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Dissertation : Faut-il être Seul Pour être Soi-même?

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Par   •  6 Octobre 2013  •  4 178 Mots (17 Pages)  •  3 591 Vues

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Faut-il être seul pour être soi-même ? (Questioncentrale)

À première vue, pour être soi-même, n'est-il pas préférable de n'être pas trop socialisé ? Or, le sentiment de soi-même n'est-il pas précisément inculqué par la société ? Mieux que cela, n'est-ce pas le problème de savoir s'il faut être seul pour être soi-même qui est inculqué par la société ? (Problématique)

Nous allons voir qu'à première vue, pour être soi-même, il suffit d'être à l'égard d'autrui dans une relation naturelle qui n'étouffe pas la voix de notre propre conscience. Or, le fait de se sentir soi-même est un premier principe inculqué par la coutume sociale, tout comme l'est le fait de se créer un être imaginaire aux yeux d'autrui. Mieux que cela, le fait de prétendre qu'on doit être seul pour être soi-même est une illusion idéologique ou illusio nécessaire à la conservation de la société bourgeoise. (Annoncedu plan)

C- DÉVELOPPEMENT

I - À première vue, pour être soi-même, il suffit d'être à l'égard d'autrui dans une relation naturelle qui n'étouffe pas la voix de notre propre conscience.

Dans le Quart Livre, Rabelais conte l'histoire de Panurge qui, s'étant querellé avec Dindenault, jette à la mer un de ses moutons bientôt suivi par le troupeau tout entier. D'où l'expression de "mouton de Panurge" pour désigner celui qui suit bêtement la foule sans être conscient de soi-même. (AmorceI)

Pour Rousseau, en effet, la conscience de soi est ce qui distingue l'homme de l'animal. C'est la conscience de soi en effet qui fournit à l'entendement (à l'intelligence) de l'homme ses règles de réflexion et à sa raison ses principes de décision. Sans conscience de soi, nous sommes des bêtes, des "moutons", qui nous contentons de réagir sans réfléchir et sans rien décider. Tandis qu'avec la conscience de soi, nous possédons un "instinct divin", un "guide infaillible du bien et du mal". « Conscience ! conscience ! instinct divin, immortelle et céleste voix ; [...] juge infaillible du bien et du mal, qui rends l'homme semblable à Dieu, c'est toi qui fais l'excellence de sa nature et la moralité de ses actions ; sans toi je ne sens rien en moi qui m'élève au-dessus des bêtes, que le triste privi­lège de m'égarer d'erreurs en erreurs à l'aide d'un entendement sans règle et d'une raison sans principe »(Rousseau, Profession de Foi du Vicaire Savoyard). Dans la mesure où nous sommes des hommes doués d'entendement et de raison, il faut un guide à ces deux facultés, nous dit Rousseau. Et ce guide, c'est la conscience. Sans elle ma connaissance ne serait qu'un tissu d'erreurs et ma morale serait inexistante faute de pouvoir distinguer le bien du mal. Donc, sans cette conscience, nous ne sommes rien d'humain. Tandis qu'avec notre conscience, nous sommes semblables à Dieu. Ce que veut dire Rousseau c'est que nous sommes à l'égard de notre conscience, en quelque sorte comme le fidèle à l'égard de son Dieu : dans le meilleur des cas il ne fait qu'un avec lui, conformément à sa nature de fidèle, dans le pire des cas, il est séparé de lui et alors sa foi n'est que feinte, superficielle. Cette analogie a donc une fonction précise : de même qu'il existe mille obstacles à la foi en Dieu, de même, le chemin de la conscience de soi va être parsemé d'embûches. Et ce sont ces embûches que Rousseau va s'attacher à énumérer.

Le premier obstacle à la conscience de soi est, paradoxalement, la connaissance en général, et, en particulier, la connaissance philosophique. En effet, souligne Rousseau, pour être conscient de soi, il suffit d'être homme, c'est-à-dire qu'il est préférable d'être relativement ignorant. Par la conscience de soi-même, en effet, « nous voilà délivrés de tout cet effrayant appareil de philosophie : nous pouvons être hommes sans être savants ; dispensés de consumer notre vie à l'étude de la morale, nous avons à moindres frais un guide plus assuré dans ce dédale immense des opinions humaines »(Rousseau, Profession de Foi du Vicaire Savoyard). Car "cet effrayant appareil de philosophie" (sic!) nous incite à nous poser sans cesse des questions et des problèmes nouveaux. De sorte que, notre curiosité devenant insatiable, nous "consumons notre vie" à nous demander comment vivre. Et, faute de réponse satisfaisante, bien entendu, nous nous perdons dans "le dédale immense des opinions humaines" . Résultat : nous en oublions de vivre, tout simplement. Car ce n'est pas vivre en homme authentique que de vivre pour penser. Les règles de l'entendement, les principes de la raison sont des moyens, pas des fins en soi. Pour parodier Molière (l'Avare, acte III, scène 1), on pourrait dire qu'il faut savoir pour vivre et non pas vivre pour savoir.

D'où le deuxième obstacle à la conscience de soi : nos besoins sont sans bornes, et pas seulement nos besoins en connaissance. Par quoi on comprend que l'homme naturel, l'homme à l'état de nature, ayant peu de connaissances, a aussi, par conséquent, peu de besoins. Dans tous les cas, c'est la conscience de soi qui lui évitera de dépasser la mesure. À l'inverse, c'est le dépassement de la mesure qui l'empêchera de prendre conscience de soi. Ce qui rappelle irrésistiblement la formule socratique "connais-toi toi-même" : « Socrate : Or se connaître soi-même, ne convenons-nous pas que c'est là ce qui constitue la sagesse ? Alcibiade : Parfaitement. »(Platon, Alcibiade Majeur). Même si, nous l'avons vu, pour Rousseau, nul n'est besoin d'être savant ou philosophe, bien au contraire, pour y parvenir, il est clair que l'accession à la conscience de soi est l'accession à la connaissance de ses propres limites. Connaître ses propres limites signifie donc, pour Rousseau, savoir que nous avons, naturellement, peu de besoins. Pour vivre convenablement, il nous suffirait donc de nous fier modestement à notre conscience de nous-même, ce « guide assuré d'un être ignorant et borné, mais intelligent et libre »(Rousseau, Profession de Foi du Vicaire Savoyard). Bref, pour être soi-même, il suffirait d'être intelligent sans vouloir être toujours plus intelligent, d'être libre sans vouloir être toujours plus libre. Bref, pour être soi-même, il faudrait être conscient de soi.

Mais

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