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Jouet et sociologie

Mémoire : Jouet et sociologie. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  26 Mai 2017  •  Mémoire  •  8 233 Mots (33 Pages)  •  958 Vues

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[pic 2]        Recherches et Prévisions

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Le jouet dans la construction sociale de l'enfance

Sandrine Vincent

Résumé

Véritables biens de consommation de masse, les jouets font partie de l’univers d’une très grande majorité d’enfants, et sont censés « disparaître » au fur et à mesure que ces derniers grandissent. Pour autant, ce processus est loin d’être uniforme. Cet article se propose d’interroger, à travers l’étude de la durée de vie des jouets, la construction sociale de l’enfance. Le jouet devient ainsi un indicateur qui contribue largement à démontrer qu’il n’existe pas une définition homogène des âges de la vie et, plus fondamentalement, de l’enfance. Les parents de milieux populaires ont ainsi tendance à considérer que les jouets ne meurent jamais et se prolongent à l’âge adulte à travers l’usage des jeux, alors que les parents de milieux supérieurs opèrent une coupure plus nette entre l’enfance et l’entrée dans l’adolescence. Symbolisé, selon eux, par l’entrée au collège, ce passage entre ces deux âges de la vie fait coïncider la fin des jouets et l’entrée dans une scolarité « plus sérieuse ».

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Vincent Sandrine. Le jouet dans la construction sociale de l'enfance. In: Recherches et Prévisions, n°64, 2001. Enfance. Vie familiale et vie professionnelle. pp. 5-18; doi : 10.3406/caf.2001.947 http://www.persee.fr/doc/caf_1149-1590_2001_num_64_1_947[pic 5]

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Document généré le 08/07/2016

Le jouet dans la construction sociale de l’enfance

Sandrine Vincent *

Véritables biens de consommation de masse, les jouets font partie de l’univers d’une très grande majorité d’enfants, et sont censés « disparaître » au fur et à mesure que ces derniers grandissent. Pour autant, ce processus est loin d’être uniforme. Cet article se propose d’interroger, à travers l’étude de la durée de vie des jouets, la construction sociale de l’enfance. Le jouet devient ainsi un indicateur qui contribue largement à démontrer qu’il n’existe pas une définition homogène des âges de la vie et, plus fondamentalement, de l’enfance. Les parents de milieux populaires ont ainsi tendance à considérer que les jouets ne meurent jamais et se prolongent à l’âge adulte à travers l’usage des jeux, alors que les parents de milieux supérieurs opèrent une coupure plus nette entre l’enfance et l’entrée dans l’adolescence. Symbolisé, selon eux, par l’entrée au collège, ce passage entre ces deux âges de la vie fait coïncider la fin des jouets et l’entrée dans une scolarité « plus sérieuse ».

* Docteur en sciences sociales, Ecole des hautes études en sciences sociale, Marseille.

Les jouets sont fréquemment rangés [pic 7] dans la catégorie des objets anodins, et cette absence d’enjeux sociaux sous-jacents est certainement l’une des raisons pour lesquelles les travaux en sociologie les ont rarement pris en compte.[pic 8]

Véritables biens de consommation de masse, les jouets font partie de l’univers d’une très grande majorité d’enfants, indépendamment de leur origine socioculturelle. En raison de leur appartenance au monde spécifique des enfants, ils sont censés « disparaître » au fur et à mesure que ces derniers grandissent. Les jouets représentent par là même un indicateur qui permet d’interroger la construction sociale des âges de la vie et, plus particulièrement, les définitions sociales de l’enfance.

Le découpage du déroulement de l’existence se fonde essentiellement sur l’âge, au point que cette variable est devenue selon J. Widmer (1983) « le principal critère de la mesure du temps social de l’enfance et de la jeunesse ». Caractère identitaire avant tout biologique, l’âge est aussi, dans une très large mesure, construit socialement.

Les différentes législations (en matière de scolarité, de travail, de sport, etc.) s’emploient à définir des rôles, des statuts, des attributs pour chaque étape du cycle de vie en s’appuyant sur le critère d’âge. Les travaux sociologiques réalisés sur les âges de la vie se sont particulièrement intéressés à ces définitions institutionnelles et ont moins envisagé les définitions portées par les acteurs sociaux (Chamboredon et Prévot, 1973 ; Mendras, 1988 ; De Coninck et Godard, 1989 ; Attias-Donfut, 1991  ; Mauger, 1995).

Cet article (1) s’inscrit à la fois dans une réflexion sur les représentations sociales

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RECHERCHES ET PRÉVISIONS N° 64 - 2001

de l’enfance et dans le débat sur l’existence ou non d’une homogénéité des comportements sociaux. Il se propose d’interroger, à travers l’examen des pratiques familiales (parents et enfants), la longévité des jouets selon les milieux socioculturels. Les âges du jouet se déclinent en fonction d’autres variables de construction de l’identité telles que l’ap p artenance sociale ou encore le niveau d’études, preuve qu’il n’existe pas une définition uniforme des âges du jouet et plus fondamentalement de l’enfance. A travers l’étude de la durée de vie des jouets, c’est bien peu ou prou la mesure du temps social de l’enfance qui est en question. Pour en comprendre la dynamique, il s’agira de confronter les définitions des politiques des âges de la vie (tout particulièrement celles des professionnels du jouet) aux pratiques et représentations des acteurs sociaux.

Chaque période historique produit son propre découpage des âges, comme elle produit les attentes et les représentations de ces âges. Jusqu’au XVIIIe siècle, « les âges de la vie » ne sont pas vraiment différenciés, l’adolescence se confondant avec l’enfance (Ariès, 1977) et la jeunesse avec l’âge adulte. Aux XVIIIe et XIXe siècles, l’enfant prend une place privilégiée dans la famille et à l’école. L’institutionnalisation d ’une singu larité enfantine cond u it à lu i donner un statut social distinct de celui de l’adulte.

La jeunesse est, quant à elle, consacrée au XXe siècle « comme un état intermédiaire de plus ou moins longue durée entre l’adolescence et l’âge adulte » (Blöss, 1994  a). Dans le cycle de vie, ces catégories (enfance, adolescence, jeunesse) sont définies par des tranches d’âges variant selon l’échelle de l’histoire. La reconnaissance de l’enfance (et de la jeunesse) comme un âge de la vie propre, distinct du monde des adultes, est, si l’on reprend les propos d’Annette Langevin, « normalisée et soumise à une chronologie par le système scolaire avec sa graduation très fine, et par des démarcations légales de toutes sortes : responsabilité civile, pénale, participation politique » (1989).

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