considérée comme subjective, voir innée. Il semble alors paradoxale d'envisager un enseignement de la pensée. Est-t-il donc impossible d’apprendre à penser comme ce processus est à première vue intuitif ? Cependant, un apprentissage n’est-il pas nécessaire pour structurer ses pensées et apprendre à mieux réfléchir ?
Dans une approche immédiate, si l'on ne peut pas apprendre à penser, c'est avant tout parce que la pensée semble innée et non acquise. Les rationalistes classiques comme Descartes ou Aristote pensent que la raison est innée pour tout être humain, la raison étant la faculté de penser logiquement. En effet, certains aspects de la raison sont parfaitement acquis dès la naissance, le principe de causalité ou d’identité (une chose est ce qu’elle est) par exemple. Ces mécanismes font parties des conditions nécessaires au fonctionnement de tout esprit rationnel. Les enfants de plus de 2 ans arrivent à reconnaître leur reflet dans un miroir. Cela prouve l’aspect inné de la raison et donc de la pensée. Comme le dit Descartes « Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée [...] La puissance de bien juger, et distinguer le vrai d'avec le faux, qui est proprement ce qu'on nomme le bon sens, ou la raison, est naturellement égale en tous les hommes » Discours de la méthode, 1637.
Ensuite, si l'on ne peut pas apprendre à penser, c'est parce que la vérité est intuitive. Or l'intuition est évidemment en-dehors du domaine de l'apprentissage. Les rationalistes du XVIIe siècle pensent que la vérité se trouve dans l'évidence instantanée. Pour Descartes un des critères de vérité est l'évidence. Sa première règle est « Ne rien admettre pour vrai que je ne le connusse être évidemment tel ». La seule affirmation certaine est l'existence de ma pensée avec le cogito “Je pense donc je suis”. Je peux douter de tout, mais dans ce cas je penserai le doute. Il est donc évident que j(e pense)’existe en tant qu’être pensant, et ceci est la seule vérité absolue car c'est la seule évidence. Quant à Spinoza, il affirme que la vérité se manifeste par son évidence « Le vrai s'indique de lui-même ». On reconnaît alors le vrai par intuition. Il dit ainsi : « Qui a une idée vraie sait en même temps qu'elle est vraie et ne peut douter de la vérité de sa connaissance » Éthique, 1677.
D’autre part, si l’on apprenait à penser, cela signifierait que l’on devrait bénéficier d’un enseignement et donc d’un enseignant. Or, la pensée est subjective et personnelle, on ne peut penser que par soi-même. La pensée est une part importante de notre liberté individuelle. De plus, vouloir l’enseigner peut devenir dangereux, il suffirait que l’enseignant ait une forte figure d’autorité. L’enseignement devient alors un endoctrinement, puisque toute forme de pensée critique est anéantie. Et ce quelque soit l’absurdité des idées enseignées. L’histoire nous le prouve avec les différents régimes dictatoriaux aux idéaux meurtriers. On trouve aussi des exemples dans des dystopies comme 1984 de George Orwell. Dans ce roman, les hommes sont conditionnés par le régime à penser de manière unique. En réalité, cette volonté d'enseigner la pensée tue la pensée réelle et propre à chacuns.
A première vue la pensée semble innée et intuitive, son apprentissage peut même sembler dangereux. On remarque malgré tout des obstacles insurmontable sans un apprentissage de la pensée.
S'il est nécessaire d'apprendre à penser, c'est avant tout parce que des obstacles s'opposent à la pensée non acquise. Il s’agit notamment des préjugés, croyances religieuses, idéologies, illusions etc. Tout être humain a déjà fait face à ce genre d’obstacles, insurmontables si l’on ne se fie uniquement qu’à l’instinct. Ils ralentissent le développement de la raison. Par exemple, la pensée est entravée par les illusions qu'elle a sur ses propres capacités. De plus, il faut souvent combattre des préjugés pour apprendre à penser. C'est ce que Platon appelle la doxa ou l’opinion. Les hommes croient posséder la vérité et ne la recherchent donc pas. Ils sont pourtant dans l'illusion. Malgré tout ils se satisfont généralement de la simple apparence du savoir, l'opinion. Elle est toujours erronée et empêche de penser justement.
Apprendre à penser consiste donc à apprendre à surmonter les obstacles que sont les préjugés, l'inconscient, les passions, les illusions, etc. Freud, par exemple avec la psychanalyse cherche à surmonter l’obstacle de l'inconscient. Pour Platon, il est en effet nécessaire de rechercher la vérité et donc de commencer par détruire la doxa (l’opinion). C’est le but du philosophe, il cherche à atteindre la vérité et non une illusion de cette dernière. L’allégorie de la caverne de Platon illustre bien cette idée. La caverne représente le monde de l’opinion, obscur, où les hommes croient connaître la vérité. Mais ils ne savent pas développer d’idées. Un des hommes est délivré et sort de la caverne. Il représente le philosophe qui en a fini avec les illusions, il accède au monde des vérités, et finalement doit y guider les autres hommes.
...