Dissertation : l'intérêt de la notion de souveraineté
Dissertation : Dissertation : l'intérêt de la notion de souveraineté. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Alexandre Hélibert • 17 Février 2016 • Dissertation • 2 041 Mots (9 Pages) • 2 552 Vues
Dissertation
« Quel sont les intérêts de la notion de souveraineté ? »
De toute évidence, la question de la notion de souveraineté semble également faire intervenir celles du souverain et de la relation qu'il entretient avec l'objet de la souveraineté qu'il détient – il s'agit le plus souvent, donc, de la question de l'Etat. Le souverain est tout simplement le titulaire de cette souveraineté, donc à partir d'un moment où quelqu'un se prévaut du statut de « souverain », il se prévaut dans les faits des attributions d'une souveraineté déterminée. Or dans toute société humaine, dès lors qu'il y a émergence d'une communauté, d'une organisation politique, d'un Etat, l'on trouve nécessairement un souverain à sa tête, et donc, un titulaire de cette notion de souveraineté. De ce point de vue, l'on pourrait penser que la notion de souveraineté est aussi ancienne et aussi claire que celle de souverain. Toutefois, la notion de souveraineté ne s'est véritablement incarnée que vers la Renaissance dans les esprits des penseurs en tant que question politique et juridique d'importance (Notamment pour Jean Bodin au XVIe siècle dans Les six livres de la République) , ce qui coïncide avec l'émergence de mouvements intellectuels de remise en cause du modèle absolutiste. En effet dans de tels systèmes, la question de la souveraineté importe moins que la question du souverain, en ce sens que l'ensemble des pouvoirs constituant la notion de souveraineté se trouvent concentrés entre les mains d'un seul être, le souverain absolutiste. « L'Etat, c'est moi » : l'identité soulevée par Louis XIV entre l'Etat et la personne du souverain rend précisément la question de la souveraineté très secondaire : le roi incarne en quelque sorte l'Etat, ce qui implique nécessairement qu'il en détient la souveraineté. Mais pour se permettre d'envisager d'autres modes d'organisation politique, d'autres façons de diriger un pays, il a fallu s'interroger sur les multiples pouvoirs propres à l'Etat, leur place dans la hiérarchie des normes, les modalités d'exercice de ce pouvoir, les façons de morceler ces différents pouvoirs, la possibilité ou non de les déléguer, de les séparer, et les conséquences juridiques et politiques de telles organisations ; en un mot, il a fallu s'intéresser en détail à la notion même de souveraineté en tant qu'ensemble des pouvoirs supérieurs liés à l'autorité de l'Etat (pouvoirs politiques, pouvoir de faire les lois, pouvoir de les faire appliquer, etc...).
Quel est alors le rôle de la souveraineté dans la théorie moderne de l'Etat ? L'Etat dans une première partie, peut se définir en tant que puissance suprême, et la souveraineté comme la possibilité d'exercer cette puissance. En effet, ce sont les attributions directes du souverain, et la conception instinctive de ce qu'est la souveraineté : un pouvoir qui s'impose et la possibilité d'exercer un tel pouvoir. La souveraineté peut toutefois également s'envisager dans une deuxième partie comme le concept fondateur de l'organisation politique, qui façonne et détermine les pouvoirs au sein de ces institutions. C'est en quelque sorte une approche plus abstraite, qui s'attache à décrire les liens qui existent entre organisation juridique et souveraineté, liens nécessaires car l'organisation juridique quelle qu'elle soit est tout à la fois au service de la souveraineté, en cela qu'elle est l'expression des trois pouvoirs (judiciaires, législatifs et même exécutifs car elle prévoit l'exécution du droit), mais également une limite à cette souveraineté, puisque cette organisation juridique prévoit un cadre précis (plus ou moins large selon les régimes) au sein duquel la souveraineté s'exprime et s'exerce.
I – L'Etat en tant que puissance souveraine, et la souveraineté en tant qu'exercice de cette puissance.
L'Etat est une institution particulière, distincte de toutes les organisations notamment par l'importance et l'étendue de ses pouvoirs. Lorsqu'on dit qu'un monarque, un peuple, détient la souveraineté, c'est qu'on estime que c'est à lui qu'incombe l'utilisation de l'ensemble du champ des attributions de l'Etat.
La notion de souveraineté au sens strict ne s'utilise qu'en relation avec un Etat, ou comme attribut du souverain. La souveraineté induit l'idée d'un pouvoir fort et suprême ; pour J.Bodin, rien n'est supérieur au pouvoir souverain sinon Dieu. A l'échelle d'un pays, l'institution de pouvoir suprême, c'est l'Etat, par le biais de la souveraineté nationale. L'Etat, qui exerce sa souveraineté sur un territoire défini, ne connaît nulle limite à ce pouvoir. Nul ne peut imposer quelque chose à un autre Etat, en termes de droit, qu'à la condition que cet Etat souverain le consente. Un pays vaincu militairement, par exemple, ne se voit imposer des règles que par qu'il le consent via l'expression de sa souveraineté. Un bon exemple en est le traité de Versailles : en signant ce traité, l'Allemagne vaincue s'est imposée des règles ; ce n'est pas un autre pays qui les lui a imposé. Les autres pays lui ont certes imposé la signature de ce traité, mais les règles qu'appliquait toujours l'Allemagne en 1920 par exemple ne provenaient pas directement de la volonté des autres Etats, mais des clauses du traité que l'Etat allemand avait ratifié, traité qui fonde dès lors sa légitimité juridique sur la décision souveraine de l'Etat de le signer. On peut dès lors penser que la notion de souveraineté permet de définir l'étendue du pouvoir de l'Etat, en quelque sorte la « juridiction » sur laquelle il exerce un pouvoir sans partage (le terme est impropre mais retranscrit l'idée selon laquelle certains rôles sont du ressort exclusif de l'Etat sur un territoire et une population donnés).
La souveraineté ne s'incarne pas uniquement en rapport aux autres Etats ; elle s'exprime également, et surtout, au sein même de l'Etat. Le pays tout entier est soumis aux décisions prises par l'autorité qui détient la souveraineté dans le pays. Le souverain dispose de très nombreux pouvoirs et attributions exclusives. L'une des plus marquantes dans la définition de Weber de l'Etat est « le monopole de la violence physique légitime », dont dispose le souverain en tant que mandataire des pouvoirs de l'Etat. Le terme de monopole renvoie à l'attribution exclusive de cette faculté de violence. C'est-à-dire que l'Etat a non seulement le droit d'exercer la violence, mais encore que tout ce qui n'est pas l'Etat est privé de ce droit. On parle ici de violence physique exclusivement, de la violence qui, finalement, est à même d'imposer la volonté de l'Etat sur le particulier. Enfin, le terme légitime montre que cette utilisation de la violence est fondée par le droit, et que ce droit est reconnu ; dès lors, toute organisation faisant usage de violence physique est considérée hors-la-loi de l'Etat dans lequel elle est établie. Il existe d'autres pouvoirs exclusifs à l'état, qui sont appelés « pouvoirs régaliens ». Il s'agit du droit de rendre la Justice, d'émettre une monnaie, de diriger l'armée, de faire les lois, de diriger la diplomatie.... Ces droits émanent exclusivement d'un Etat et nulle autre institution que l'Etat ne peut s'en prévaloir. Dès lors, la notion de souveraineté englobe également toutes ces dimensions, et est surtout un ensemble de pouvoirs suprêmes au sein d'un même territoire ; les pouvoirs souverains ont une influence potentielle sur toutes les activités du pays et tous les pouvoirs subalternes.
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