Pour le Doyen Jean CARBONNIER « les logements comme les nids ont une vocation familiale »
Commentaire d'arrêt : Pour le Doyen Jean CARBONNIER « les logements comme les nids ont une vocation familiale ». Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar juristeguy • 10 Octobre 2019 • Commentaire d'arrêt • 2 005 Mots (9 Pages) • 999 Vues
Pour le Doyen Jean CARBONNIER « les logements comme les nids ont une vocation familiale ». Lieu de vie mais aussi et surtout vecteur de bien être et de stabilité pour la famille, le logement de la famille demeure une zone sensible voire sacrée.
Dans cette perspective, le législateur français a souhaité depuis les années 70 apporter une protection toute singulière au logement de la famille en soumettant à la cogestion, les droits par lesquels il est assuré et ce, même s’il constitue un bien propre a l’un des époux.
En effet, l’article 215, alinéa 3, du code civil dispose : « … Les époux ne peuvent l'un sans l'autre disposer des droits par lesquels est assuré le logement de la famille […] »
Ce texte indique que les époux doivent agir de concert.
Toutefois, sa formulation en tant qu‘elle est imprécise, conduit inéluctablement à se demander quels sont les actes soumis à cogestion.
Le verbe « disposer » usité dans le texte, laisse entendre que cela concerne les actes de disposition, il faut dès lors comprendre que les époux ne peuvent l’un sans l’autre vendre le logement, la vente étant l’acte de disposition par excellence.
En revanche, certaines hypothèses en raison de leur complexité, suscitent des interrogations. Tel est le cas de la donation de la nue-propriété portant sur le logement familial.
Comme l’illustre l’arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 22 mai 2019, il appartient au juge de déterminer avec exactitude ce qui constitue réellement un acte de disposition au sens de l’article 215, alinéa 3, du code civil.
Il ressort de l’arrêt que Monsieur V…D, marié en 2003 sous le régime légal de la communauté d’acquêts a, par acte authentique en date du 8 mars 2012, fait donation à ses enfants, les Consorts D…, de la nue-propriété de son bien propre constituant le logement de la famille.
L’acte de donation stipule que l’usufruit est réservé au donateur Monsieur V…D, qui, quelques temps, après décède.
Madame S…l’épouse survivante, s’oppose à l’exécution de la donation dont elle sollicite l’annulation motif pris de ce que son consentement n’a pas été requis.
Madame S… saisit la justice d’une action aux fins d’annulation de l’acte de donation. Le 15 février 2018, la Cour d’appel de Papeete, déclare ladite action recevable et fondée, annule en conséquence, la donation consentie par Monsieur V…D au profit des Consorts D, sur le fondement de l’article 215, alinéa 3, du code civil.
Les consorts D…forment un pourvoi en cassation. La Cour de cassation va statuer le 22 mai 2019.
Ils invoquent notamment la violation par la Cour d’appel de l’article 215, alinéa 3, du Code civil. Selon eux, l'acte de donation n'ayant pas eu pour effet de priver Madame S…de ses droits de jouissance ou d'occupation sur le logement de la famille pendant la durée du mariage, il ne saurait valablement constituer un acte de disposition, au sens l’article 215 alinéa 3.
Dès lors, sa validité ne nécessitait aucunement le consentement de l’épouse. En jugeant pourtant que l’acte de donation constituait un acte de disposition des droits par lesquels est assuré le logement de la famille au sens de l’article 215, alinéa 3, du code civil et que le défaut de consentement de l’épouse justifie son annulation, la Cour d’appel a violé le texte susvisé.
Plusieurs questions fondamentales cristallisant le litige se posent à la Cour de cassation : la donation, par un époux, de la nue-propriété de son bien propre constituant le logement de la famille et comportant clause de réserve d’usufruit à son seul profit constitue-t-elle un acte de disposition , au sens de l’article 215, alinéa 3, du code civil ? cette donation peut-elle être valablement annulée pour défaut de consentement de l’épouse sur le fondement de l’article 215, alinéa 3, du code civil ?
La première chambre civile de la Cour de cassation casse l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Papeete. Selon elle, la donation de la nue-propriété du logement familial consentie par l’époux, ne constitue pas un acte de disposition des droits par lesquels est assuré le logement de la famille, au sens l’article 215, alinéa 3, dès lors que celui-ci n’avait pas porté atteinte à l’usage et à la jouissance du logement familial par l’épouse pendant le mariage.
Ainsi, l’absence de mention du consentement de l’épouse dans ledit acte ne justifie aucunement son annulation.
Par cet arrêt, la cour de cassation indique que l’acte de donation de la nue-propriété du logement familial, ne constitue pas un acte de disposition au sens de l’article 215, alinéa 3, du code civil (I) de sorte que sa nullité, fondée sur le défaut de consentement de l’épouse, s’avère injustifiée (II)
- LA DONATION DE NUE-PROPRIETE DU LOGEMENT DE LA FAMILLE NON CONSTITUTIVE D’UN ACTE DE DISPOSITION AU SENS DE L’ARTICLE 215 ALINEA 3 DU CODE CIVIL
L’article 215, alinéa 3, du code civil ne protège le logement familial que pendant le mariage (A).
Or, l’acte de donation ne met fin à l’usufruit sur le logement de la famille qu’au décès du donateur donc à la dissolution du mariage.
Dès lors, il ne saurait être qualifié d’acte de disposition au sens de l’article 215, alinéa 3, du code civil (B).
- LA PROTECTION DU LOGEMENT FAMILIAL LIMITEE A LA DUREE DU MARIAGE AU REGARD DE L’ARTICLE 215 ALINEA 3 DU CODE CIVIL
L’article 215, alinéa 3, du code civil dispose, substantiellement, que les époux ne peuvent l’un sans l’autre ‘’disposer’’ des droits par lesquels est assuré le logement de la famille. Il est en ce sens, logique de considérer que sont visés les actes de disposition.
Toutefois, l’énoncé de l’article 215, alinéa 3, du code civil, en tant qu’il est des moins précis, ne permet assurément pas de cerner a priori ce qu’est un acte de disposition ?
En l’espèce, un époux tenu dans les liens du mariage, sous le régime légal de la communauté d’acquêts, fait donation à ses enfants de la nue-propriété de l’un de ses biens propres constituant le logement de la famille.
La cour de cassation juge que la donation susvisée ne peut valablement, être qualifiée d’acte de disposition au sens de l’article 215, alinéa 3, du code civil, dès lors qu’elle « ... n’avait pas porté atteinte à l’usage et à la jouissance du logement familial pendant le mariage… ».
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