Revirement de jurisprudence du 21 juin 2021
TD : Revirement de jurisprudence du 21 juin 2021. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Cassandra LEJEUNE • 6 Octobre 2022 • TD • 3 096 Mots (13 Pages) • 371 Vues
TD No. 3 : LA FORMATION DU CONTRAT 3/3
Civ. 3e, 23 juin 2021, no. 20-17.554
Il s’agit d’un arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation, rendu le 23 juin 2021. Les faits sont relatifs à l’exécution d’un contrat suite à une promesse unilatérale de vente.
En l’espèce, des époux sont propriétaires d’un appartement, où vit l’ancienne détentrice qui en a l’usufruit. Le premier avril 1999, le couple propriétaire fait une promesse de vente d’une partie de l’appartement à d’autres époux : l’option ne pourra être levée qu’au décès de celle vivant dans l’appartement (ancienne propriétaire).
Cependant, les époux propriétaires divorcent ; l’ex-épouse devient attributaire du bien suite à cela. Le 17 février 2010 elle se rétractera alors de la promesse de vente faite en 1999.
L’ancienne propriétaire décède, et le 8 janvier 2011 les bénéficiaires de la promesse lèvent tout de même l’option.
Ils assignent alors la propriétaire en réalisation du contrat ; celle-ci rejette la demande et demande la rescision de la vente pour lésion.
Un premier pourvoi fut formé, dont la troisième chambre civile de la Cour de cassation rendit un arrêt le 6 décembre 2018. La Cour cassa l’arrêt et renvoya l’affaire à la Cour d’appel de Lyon, qui, le 19 mai 2020 statua en faveur des époux bénéficiaires de la promesse de vente : la vente consentie aux époux par la promesse de 1999 est déclarée parfaite. La cour d’appel relèvera en effet que la propriétaire avait à ce moment-là consenti à la vente sans restriction, et que le délai d’option était intervenu dans les délais convenus.
La propriétaire fait grief à cet arrêt et forme alors un pourvoi. Selon elle, sa rétractation précède la levée d’option des bénéficiaires et rend impossible la rencontre de volontés des parties. Cela exclut alors la vente et l’acquisition du bien. La cour d’appel aurait violé les articles 1101 et 1134 du code civil dans leur ancienne rédaction.
Au regard de tous ces éléments il convient alors de s’interroger pour la Cour de cassation, si la promesse de vente oblige les parties, malgré la rétractation du promettant avant la levée de l’option par le bénéficiaire.
La Cour de cassation relève que la promesse de vente a été formée sous l’empire de l’ancien régime des contrats, précédent donc la réforme de 2016.
Elle énonce dans un premier temps, que ses décisions précédentes n’admettaient pas l’exécution forcée du contrat de vente même si la levée d’option de la promesse unilatérale de vente est postérieure à la rétractation du bénéficiaire. La violation par le promettant de son obligation ne pouvait ouvrir qu’à des dommages et intérêts. Elle s’appuyait ici des articles 1101, 1134 et 1583 du code civil sous leur ancienne rédaction.
Néanmoins, la promesse de vente est un avant contrat contenant des éléments essentiels du contrat final, à la date duquel s’apprécie la capacité du promettant à contracter et du pouvoir de disposer de son bien. De plus, toute partie contractante a la faculté de poursuivre l’exécution forcée du contrat lorsque celle-ci est possible. Ainsi, la Cour apprécie d’une autre façon la portée juridique de la promesse par le propriétaire du bien : il s’oblige définitivement à ventre dès la conclusion de la promesse de vente, sans possibilité de rétractation, sauf stipulation contraire. Or, en l’espèce, la propriétaire avait consenti pleinement à la vente lors de la formation de l’avant contrat sans restriction.
Ainsi, la Cour de cassation donne raison à la juridiction du second degré, en affirmant que la rétractation du promettant ne constitue pas une circonstance suffisante pour empêcher la formation de la vente. Par ailleurs, le consentement du promettant s’appréciant à la date de la promesse unilatérale de vente, et celui du bénéficiaire lors de sa levée d’option, les volontés des deux parties se sont rencontrées, la vente est donc parfaite.
Par ces motifs, la Cour de cassation rejette le pourvoi.
Ici la Cour de cassation adopte une décision insolite allant à l’encontre de ses décisions précédentes concernant les promesses unilatérales de vente. Dans sa réponse elle évoquera donc son raisonnement précédent la réforme instituée par l’ordonnance de 2016 (I), mais elle opèrera ensuite un revirement rétroactif en s’appuyant sur la législation actuelle (II)
I – LE RAISONNEMENT PRÉCÉDENT LA RÉFORME DE 2016 DE LA COUR DE CASSATION
Avant l’ordonnance du 10 février 2016 instituant la réforme du droit des contrats, la Cour de cassation adoptait un raisonnement différent des nouvelles dispositions quant aux contentieux relatifs à l’exécution d’une vente suite à une promesse unilatérale. Cette logique s’appuyait sur la nature de l’obligation du promettant (A) et à l’exclusion de toute rencontre des volontés des parties, lors d’une levée d’option du bénéficiaire postérieure à la rétractation du promettant (B).
- LA SIMPLE OBLIGATION DE FAIRE DU PROMETTANT
La promesse unilatérale de vente est un avant-contrat par lequel une partie, le promettant, s’engage d’ores et déjà à vendre un bien à un autre, appelé bénéficiaire, lequel accepte le principe de la promesse, mais sans encore s’engager à acheter. Celui-ci ne consent pas encore au contrat final qui est la vente. L’offre est alors consentie par les deux parties et non la vente finale, le contrat de promesse est conclu et en tant que véritable contrat, est doté de la force obligatoire. Mais le bénéficiaire n’a pas encore conclu à la vente finale.
Pour le promettant, la conclusion d’une promesse unilatérale de vente crée une obligation de maintenir l’offre de contracter durant un certain délai à la charge du bénéficiaire. En l’espèce, dans l’affaire, ce délai s’écoulait jusqu’au décès de l’ancienne propriétaire de l’appartement.
Dans la promesse unilatérale de vente, l’engagement est alors subordonné à la volonté du bénéficiaire, le promettant ayant déjà d’ores et déjà exprimé son consentement à contracter. Il en résulte alors que le promettant est privé de la possibilité de négocier les éléments essentiels du contrat ou encore de se rétracter.
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