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La dualité de juridictions a-t-elle encore un sens ?

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Par   •  17 Octobre 2022  •  Dissertation  •  2 360 Mots (10 Pages)  •  455 Vues

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POULET Justine

Groupe 246

Dissertation droit administratif séance 5

« La dualité de juridictions a-t-elle encore un sens ? »

        « Les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions administratives. Les juges ne pourront, à peine de forfaiture, troubler, de quelque manière que ce soir, les opérations des corps administratifs, ni citer devant eux les administrateurs pour raison de leurs fonctions. » indique l’article 13 de la loi des 16 et 24 août 1790. Cette loi fut adoptée durant la Révolution française, dans un contexte de méfiance à l’égard des juges et du Parlement et dans l’objectif de réduire leur pouvoir.

        Ces aspirations de séparation des fonctions judiciaires et administratives mènent à l’émergence de deux ordres de juridictions distincts. D’une part, l’ordre administratif ayant à sa tête le Conseil d’État créé le 13 décembre 1799 qui statue sur les litiges concernant l’administration elle-même ou opposant l’administration aux particuliers. D’autre part, l’ordre judiciaire ayant pour juridiction suprême la Cour de Cassation chargée de statuer sur les litiges qui opposent les particuliers entre eux et les litiges en matière pénale. En considération de ce principe de dualité de juridictions, l’objectif qui est d’interdire aux juges judiciaires, seuls juges existants à l’époque révolutionnaire, d’intervenir dans les affaires de l’État se traduit notamment à travers le décret du 16 fructidor an III dont son article unique annonce « Défenses itératives sont faites aux tribunaux de connaître des actes d’administration, de quelque espèce qu’ils soient, aux peines de droit. ». Ainsi, l’administration est placée en dehors du champ de compétence des juges judiciaires. Ce dualisme juridictionnel français découle du principe de la séparation des pouvoirs énoncé à l’article 16 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen entérinée le 26 août 1789. L’apparition de ce dualisme des juridictions judiciaires et administratives a pour but une séparation stricte entre le pouvoir judiciaire et les autres pouvoirs. Ce système dualiste des juridictions se renforce au fil du temps entraînant l’autonomisation de l’ordre administratif et notamment avec le passage d’une justice retenue où le Conseil d’État avait une fonction seulement consultative à une justice déléguée où il peut juger « au nom du peuple français » les affaires administratives grâce à l’article 9 de la loi du 24 mai 1872. Aussi, l’arrêt Cadot du 13 décembre 1889 traduit une évolution majeure de l’ordre administratif avec l’abandon du ministre-juge remplacé par la reconnaissance du Conseil d’État comme juge de droit commun du contentieux administratif et ce excluant ainsi la compétence du ministre en matière administrative. Toutefois, cette dualité de juridictions semble aujourd’hui être de plus en plus remise en cause avec la difficulté de détermination de la juridiction compétente pour statuer sur un litige.

La dualité juridiction est-elle encore pertinente ?

        Cet essentiel dualisme juridictionnel (I) fait face à la complexité de sa ligne de partage (II).

I/ La nécessaire délimitation des juridictions administratives et judiciaires

Le dualisme juridictionnel est un principe fondateur du fonctionnement actuel de la justice française car il apporte une certaine garantie (A) et de nombreux outils sont mis en place pour affirmer cette dualité (B).

A) Les garanties apportées par le dualisme juridictionnel

La construction d’un ordre administratif s’est fait progressivement dans le but d’empêcher le juge judiciaire de s’immiscer dans les affaires administratives et de garantir des droits au justiciable dans ses litiges l’opposant aux administrations. Depuis la Révolution française, une grande tradition de méfiance vis à vis de l’ordre judiciaire subsiste, la dualité de juridictions est alors une nécessité pour permettre l’application effective des décisions de justice. En effet, cette séparation est garante d’un système juridictionnel stable et organisé car la spécialisation fonctionnelle des ordres de juridictions permet un meilleur jugement puisqu’un juge unique entraîne des problèmes de résolution face à la diversité des cas à traiter. Effectivement, le besoin de juges spécialisés dans un domaine particulier semble rendre le traitement des affaires beaucoup plus efficace et clair autant en termes de qualité du jugement qu’en termes de délai et de coût de procédure. Le fait que chaque juge se voit confier un litige dont il détient la compétence en la matière est le principe même du dualisme juridictionnel et son maintien apparaît de ce point de vue nécessaire et cohérent afin d’assurer une résolution juste et réfléchie des litiges présentés. Ainsi, le juge administratif se voit confier les recours contentieux tendant à l’annulation ou à la réformation des décisions prises par les autorités administratives dans l’exercice de leurs prérogatives de puissance publique. Ces compétences sont attribuées par l’arrêt du Conseil Constitutionnel du 23 janvier 1987 qui questionnait une loi attribuant à la Cour d’appel de Paris le contentieux des décisions du conseil de la concurrence. Le juge judiciaire est lui compétent pour les litiges portant sur la liberté individuelle, le droit de propriété, d’état et de capacité des personnes ainsi que sur le fonctionnement des services judiciaires. Le dualisme juridictionnel est donc apparut comme une solution pour lutter contre les abus du Parlement durant l’Ancien Régime et celui-ci est nécessaire au bon fonctionnement de la justice française actuelle. De plus, de nombreux pays européens tels que l’Allemagne, la Finlande ou le Portugal appliquent le principe du dualisme juridictionnel. Cela montre que le dualisme juridictionnel est utilisé et prôné au niveau international, qu’il ne constitue pas une exception française mais qu’il est un principe juridique reconnu internationalement.

