Le passé est-il « irrévocable », ou demeure-t-il seulement « contingent » ?
Commentaire de texte : Le passé est-il « irrévocable », ou demeure-t-il seulement « contingent » ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar fannybsq • 28 Janvier 2021 • Commentaire de texte • 2 377 Mots (10 Pages) • 554 Vues
Spécialité philosophie
Devoir maison
Nous avons tous en mémoire La guerre de Troie n’aura pas lieu pièce de théâtre de Giraudoux qui appartient au genre parodique, mais interpelle, du point de la nécessité historique. De ce fait nous nous pouvons nous demandé si le passé est-il « irrévocable », ou demeure-t-il seulement « contingent » ? Un évènement majeur, mais comportant une part mythique dans la conscience des Anciens, celle de la « fatalité ». Pour répondre à cette problématique, nous étudierons différents textes mais de manière plus précise celui des auteurs Deleuze et Guattari, textes et entretiens du nom de « mai 68 n’a pas eu lieu », écrit en 1984.
Deleuze et Guattari interrogent ici « mai 1968 », représentation, selon eux, de l’évènement au sens qui leur est propre : non pas ce qui relève d’une ou plusieurs causalités, ni bien sûr, de la « fatalité » mais ce qui, s’y dérobant a priori, ouvre un champ de possibles, in-déductible de ce qui l’a précédé. Ce schéma explicatif s’oppose à celui, par exemple, de Cournot, qui postulait, comme Marx, un certain déterminisme historique jusque dans le détail de l’évènement, compris comme l’effet d’une ou plusieurs causes.
L’évènement, est, pour Deleuze et Guattari, sinon a causal à moins qu’il ne soit, nous allons y revenir, « évènement pur » du moins en « rupture causale ». Sans doute, peut-on le relier à la logique par laquelle Prigogine, physicien et chimiste, caractérise les systèmes dynamiques, initialement en Physique, lieux de variations « chaotiques » celles du déterminisme statistique, et non causal- porteuses, une fois amplifiées par la pensée, ou un certain imaginaire lié à l’importance humaine des faits, de l’ « effet papillon » qui signifie que de petites causes, ou l’aléatoire, produisent de « grands effets », avec son apparence d’imprévisibilité.
Cette imprévisibilité n’en est pas une pour le physicien, mais l’approche contemporaine la relativise : ce que nous appelons évènement ne serait selon Prigogine, même en physique « classique »que l’effet « macroscopique » de fluctuations au sein d’un ensemble de conditions données, qui restent, elles, chaotiques, et dont l’interaction évolutive produit enfin l’effet donné. Cette caractérisation de l’évènement , dans le cas de la science , le physicien parlera plutôt de fait, comme l’effet d’une conjonction de facteurs indépendants, plutôt que d’une ou plusieurs causalités ou « séries ». Cela peut aussi concerner l’historien face à l’évènementiel ainsi, au sein des processus révolutionnaires cités par les auteurs durant les années 1789 ainsi que 1817 tel que la prise de la Bastille ou du Palais d’hiver.
La Commune, en 1870, en revanche pourrait donner l’impression d’un « chaos » ou d’une « répétition anticipée » que d’une Révolution proprement dite, ou même les « journées de 1830 », pourtant chargées d’ « évènements », mais dont aucun n’a atteint la dimension symbolique que nous attachons à ce mot, et qui justement fait problème. Les auteurs appellent par contre évènement pur, soustrait à toute causalité qu’elle soit « exacte ». C’est-à-dire tant le déterminisme des conditions par lequel, par exemple, Marx expliquait les évènements politiques de 1848 dans Les luttes de classes en France ou « statistique », celui, éminemment, de l’ « effet papillon », la singularité que demeure, à leurs yeux, « mai 68 ».
Ce champ évènementiel dont émergent pourtant moins de faits que de valeurs « subjectives » ou « désirantes » représente, selon Deleuze et Guattari, non seulement, comme les autres évènements cités, le surgissement, dans l’Histoire, d’un « champ de possibles » à partir de conditions aléatoires données et auxquelles l’historien, tel Cournot, attribue après-coup une causalité afin d’en éradiquer l’illusion du « hasard » mais littéralement une création de possibles, pour ainsi dire extra-historique ou, en tout cas, extra-causale, analogue à ce qui est appelé, en épistémologie, un changement de « paradigme », tel que celui opéré par Prigogine acte de l’ « imagination scientifique », ou de sa propre subjectivité.
Les auteurs nomment vitale cette action du ou des sujets modifiant « brutalement », et indépendamment d’elle l’Histoire, au sens même où, pour Bergson, l’évolution est dite élan vital, et non développement de schèmes ou conditions préétablies ou « statistiques ». Mai 68, fruit de la subjectivité libre, « interpelle » ainsi travail, culture ou sexualité –voire, le corps ou le temps (le loisir, l’ennui)- mais ce n’est plus au sens d’une « révolution » -même « culturelle »- calculée ou calculable, que l’Histoire puisse gérer, voire « digérer », et ainsi cet type d’évènement échappe à la science. Ce texte porte la marque de l’idéalisme deleuzien, généralisé en son temps par la « philosophie du désir », qui put susciter ou nourrir alors un certain enthousiasme générationnel.
Comment l’interpréter en rapport à la problématique de l’histoire et de l’évènement ? Deleuze et Guattari les opposent de manière presque « passionnelle », tributaires qu’ils sont eux-mêmes de l’évènement, certes singulier bien que « le sang n’y ait pas coulé », il reste « inoubliable », du moins pour ses témoins et acteurs- de « mai 68 ». Peut-on en laissant de côté les modèles « traditionnels » de l’Histoire que nous avons évoqués, déterminisme causal ou « nécessitariste » discuté par les Stoïciens, y compris sous son jour le plus paradoxal ; déterminisme pluricausal de Marx ou Cournot ; déterminisme conditionnel ou statistique de Prigogine et de l’histoire « quantitative », économique ou démographique, le confronter efficacement à d’autres encore ? Nous nous appuierons, pour ce faire, sur les textes étudiés, avant de proposer notre propre synthèse.
Foucault, dans Herméneutique du sujet, développe une problématique toute proche ou complémentaire de celle des auteurs de Mai 68 n’a jamais eu lieu qui écriront aussi l’Anti-Œdipe et Mille plateaux. Il l’infléchit toutefois alors que Deleuze et Guattari se disent explicitement « matérialistes », refusant en particulier, par opposition notamment à Jacques Lacan, de « mentaliser » le désir, qu’ils définissent comme production, valorisant ainsi, indirectement, Marx : Foucault avance, en effet, la notion d’une spiritualité par laquelle le sujet, tant « aimant », un concept qui est par ailleurs absent chez Deleuze, qu’ « ascétique »,dans le travail, se constitue ainsi comme capable de vérité. Soit qu’il en soit, comme l’acteur de mai 68, l’auteur par ses conduites « vérité désirante », en un sens autre que celui de la psychanalyse : ainsi, pour Deleuze comme pour Foucault, l’homosexualité n’est plus la « perversion » qu’elle est encore chez Freud, sans être pour autant une « norme », soit le récepteur rigoureux, dans le cas de la vérité scientifique.
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