Respecter autrui, est-ce s'interdire de le juger ?
Dissertation : Respecter autrui, est-ce s'interdire de le juger ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar soficelle • 27 Mai 2018 • Dissertation • 2 290 Mots (10 Pages) • 5 512 Vues
RESPECTER AUTRUI, EST-CE S'INTERDIRE DE LE JUGER ?
"Pour obtenir une vérité quelconque sur moi, il faut que je passe par l'autre." disait Jean Paul Sartre dans son ouvrage L'existentialisme est un humanisme. Cette citation vient s'ajouter à sa définition d'autrui : l'altérité, le fait de rencontrer l'autre, est le moment principal de la connaissance de soi. Autrui est donc un être humain dès lors qu'il est reconnu comme tel, dans sa dignité et dans sa conscience singulière. L'hypothèse de Sartre suit le principe d'intersubjectivité ce qui signifie que l'expérience humaine n'est pas celle d'un être isolé mais celle d'un rapport avec d'autres, avec autrui. L'hypothèse subjective de Descartes est tout autre étant donné qu'il considère que le premier moment où le sujet sait qui il est, est quand il a conscience de soi.
Le respect est défini par le sentiment de considération, d'égard, voire de vénération que l'on peut avoir envers un individu ou quelque chose. Il s'agit d'un sentiment qui porte à traiter avec égard un individu, à ne pas lui porter atteinte. Le respect se traduit par une certaine cordialité avec un inconnu, des rapports harmonieux avec l'autre, une certaine forme de bienveillance mais il se traduit aussi par une forme bien plus intime en amitié. Juger autrui signifie opérer une distinction entre qui je suis et qui il est, c'est évaluer le bien et le mal, avoir une certaine opinion bonne ou mauvaise sur lui. Respecter autrui c'est juger si cet autre est digne de notre respect. Deux questions ressortent alors : le jugement n'est-il pas indispensable au respect d'autrui ? Mais dans ce cas ne vaudrait-il mieux pas s'interdire de juger cet autre ? En effet le jugement dur et négatif peut dans plusieurs cas, porter atteinte à autrui et à sa conscience, donc lui porter atteinte en général ce qui est l'exact contraire de ce que le respect admet.
Nous étudierons dans un premier temps que chaque individu est en quelque sorte obligé de juger autrui afin de déterminer si cet autre est digne d'un quelconque respect. Et ensuite nous verrons que chaque individu, étant forcément l'autrui de quelqu'un d'autre, peut avoir peur de juger car cela insinue que lui-même est par conséquent confronté à un jugement. S'interdire de juger autrui prend alors tout son sens car c'est, par la même occasion, interdire autrui de nous juger.
Tout d'abord nous voyons donc qu'il est impossible de respecter autrui sans le juger car il est indispensable juger si autrui est digne de notre respect. Il faut certes éviter de condamner mais il est véritablement impossible de ne pas juger autrui car il existe des comportements plus ou moins critiquables. Condamner autrui c'est réduire cet autre à une essence et l'enfermer dedans alors que juger autrui c'est évaluer si son comportement, à un moment précis dans le temps, respecte les valeurs morales d'une société. De plus, refuser de juger autrui c'est le considérer comme irresponsable, soit incapable de répondre de ses actes, ce qui revient à le considérer comme un animal, un idiot, un dénaturé et par conséquent, à ne pas le respecter. En effet on aura naturellement plus de respect pour une personne intelligente que pour un animal. De même, il est inconcevable de s'interdire de juger un enfant, qui grandit, apprend et évolue chaque jour afin de devenir une personne responsable et pleinement consciente de ses actes. Un enfant qui fait une bêtise sera puni en conséquence de sa faute afin de lui apprendre les limites, pour le faire passer de la nature à la culture. C'est ce que mentionne Jean-Jacques Rousseau dans son Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes. Effectivement il insiste sur le fait que l'histoire a opéré et que l'humanité est passée de l'Etat de Nature à l'Etat Civil. L'état de nature désigne un état hypothétique de l'Homme dans lequel il vit conformément à sa nature. Cet