B) L’affirmation de cette dualité

Aujourd’hui, le principe de dualité de juridictions est fondamental dans l’organisation juridictionnelle française. Ce principe a été progressivement consacré et légitimé depuis la fin du XVIIIème siècle avec une autonomisation de l’ordre administratif. Si la dualité de juridictions n’a pas été reconnue comme un principe à valeur constitutionnelle, elle s’est toutefois vu reconnaître une place dans la tradition constitutionnelle républicaine et a connu quelques aménagements dans un souci de bonne administration de la justice. L’article 13 de la loi des 16 et 24 août 1790 cité précédemment a été à l’origine d’une tradition législative qui a permis au Conseil constitutionnel de catégoriser la dualité de juridictions comme un des « principes fondamentaux reconnus par les lois de la République » dans un arrêt du 23 janvier 1987. En effet, le Conseil constitutionnel relève qu’en droit de la concurrence, le juge pénal (un juge judiciaire) intervient souvent, comme le fait également le juge civil. Dès lors, « pour la bonne administration de la justice », le texte a pu organiser un bloc de compétence en désignant comme juridiction qui connaît des recours la Cour d’appel de Paris. La compétence du juge administratif pour connaître du contentieux de la légalité des actes administratifs est alors rattachée aux principes fondamentaux de la République. Dans cette décision, le Conseil indique que « A l'exception des matières réservées par nature à l'autorité judiciaire, relève en dernier ressort de la compétence de la juridiction administrative l'annulation ou la réformation des décisions prises, dans l'exercice des prérogatives de puissance publique, par les autorités exerçant le pouvoir exécutif, leurs agents, les collectivités territoriales de la République ou les organismes publics placés sous leur autorité ou leur contrôle ». Ce texte attribue donc à la juridiction administrative des compétences qui lui sont propres et cela empêche au législateur de déléguer la compétence des litiges du conseil de la concurrence qui relève à l’origine du juge administratif au juge judiciaire. L’existence de la juridiction administrative est ainsi devenue un élément de la tradition constitutionnelle française et compte parmi les onze principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. Bien que ce principe n’est pas reconnu comme un principe à valeur constitutionnelle il est tout de même implicitement inscrit dans la Constitution de la Vème République. En effet, l’article 61-1 met en exergue les deux ordres de juridictions distincts en disposant que le Conseil Constitutionnel peut être saisi « sur renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation » à propos d’une question prioritaire de constitutionnalité. De plus, l’alinéa 2 de l’article 65 concernant la formation du Conseil supérieur de la magistrature indique que les membres ne doivent appartenir « ni au Parlement, ni à l’ordre judiciaire, ni à l’ordre administratif ». On constate donc que la Constitution opère une distinction entre l’ordre administratif et celui judiciaire. Enfin, la disposition législative peut également déterminer le juge compétent. Effectivement, le décret-loi de 1938 attribue la compétence au juge administratif pour le contentieux des conventions d’occupation domaniale. Aussi, par exemple, la loi du 31 décembre 1957 attribue compétence aux tribunaux judiciaires pour statuer sur les actions en responsabilité des dommages causés par tout véhicule et dirigés contre une personne morale de droit public. On voit une volonté du législateur de réunir le bloc de compétence et de l’attribuer à un seul et même juge. La dualité de juridictions amène ainsi le droit administratif à une véritable émancipation constante dans laquelle elle acquiert des méthodes et des spécialités qui lui sont singulières.

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