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Dissertation : "A quoi sert de raconter des histoires ?"

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Par   •  26 Novembre 2018  •  Dissertation  •  4 686 Mots (19 Pages)  •  1 787 Vues

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A quoi sert de raconter des histoires ?

        Dans le recueil anonyme intitulé Le Livre de Mille et une Nuits le sultan Shahrvar, en représailles à la suite de l’infidélité de son épouse, la condamne à mort et, afin d’être certain de ne plus être trompé, décide de faire exécuter chaque matin la femme qu’il aura épousée la veille. Shéhérazade, la fille du grand vizir, se propose d’épouser le sultan. Aidée de sa sœur, elle raconte chaque nuit au sultan une histoire dont la suite est reportée au lendemain. Le sultan ne peut se résoudre alors à tuer la jeune femme ; il reporte l’exécution de jour en jour afin de connaître la suite du récit commencé la veille. Au bout de mille et une nuits, il renonce définitivement à la faire exécuter et Shéhérazade est sauvée.

        Raconter vient du verbe « conter » qui signifie exposer par un récit des faits vrais ou faux, ou présentés comme tels. En tout cas raconter suppose au moins un émetteur, mais implique aussi parfois un récepteur qui aurait eu accès au récit. Raconter est un processus qui a un début et une fin : la production d’un récit, media par lequel le récepteur a connaissance du récit, qui peut prendre des formes variées (oral, écrit…). La production découlant de l’action de raconter peut aussi s’appeler une histoire, mais ici on parle d’histoires au pluriel, ce qui d’emblée les oppose à leur singulier. En parlant d’histoire, c’est une certaine conception qui est sous-tendue : celle d’une histoire universelle ou une. En employant un pluriel au contraire, on réfute cette vision et on élargit le champ que recouvrait le terme au singulier. En effet, formuler « a quoi sert de raconter l’histoire », semble uniquement considérer la recherche d’une vérité historique unique, qui ne touche que l'ensemble des évènements qui se déroulent dans le temps, et la discipline qui a pour but de chercher l'ordre de déroulement de ces évènements, soit le domaine de l’historien. Alors que parler d’histoires (pluriel) touche à la fois le domaine de l’historien (la retranscription la plus objective d’évènements passés sous forme de récit) mais aussi du non historien (les récits). Ainsi lorsqu’on parle d’histoires, toute la pluralité des formes de récit est alors considérée : un récit au passé, présent, futur, un récit faux ou vrai ou affirmé comme tel. Dès lors que sont rapportés des faits, événements, états - imaginaires ou non - on parle d’histoire, et lorsque l’on se demande « à quoi sert de raconter des histoires »  alors ce sont tout ces genres d’histoires qui sont considérées, sans n’en négliger aucune. Ces histoires ont tout de même des points communs, qu’elles sont la production de l’action de raconter ; elles ont donc un début et une fin (qui correspond au début et à la fin de l’action de raconter). Il ne faut cependant pas se leurrer, l’accent dans le sujet est bien mis sur le processus et non sur la production même – car on parle en effet de l’intérêt de raconter (des histoires) et non de l’intérêt des histoires – si bien que préciser que ce qui est raconté est « des histoires » semble presque tautologique si ce n’est pour s’accorder sur le fait que l’on nous invite à considérer toutes les formes d’histoires. Une difficulté se pose maintenant sur ce que l’on entend par l’expression « à quoi ça sert ? », en effet « servir à » recoupe plusieurs aspects. On sent bien que la finalité touche l’utilité du processus de « raconter des histoires » mais celle-ci peut se décliner avec nuance. En effet on peut tirer cette utilité du côté de l’instrumentalisation de l’action, pour des objectifs qui lui seraient étrangers et on se place avant le processus ; on cherche pourquoi on se met à raconter des histoires, ce que l’on cherche avant. Mais chercher à quoi sert de « raconter des histoires » pourrait aussi tout simplement être analysé comme la recherche de l’intérêt d’une telle pratique pour les émetteurs des histoires, les récepteurs et toute une société. Il ne faut donc pas se limiter aux seules préoccupations personnelles mais bien envisager un apport bénéfique à plus grande échelle : du point de vue d’émetteur, du récepteur et peut-être de l’histoire elle-même.

        A la question « à quoi sert de raconter des histoires ? », on répond aisément en apportant un éventail de réponses diverses : du point de vue du conteur cela lui permet de communiquer ou encore d’impressionner et du point de vue de celui qui reçoit, il passe un moment agréable si l’histoire est bien racontée si bien qu’il veut absolument la suite du récit comme le sultan Shahrvar dans Le livre des Mille et unes nuits. Pourtant d’après ces premières réponses qui nous viennent, raconter des histoires ne semble pas nécessaire mais bien plutôt accessoire, c’est un petit plaisir qui tranche avec l’utilité capitale des mille et unes histoires de Shéhérazade. En fait, il existe une tension entre la vocation de distraction sous-tendue par le fait de raconter des histoires et le sérieux imposé par une vocation utilitaire qu’il faudrait chercher dans ce même processus. La narration semble a priori l’un des derniers moyens qu’un sujet choisirait pour que sa parole ait une utilité, si bien que chercher à quoi sert de raconter des histoires semble une entreprise vaine si ce n’est pour prouver qu’elle est « plaisir » ou « soulagement ». Raconter semble seulement être un cri dans le désert, elle aurait une utilité limitée, embryonnaire, ne dépassant pas le moment de l’acte de raconter : son utilité s’éteindrait avec la narration. D’ailleurs, de tous les types de discours qui existe, la doxa répondrait que pour être véritablement utile aux hommes il faudrait bien plutôt choisir un discours argumenté ; il faudrait utiliser uniquement le « logos ». Et même, on peut penser qu’intégrer des récits détruiraient toute vocation sérieuse, qu’elle soit éthique ou encore épistémologique. Peut-on donc sans détruire la vocation essentielle de la narration lier l’utile à l’agréable ?

        Dans un premier temps nous tenterons d’envisager la narration comme dépouillée de toute utilité sinon du plaisir, celui-ci se déclinera en plusieurs acceptions parmi lesquelles on comptera la fonction de soulagement. Puis nous verrons les limites d’une telle démarche, car si raconter des histoires a bien essentiellement la vocation de plaire, elle soutient pourtant bien toujours des ambitions plus « sérieuses », qui permettent de construire une éthique ou un message mais qui elle-même est limitée si elle ne trouve pas de récepteur adéquat. Enfin peut être que la narration peut dépasser complètement cette dichotomie entre le ludique et le pratique en s’affirmant comme reconstruction d’un sens. Finalement ces deux dimensions seraient interdépendantes et doivent être liées par la mise en récit, l’esthétique qu’implique  la narration.

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