homme n'a pas de raison et seuls deux sentiments dirigent ses actes : l'amour de soi et la pitié. Le premier désigne un certain souci pour la conservation de sa vie et la pitié et le premier sentiment relatif qui le met en relation avec autrui puisqu'il s'identifie à son malheur. La pitié modère donc l'amour de soi : même si un être humain va tout faire pour conserver sa vie, il va aussi se soucier de la souffrance d'autrui et donc essayer à tout prix de conserver la vie de cet autre. Ce sentiment de pitié est universel car tous les humains le ressentent. La nature humaine est aussi faite d'une autre faculté : la perfectibilité. L'homme peut passer outre la nature qui le guide originellement, il fera tout en son pouvoir pour assurer sa survie. Alors qu'un animal végétarien se laisserait mourir devant de la viande, l'homme essaiera tout pour survivre. Mais la perfectibilité est aussi un mal. En effet, à force de pouvoir s'écarter de cette nature, l'homme peut devenir dénaturé. Il n'est désormais gouverné que par ses nouveaux instincts qui lui viennent de la société et le sentiment qui le domine est l'amour propre, soit une certaine rivalité à l'égard d'autrui. Par conséquent il y a une régression, l'homme est devenu plus bas que la bête et il est conduit par la seule rivalité. La perfectibilité, soit les avancées en matière scientifique, technologique, artistique, tout ce qui désigne le progrès, est mauvaise car elle conduit en contrepartie à une régression morale. De plus il est couramment, et même universellement, admis que le respect d'autrui, soit l'abstention de tout ce qui peut porter atteinte à une personne, est un principe fondamental que chaque individu se doit de suivre. En effet respecter autrui c'est lui accorder le statut de personne douée de conscience et de raison, acteur et sujet de ses actes. Nous nous devons de respecter autrui car autrui est un autre nous-mêmes. Le respect instaure une certaine règle de réciprocité. Effectivement, qui n'a jamais entendu la phrase "ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu'on te fasse". Ainsi c'est en se mettant à la place d'autrui que l'on apprend à le respecter.
Ensuite nous pouvons aussi aborder la contradiction qui marque le rapport des individus dans une société, soit l'insociable sociabilité. Emmanuel Kant suppose que la Nature a placé en l'humain un double penchant. D'un part il a une certaine tendance à l'association, par laquelle il fait venir au monde la culture et d'autre part une certaine tendance à s'isoler, à se dissocier des autres ce qui engendre des rivalités et des guerres. Dans ce discours, Kant condamne l'irénisme, soit la volonté de la paix à tout prix même quand cette volonté est déraisonnable. Un exemple simple peut expliquer cette idée d'irénisme, il s'agit des dirigeants Français et Anglais qui ont accepté les conditions d'Hitler peu avant le début de la Seconde Guerre mondiale pour éviter la guerre à tout prix mais qui l'ont finalement, seulement retardée de quelques années. Ils ont accepté les conditions déraisonnables d'Hitler dans le but d'éviter un conflit. Kant refuse cet idéalisme, il refuse d'imaginer l'être humain tel qu'il n'est pas. L'être humain n'est certainement pas un ange pur et moral puisque, comment mentionné plus haut, il est animé par deux tendances contradictoires, l'une d'elles amenant à une rivalité et un conflit entre individus. Cette rivalité est certes mauvaise mais en même temps elle forge la conscience de l'homme. Il faut bénir ce mauvais penchant de l'homme car il lui permet d'échapper au sort des bergers d'Arcadie, qui certes vivaient en paix mais étaient ignorant et sans conscience. Comme ils sont conscience et sans culture ils sont de la même sorte sans histoire car c'est bien connu, "les peuples heureux n'ont pas d'histoire. Effectivement c'est le fait de dissocier d'autrui qui produit la conscience de soi. Il n'y a donc pas de conscience de soi et par conséquent pas d'histoire si la mauvaise tendance à se dissocier de l'autre et a créer une certaine rivalité n'opère pas.
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