Le Choc Des Civilisations
Mémoires Gratuits : Le Choc Des Civilisations. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar dissertation • 18 Mars 2014 • 1 235 Mots (5 Pages) • 1 901 Vues
Le choc des civilisations selon Samuel P. Huntington
Marc Chevrier
Professeur à l’Université Harvard, Samuel P. Huntington n’est peut-être pas le premier à avoir entrevu un choc des civilisations dans le monde. Cependant, son livre The Clash of Civilizations and the Remaking of World Order paru en 1996 et développant une thèse qu’il avait déjà exprimée en 1993 dans un article paru dans la revue Foreign Affairs, est devenu une référence obligée depuis le 11 septembre 2001. Beaucoup d’intellectuels et de politiciens se sont défendus de voir dans les attentats contre le World Trade Center et dans la réplique américaine en Afghanistan le début d’un choc larvé entre l’Occident et l’Islam, par crainte d’accréditer les thèses de Huntington. Quoi qu’il en soit, qu’on les endosse ou qu’on les écarte, elles valent la peine d’être connues et discutées. Les francophones peuvent lire la traduction du livre de Huntington chez Odile Jacob 1.
En substance, Huntington prétend que depuis la fin de la guerre froide, ce sont les identités et la culture qui engendrent les conflits et les alliances entre les États, et non les idéologies politiques ou l’opposition Nord-Sud. Le monde a ainsi tendance à se diviser en civilisations qui englobent plusieurs États. Il n’y a donc pas de coïncidence entre État et civilisation. Pour Huntington, la civilisation représente l’entité culturelle la plus large. Elle « est le mode le plus élevé de regroupement et le niveau le plus haut d’identité culturelle dont les humains ont besoin pour se distinguer des autres espèces. Elle se définit à la fois par des éléments objectifs, comme la langue, l’histoire, la religion, les coutumes, les institutions, et par des éléments subjectifs d’auto-identification. » 2 Selon Huntington, sept à huit civilisations se partagent le monde, quoiqu’il n’en nomme que cinq, la chinoise, la japonaise, l’hindoue, la musulmane et l’occidentale. Il ne voit pas l’Afrique comme une civilisation en soi (au contraire de Fernand Braudel), préférant rattacher le continent aux autres civilisations. À l’égard de l’Amérique latine, il adopte une position ambivalente. Tantôt il la considère comme une sous-civilisation de l’Occident, tantôt il y voit une civilisation distincte, menaçante pour les États-Unis.
Le monde international de l’après-guerre froide est devenu multicivilisationnel selon Huntington, parce que l’Occident a cessé de dominer le système international avec la fin de l’impérialisme colonial et la cessation des hostilités entre États occidentaux. Les États des autres civilisations se sont à leur tour inscrits dans ce système pour interagir les uns avec les autres. Si grands qu’aient été la puissance de l’Occident et l’attrait de sa culture sur les autres civilisations, la diffusion des idées occidentales n’a pas suscité une civilisation universelle. Les civilisations exposées aux idées de l’Occident lui ont emprunté ses savoir-faire sans pour autant en épouser toutes les valeurs, comme l’individualisme, l’État de droit et la séparation entre le spirituel et le temporel. Ainsi, la modernisation des États non-occidentaux n’a pas entraîné leur occidentalisation mais plutôt renforcé l’attachement à leur civilisation propre. Il en est de même de la démocratisation de plusieurs pays non-occidentaux; la démocratie a mis au pouvoir des partis hostiles aux valeurs occidentales. Huntington bat aussi en brèche l’idée que la prolifération des médias et l’adoption de l’anglais comme lingua franca unifieraient les cultures, comme il met en doute l’idée que la libéralisation du commerce préviendrait les conflits entre elles.
Ainsi est en train de s’établir selon Huntington un nouveau rapport de forces entre civilisations. Alors que l’Occident voit son influence et son importance relatives décliner, les civilisations asiatiques gagnent en puissance économique, militaire et politique et réaffirment leurs valeurs propres. Connaissant une croissance démographique rapide, l’Islam est en proie à des rivalités intestines et déstabilise ses voisins. La poussée démographique de l’Islam s’accompagne d’une résurgence de la religion islamiste qui, dans plusieurs pays,
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