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Dans quelle mesure la loi est encore l’œuvre du Parlement sous la Ve République ?

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Par   •  2 Avril 2020  •  Dissertation  •  2 417 Mots (10 Pages)  •  602 Vues

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TD de Droit Constitutionnel

Séance 7

« Notre procédure législative et budgétaire était l’une des marques les plus nettes du caractère d’assemblée qui était celui de notre régime démocratique […] La procédure législative est considérablement rénovée, et j’ose dire, améliorée. » C’est ce qu’affirmait Michel Debré dans un discours prononcé le 17 août 58 devant l’Assemblée Constituante. A travers ces propos, on voit nettement transparaître la volonté des constituants de la Ve République de réduire le rôle du Parlement dans la procédure législative.

Cette volonté peut paraître paradoxale, lorsque l’on se penche sur la définition du terme de loi. La loi désigne en effet une règle de droit, de portée générale, votée par des assemblées parlementaires selon des procédures spécifiques et dont le respect s’impose. Comme l’exprimait Rousseau dès 1762, la loi est considérée comme « l’expression de la volonté générale ». De ce fait, elle doit non seulement être l’œuvre des représentants de la Nation, donc du Parlement,  mais aussi avoir un caractère suprême, être une norme « première et inconditionnée », comme l’affirmait Carré de Malberg. Cette conception de la loi comme norme suprême émanant d’un Parlement souverain était celle qui prévalait en France sous les IIIe et IVe Républiques, où le Parlement avait toute latitude pour voter des lois à sa convenance. Le domaine en était illimité, et elles se trouvaient au dessus de toute contestation. L’avènement de la Ve République modifie profondément cette conception. En effet, l’élaboration de la Constitution de la Ve République se place dans un contexte de méfiance face au parlementarisme, dont les excès sont jugés coupables de l’échec de la IVe République, en particulier par le général de Gaulle, père du projet constitutionnel. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant de constater que la Constitution de 58 contient de nombreuses mesures visant à restreindre les prérogatives du Parlement. La plus importante est assurément la réduction du domaine de la loi, limitativement énuméré à l’article 34, le domaine résiduel étant accordé au décret, acte du pouvoir exécutif. En plus de limiter le domaine de la loi, la Constitution de 58 supprime également sa suprématie. Elle institue en effet un Conseil Constitutionnel ayant pour fonction de contrôler la conformité des lois parlementaires avec les dispositions de la Constitution. En plus de cela, le juge ordinaire est également habilité à vérifier la conformité des lois avec les traités internationaux ayant eux aussi valeur supra législative, à travers le contrôle de conventionalité. On pourrait penser que cette diminution considérable du domaine et de la valeur de la loi constituerait en elle-même un abaissement suffisant d’un Parlement, pouvant malgré tout œuvrer librement à l’élaboration de la loi. Or il n’en est rien : la Constitution de la Ve République instaure également toute une série de mesures, s’inscrivant dans la perspective d’une rationalisation du parlementarisme, et visant à restreindre le rôle même du Parlement dans l’élaboration de la loi. On peut dès lors se demander dans quelle mesure la loi est encore l’œuvre du Parlement sous la Ve République ?

C’est à cette question que nous tenterons de répondre, en étudiant dans un premier temps la restriction relative du rôle législatif du Parlement par la procédure mise en place (I), avant de considérer l’accaparement possible du rôle législatif par des organes non-parlementaires (II).


  1. La restriction relative du rôle législatif du Parlement par la procédure mise en place

La procédure législative « rénovée » et « améliorée » de la Ve République, selon les termes de Michel Debré, se caractérise par une mainmise du gouvernement sur la procédure législative (A), dans laquelle le Parlement garde malgré tout un rôle non négligeable (B)

  1. La mainmise du gouvernement sur la procédure législative

  1. La sélection des textes soumis à la procédure législative

Si l’initiative de la loi appartient en théorie concurremment au Premier Ministre (on parle alors de projet de loi) et aux membres du Parlement (on parle alors de proposition), aux termes de l’article 39 de la Constitution, on s’aperçoit qu’en pratique plus de 90% des lois adoptées proviennent de propositions. Cela s’explique par l’importance des moyens de sélection mis à la disposition du Gouvernement.

C’est en effet lui qui fixe en règle générale l’ordre du jour des assemblées (art 48), donnant ainsi priorité à ses projets sur les propositions des parlementaires. D’autre part, les propositions de lois se trouvent très fortement limitées par la règle de l’irrecevabilité financière (art 40). En effet, les propositions ne sont pas recevables « lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique ». L’application stricte de cette règle reviendrait à supprimer toute possibilité de proposition de loi en dehors de mesures purement symboliques, c’est pourquoi son application est en réalité un peu assouplie. Malgré tout, les chiffres sont éloquents : pour prendre un exemple, au cours de l’année 1995, sur 113 projets de lois, 45 furent adoptées, tandis que sur 1142 propositions, seules 9 ont abouti

  1. Des moyens nombreux pour imposer sa volonté

En plus de ce pouvoir initial de sélection, le Gouvernement dispose tout au long de la procédure d’étroits moyens de contrôle lui permettant d’imposer sa volonté.

•Le gouvernement peut en effet, à tout moment de la procédure, invoquer l’irrecevabilité d’une proposition (ou d’un amendement) au motif de son incompatibilité avec le domaine de la loi (art 41). L’irrecevabilité suspend immédiatement la procédure jusqu’à ce que le Conseil Constitutionnel se soit prononcé (en cas litige).

•Le gouvernement a également la possibilité d’imposer le « vote bloqué » (art 44-3) : il peut décider de la mise au vote du texte ne retenant que les amendements proposés ou approuvés par lui, et ce sans formalité préalable.

•Une autre procédure mise à la disposition du gouvernement est celle mise en place par le fameux article 49-3. Aux termes de cet article, le gouvernement peut engager sa responsabilité sur un texte de loi : si une motion de censure n’est pas votée dans les 24h, le texte est considéré comme adopté.

• On pourrait arguer que le vote final de la loi  revient au Parlement, mais là encore, c’est le gouvernement qui décide dans une large mesure des conditions de ce vote. En effet, il peut déclarer l’état d’urgence pour réduire l’examen du texte à une lecture unique par chaque assemblée. C’est encore le gouvernement qui peut décider de la réunion d’une Commission Mixte Paritaire composée de parlementaires en cas de désaccord persistant. C’est enfin le gouvernement qui peut décider de donner le dernier mot à l’Assemblée Nationale lorsque celle-ci ne parvient pas à s’accorder avec le Sénat à l’issue de plusieurs lectures d’un texte.

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