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Liberté Et Obeissance

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Par   •  19 Novembre 2013  •  3 288 Mots (14 Pages)  •  1 248 Vues

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« On pense que l’esclave est celui qui agit par commandement et l’homme libre celui qui agit selon son bon plaisir. Cela cependant n’est pas absolument vrai, car en réalité être captif de son plaisir et incapable de rien voir ni faire qui nous soit vraiment utile, c’est le pire esclavage, et la liberté n’est qu’à celui qui de son entier consentement vit sous la seule conduite de la Raison. Quant à l’action par commandement, c’est-à-dire l’obéissance, elle ôte bien en quelque manière la liberté, elle ne fait cependant pas sur- le-champ un esclavage, c’est la raison déterminante de l’action qui le fait. Si la fin de l’action n’est pas l’utilité de l’agent lui-même, mais de celui qui commande, alors l’agent est un esclave, inutile à lui-même ; au contraire, dans un Etat et sous un commandement pour lesquels la loi suprême est le salut de tout le peuple, non de celui qui commande, celui qui obéit en tout au souverain ne doit pas être dit un esclave inutile à lui-même, mais un sujet. Ainsi cet Etat est le plus libre, dont les lois sont fondées en droite Raison, car dans cet Etat chacun, dès qu’il le veut, peut être libre, c’est-à-dire vivre de son entier consentement sous la conduite de la Raison ».

Baruch Spinoza. Traité théologico-politique.

Thème : La liberté.

Problématique : Qu’est-ce que la liberté ? Est-ce comme on le croit communément : « Faire tout ce qui plaît », s’abandonner à l’impulsivité des énergies désirantes au mépris de ce qui promeut l’affirmation heureuse et accomplie de son être ? Et « celui qui agit par commandement » est-il par principe esclave ?

Thèse : Après avoir énoncé les préjugés des hommes concernant la nature de la liberté, Spinoza les discute dans une analyse rigoureuse où il s’attache à clarifier les choses.

La critique de la première opinion établit dans des termes légèrement différents de ceux de Rousseau que « l’impulsion du seul appétit est esclavage et l’obéissance à la loi qu’on s’est prescrite est liberté ». En termes spinozistes, est libre celui qui agit selon la nécessité de sa nature, celui qui poursuit son utile propre, or seule la raison permet d’avoir une idée adéquate de ce qui nous est utile ; l’imagination d’ordinaire nous incline, sous l’effet des passions, à fantasmer comme bon pour nous ce qui nous diminue ou nous nie.

La critique de la deuxième opinion approfondit le rapport de la liberté et de l’obéissance. Spinoza souligne d’emblée l’ambiguïté de l’obéissance. « Elle ôte bien en quelque manière la liberté ». D’où la question qu’il faudra élucider : Qu’est-ce qui dans l’obéissance semble antinomique de la liberté ? Et pourtant « elle ne fait pas sur-le-champ un esclavage ». Qu’est-ce donc qui distingue l’obéissance-liberté de l’obéissance-servitude ? Il faut, dit-il, prendre en considération « la raison déterminante de l’acte ».

La question est de savoir ce qu’il faut entendre par là et pourquoi Spinoza articule ces deux analyses. Ne faut-il pas comprendre que l’une appelle l’autre ? Car, n’est-ce pas parce que l’homme commence à confondre la liberté et la servitude, à être soumis aux caprices de ses désirs que des autorités sont nécessaires pour promouvoir, par le moyen de l’obéissance, la liberté de ceux qui lui sont confiés ? Spinoza nous invite ainsi à penser le statut des autorités parentales, pédagogiques et politiques et à comprendre que si l’idéal de la liberté est l’autonomie rationnelle, celle-ci n’advient que par une médiation qui est celle de l’hétéronomie.

I) Discussion de la première opinion.

On pense communément que « l’homme libre est celui qui agit selon son bon plaisir ». Or cela n’est pas « absolument vrai ». Ce qui n’est pas « absolument » vrai, c’est ce qui l’est en partie mais pas totalement. Ainsi, il est clair que l’action libre n’est pas par principe l’action exclusive de plaisir. Au contraire, on se sent libre lorsqu’on n’est pas contraint, lorsqu’on peut affirmer son être, accomplir son désir, et cela produit du plaisir. La liberté ne va pas sans joie et la tristesse est toujours le signe d’une mutilation de la vie.

Mais il n’est pas vrai que l’action ordonnée à la recherche du plaisir immédiat soit toujours celle qui nous rend heureux et concourt à notre accomplissement. Cela tient au fait que le désir dans sa spontanéité n’est pas souvent un désir actif. Il peut être la marque du passif. Pour pointer cette passivité, Spinoza emploie un mot : « captif », connotant l’idée de servitude. Un captif est un prisonnier. Il subit une contrainte décrite ici comme une « incapacité » de voir et de faire ce qui lui est utile c’est-à-dire ce qui sert ses intérêts.

C’est dire que la liberté n’est pas pensée ici, à la manière des théoriciens du libre-arbitre comme l’exercice d’un vouloir, elle est pensée comme l’exercice d’un pouvoir. Car par nature, chacun est un conatus d’auto affirmation, une tendance à persévérer dans l’être et à rechercher ce qui le satisfait. La liberté consiste en la capacité de développer et d’augmenter sa puissance d’agir. La distinction de la liberté et de la servitude se fonde donc, dans ce texte, sur la notion d’intérêt propre. Libre celui qui a l’intelligence de son intérêt.

Or l’expérience montre, que celui qui fait tout ce qui lui plaît fait rarement ce qui correspond à son intérêt. Il se croit libre alors qu’il consacre sa servitude. Par exemple, il est utile à l’enfant d’aller à l’école comme il est utile à tout homme de vivre en paix avec ses semblables. Et pourtant on peut se disputer avec son voisin ou faire l’école buissonnière. Qu’il s’agisse du paresseux ou du colérique, l’un et l’autre confondent la satisfaction d’un désir immédiat avec leur utile propre. Comment comprendre ces conduites si contraires à l’intérêt des uns et des autres ? En faisant la distinction entre un désir actif et un désir passif. Nul n’est « un empire dans un empire » et

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