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La multitude, dissertation de philosophie

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Par   •  16 Janvier 2019  •  Dissertation  •  2 765 Mots (12 Pages)  •  1 049 Vues

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La multitude.

Intro

La multitude est d’emblée pensée comme un ensemble. Ensemble de sujet, à tort unifié sous le même concept de peuple, tantôt encore multitude compris comme masse puisque multus, en latin, signifie « la foule », terme aujourd’hui péjoratif : toujours est-il qu’il s’agit toujours d’un même mouvement factuel, que l’on peut saisir par empirisme si tenté est que nous vivions en société. Or, il y a là un défaut : la multitude renvoie aussi à la représentation de la multiplicité, donc de divergences. Il découlerait alors de cette multitude une divergence manifeste entre les éléments qui la constituent. Celle-ci n’aurait alors plus de définition bien précise, mais renverrait à un chaos, à l’image d’une prolifération désordonnée que l’on ne peut même plus saisir rationnellement car pas établie sur une base d’universalité, de base commune, telle que la représentation de la foule qui manifeste (aux yeux de l’option publique, ces derniers temps notamment), animé chacun d’intérêts divergents et au fond égoïstes et donc profondément paradoxales de revendiquer des droits sous un même prétexte. Or, nous parlons de factuel. N’y a-t-il pas un moteur profondément commun à ces faits, qui ne seraient finalement que des étants naissant d’un même cœur : l’Être, la multitude comme Être. La relation d’indépendance s’inverserait donc, non pas les faits donnant lieu à un produit commun, mais un producteur commun donnant lieu à des produits multiples. Toujours est-il qu’une base commune, plus ou moins conceptuelle, est possible.

Ainsi donc : Peut-on penser une ontologie de la multitude ?

S’il existe une tension entre Être et Etant (I), il conviendra de comprendre en quoi cette opposition est factice, puisqu’au contraire il y a une relation de complémentarité entre l’un et l’autre, non pas dans l’imaginaire mais en faits lorsque l’on analyse la mouvance corporelle symbolique (II), qui donne lieu à l’apparition d’un même moteur immanent à la manifestation des multitudes : la puissance (III).

  1. Multitude : tension entre Être et Etant

Dans son sens le plus général, la multitude se défie et se différencie de la représentation, car elle est une multiplicité incommensurable. Le peuple est toujours représenté comme une unité, alors que la multitude n’est pas représentable, car elle est « monstrueuse » vis à vis des rationalismes téléologiques et transcendantaux de la modernité qui voudraient parler d’étiquettes. En opposition au concept de peuple, le concept de multitude est celui d’une multiplicité singulière, d’un universel concret idéaliste. Le peuple constituait un corps social ; la multitude non, car « la multitude est la chair de la vie », IIII . Si nous opposons d’un côté la multitude au peuple, nous devons également l’opposer aux masses et à la plèbe. Masses et plèbe ont souvent été des mots employés pour nommer une force sociale irrationnelle et passive, dangereuse et violente, pour cette raison précise qu’elle était facilement manipulable. La multitude, elle, est un acteur social actif, une multiplicité qui agit. La multitude n’est pas, comme le peuple, une unité, mais par opposition aux masses et à la plèbe, nous pouvons la voir comme quelque chose d’organisé. C’est en effet un acteur actif d’auto-organisation. Un des grands avantages du concept de multitude est ainsi de neutraliser l’ensemble des arguments modernes basés sur la « crainte des masses » ou sur la « tyrannie de la majorité », arguments souvent utilisés comme une forme de chantage pour nous contraindre à accepter (voir même à réclamer) notre propre servitude. On voit dès lors une ontologie de la multitude manifeste, pcq elle n'est pas conditionnée par autre chose qu’elle-même.

Pour autant, peut-on vraiment séparer radicalement peuple et multitude ? Est-ce que vouloir définir l’Être de la multitude, ce n’est pas se référer aussi à ses accidents, et donc à ses étants, pour espérer ne rien oublier de la plénitude de sa définition ? Nous pouvons employer le mot « accident », car → le peuple est un étant parce qu’un des découlements produits par l’Être-Multitude. Donc, pour saisir la multitude dans son caractère absolu parce qu’indéfinissable (parce que justement elle est un Être qui n’est conditionné par rien, en opposition aux étants), il faut aussi saisir ses produits. Le peuple étant un produit souvent politique. En témoigne l’utilisation du terme « peuple » à travers les siècles. Pourquoi parler de « peuple » au XVème siècle par exemple, est-il anachronique ? En effet, nous parlerons plutôt de sujets. Mais ce n’est qu’une affaire de conception temporelle du politique. Ce qui montre que l’étant « peuple », est en fait investi d’emblée d’une détermination politique.

Or, si la Multitude est bien un Être dans le même sens que celui d’un Dieu, il n’est pas intelligible a priori. Est-ce que nous pouvons vraiment espérer connaître l’Être ? Or, établir ses étants relève déjà d’une tentative de définition. Mais, nous l’avons vu, l’Être de la multitude est absolu. Donc à quoi bon essayer d’établir une définition qui serait en faite réductrice parce que d’abord langage, et que definire  en latin, inclut l’existence de délimitations précises. Or, l’absolu est infini.

Il convient alors de changer de point de vue. Si les concepts-étants tels que le peuple sont des produits de l’Être Multitude, cela n’englobe pas la conception empiriste (au sens du contraire du concept et pas d’un sensualisme) du chemin jusqu’à cet Être global, chemin vécu certes comme un reflet, peut-être déformé, comme on l’a souvent reproché à Hegel, de cet Être, mais néanmoins tourné vers la subjectivité. Car si l’Être Multitude est absolu, il l’est par la totalité, donc également par le sensible, qui ne le modifie pas, mais qui l’enrichit. Il faut alors insister bien plutôt, pour espérer aboutir à une pensée sur la puissance globale du processus : su le fait qu’il se déploie entre globalité et singularités, selon un rythme à la fois synchronique, fait d’évolution et de crises, de concentration et de dissipation. Pour le dire en un mot, la production de subjectivité, la production que le sujet fait de lui même, est en même temps production de consistance de la multitude – car la multitude si elle s’incarne de façon « empirique » est un ensemble de singularités. Il ne manque certes pas de critiques pour insinuer que le concept de multitude est (pour l’essentiel) un concept insoutenable, purement métaphorique, car il ne peut y avoir d’unité du multiple qu’à travers un geste transcendant plus ou moins dialectique (comme en a effectué la philosophie de Hegel) : et ce d’autant plus que la multitude prétend également être donc singulière et subjective. Or cette dialectique peut être faible, car dialectique pour la multitude, l’unité du multiple par sa globalité, n’est rien d’autre que le vivant, la fameuse « chair de la vie », et le vivant est difficilement subsumable par la dialectique. En outre ce dispositif de production de subjectivité, qui trouve dans la multitude sa figure commune, se présente comme pratique collective, comme activité toujours renouvelée de constitution de l’être. Le nom de « multitude » est à la fois sujet et produit de la pratique collective.

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